mardi 31 mai 2011

Pelleas et Melisande...De Maeterlinck à Debussy ...

Melisande-Isabel Rey

..... Maeterlinck fait aussi partie des grands dramaturges avec Ibsen, Tchekhof ,  Strinberg, Hauptmann qui  ont contribué à transformer l'expression dramatique   avec   trois idées novatrices   : le drame statique   , le personnage sublime et le tragique quotidien  . Deux des principales œuvres qui le rendirent célèbres : l Oiseau bleu et Pélléas et Melisande , dont  Debussy fit un opéra reprenant les nouvelles conceptions  esthétiques du   dramaturge belge. .... .

L’Oiseau bleu, Maurice Maeterlinck


L’Oiseau bleu
Tyltyl et Mytil sont les enfants d’un couple pauvre et leur foyer est modeste. De leur fenêtre ils suivent les ébats de plus riches constatant les différences sans envie ni amertume. La pauvreté est leur condition et le bonheur est ailleurs.
Une nuit la fée Berylune vient les convaincre de partir à la recherche de l’Oiseau bleu qui seul peut soigner sa fille en lui révélant le secret du Bonheur.
Ce conte initiatique les conduira successivement dans les univers concrétisant chacun les grands problèmes de l’existence, où le savoir et la science personnalisés par la Lumière s’opposent aux efforts de La Nuit dans la quête de la vérité que symbolise l’Oiseau bleu.
La principale révélation est dans l’âme des choses que l’homme néglige et bafoue quotidiennement en les réduisant au silence. En contrepartie, les « choses » conçoivent peu d’amour pour l’homme. Il en résulte la séparation des hommes et de la Nature déplorée par l’idéalisme allemand de l’époque et la conception de Maeterlinck selon laquelle l’univers est animé d’une intelligence universelle constituée de l’ensemble

des âmes aspirant à l’harmonie.

En vertu de ce principe cher à Maeterlinck, la mort n’existe pas (acte IV, Le Cimetière) ce qui nous vaut également un acte  admirable où les morts vivent du souvenir des vivants (acte I, Le Palais du souvenir). L’acte V nous situe dans le Royaume de l’Avenir. Les âmes attendent leur tour pour descendre sur terre, contrôlées par le Temps, personnage incorruptible, l’épisode témoigne du dualisme de Maeterlinck qu’il serait réducteur de traduire par un moralisme étriqué : toutes les âmes doivent apporter sur terre leur contribution, chacune d’elle a, dans la marche du  monde, son rôle à jouer et sur aucune des actions futures n’est émis le moindre jugement de valeur.
Bien sûr, l’Oiseau bleu est insaisissable ; semblable à la Vérité, ses couleurs disparaissent dès qu’on le sort de son contexte.


 

Du  monde moderne, le songe le plus pur.
Quel est ce texte dont il sied toujours de sourire si l’on veut paraître intelligent ? Quelle est cette pièce que Moscou ne cessa jamais de représenter depuis sa création, quels qu’aient été les bouleversements politiques qui l’agitèrent ? Quelle est cette œuvre qui attira nombre de cinéastes aux esthétiques pour le moins contradictoires. Il faudrait un jour s’atteler de tenter de la comprendre.
Marc Quaghebeur pour la préface de l’Édition Babel théâtre.

lundi 30 mai 2011

LANDING IN KATHMANDU

LANDING IN KATMANDU
Un  rêve  qui  s'achève  ,  un  autre  qui  commence  ......

«Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages que je sais bien ce que je fuis mais non pas ce que je cherche.» MONTAIGNE

Patan

Tous  mes  voeux t'accompagnent .....

Kissin -Rachmaninov piano concerto #2, mvt. II. (part 1)

Anselm Kiefer Lot's wife


Anselm Kiefer .  Lot's wife (1989)

Je pensais à ce tableau, vu dans une exposition récemment à Bâle... ( c'était  en   2009 ...). Il est immense comme beaucoup de toiles de Kieffer , il couvre tout un pan de mur . Il est impressionnant .
J'ajouterai aujourd'hui  ,  il  a  une telle  tension  dramatique !




(j'ajoute  ce  lien   suite  à la  remarque   (bienvenue )  d'un lecteur : 

Stephan Zweig Le joueur d'échecs



 Quand ce texte paraît à Stockholm en 1943, Stefan Zweig, désespéré par la montée et les victoires du nazisme, s'est donné la mort l'année précédente au Brésil, en compagnie de sa femme. La catastrophe des années quarante lui apparaissait comme la négation de tout son travail d'homme et d'écrivain. Le joueur d'échecs est une confession à peine déguisée de cette désespérance.


[...] Au début , j'étais encore  capable  de jouer avec  calme et réflexion , je faisais une pause entre les parties  pour me  détendre un  peu . Mais  bientôt  mes   nerfs irrités ne me  laissèrent plus  de  répit. A peine   avais-je joué avec les  blancs   que les  noirs se  dressaient  devant moi ,frémissants. A peine une partie  était -elle finie qu'une  moitié de  moi-même   commençait   à défier l'autre , car  je  portais  toujours en  moi un  vaincu  qui  réclamait  sa revanche. Jamais je ne pourrai  dire,  même à  peu  près, combien  de parties j'ai  jouées  ainsi   pendant les derniers  mois dans ma cellule, poussé  par mon insatiable  égarement  -peut-être mille ,  peut-être davantage.  J'étais possédé   et je ne pouvais m'en  défendre. Du matin  au  soir, je ne  voyais que pions,  tours, rois  et  fous  et je n'avais en  tête  que   a,b,et  c,  que mat  et roque. Tout  mon  être,  toute  ma  sensibilité se  concentraient   sur les  cases  d'un échiquier imaginaire . La  joie  que  j'avais  à  jouer , était   devenue un désir  violent, le  désir  d'une contrainte, d'une manie, une  fureur  frénétique  qui  envahissait  mes  jours et mes nuits. Je ne pensais plus  qu'échecs,  problèmes  d'échecs, déplacement  des pièces. Souvent ,  m'éveillant  le  front  en  sueur, je m'apercevais  que  j'avais  continué  à  jouer  en  dormant. Si  des figures humaines paraissaient  dans mes  rêves, elles  se  mouvaient  uniquement à la  manière  de la  tour, du  cavalier , du  fou . A  l'audience aussi ,  je ne parvenais plus à  me  concentrer sur  ce  qui   engageait ma responsabilité;  J'ai  l'impression  de  m'être  exprimé assez obscurément les  dernières  fois  que je  comparus, car les juges  se jetaient  des  regards  étonnés. En  réalité, tandis  qu'ils menaient leur   enquête  et leurs  délibérations, je n'attendais,  dans ma  passion  avide,   que le moment d'être   reconduit  dans ma cellule pour y reprendre mon  jeu  , mon jeu de  fou. Une autre  partie,  et  encore une  . [...]

dimanche 29 mai 2011

Stefan Zweig: romans et nouvelles

Stefan Zweig : 

(1881-1942)

(1)


A l'occasion de mon voyage à  Vienne  ,  j'avais  repris  cet  auteur   , au moins  ce  recueil de  romans  et nouvelles, lu   il y  a  bien  longtemps  et  que je pensais  avoir  oublié  .
 Je me  souvenais   vaguement  de  quelques histoires  , mais   n'en  gardais  qu'une impression  floue autour  des   grands  thèmes  d'âmes  torturées  par  leurs  passions ou victimes   de  la  fatalité , dans une  atmosphère  mélancolique .
 J'ai  retrouvé ce  grand  écrivain , et  dès les  premières   pages  ,  les  souvenirs  ont  afflué , me permettant  de vérifier une fois encore l' influence que  gardent   sur  nous , parfois  à notre insu  ,  les auteurs  que nous  avons lus ! C'est  vrai  il  me semble  , pour les idées ,  pour  les regards  que nous portons  sur  le monde   mais  aussi pour l'écriture , la manière  de conduire  un récit  ; le style  de  ces  grands  auteurs  agit  un  peu  comme  une  musique  et s'articule  comme une partition , avec une   dominante tonale, un rythme , une couleur  aussi   , qui  font  que  sans se souvenir  de la mélodie  on peut à  juste  titre   accorder  de la  valeur  à  nos  impressions  .
On  pourra  m'objecter que je   lis cet auteur  dans sa traduction  française et  qu'une partie  de la  forme  m'échappe  mais  je pense  que  les   auteurs de cette  valeur  , sont  confiés  aux  meilleurs  traducteurs .

1) Dans  ce  volume:

-Conte  crépusculaire
-Brûlant  secret
-La peur 
-Amok
-La femme  et le  paysage
-La nuit  fantastique
-Lettre d'une  inconnue
-La ruelle  au  clair  de  lune
-La collection  invisible
-La  confusion des sentiments
-Leporella
-Le  bouquiniste
-Révélation inattendue  d'un  métier
-Virata
-Rachel contre  Dieu
-Le chandelier enterré
-Les  deux jumelles
-La  Pitié  dangereuse
- Le joueur  d'échec *




samedi 28 mai 2011

Philip Glass. La Belle et la la Bete Ouverture

Et Philip  Glass en  a fait  un  opéra




La belle et la bête ,Cocteau "Belle , fermez votre porte , votre regard me brûle"


 
La Belle et La Bête

(Puissiez-vous  être  sensible  à un joyau  de  mon  sacré !)

La Belle et la Bête
Le film
Jean Cocteau
Musique Georges Aurich
(Le conte original est  de  Madame  Leprince de  Beaumont   1711-1780)

« L‘enfance croit ce qu’on lui raconte et ne le met pas en doute. Elle croit qu’une rose qu’on cueille peut attirer des drames dans une famille. Elle croit que les mains d’une bête humaine qui tue se mettent à fumer et que cette bête à honte lorsqu’une jeune fille habite sa maison.
Elle croit mille autres choses bien naïves. C’est un peu de cette naïveté que je vous demande et pour nous porter chance à tous, laissez-moi vous dire quatre mots magiques, véritable « Sésame ouvre- toi » de l’enfance :
Il était une fois…(Jean Cocteau)
 Va où je vais le  Magnifique  ,  va,  va , va .

-          Mon père rapportez-moi une rose, car il n’y en pas ici

-          Vous volez mes roses qui sont ce que j’aime le mieux au monde.Vous jouez de malchance car vous pouviez tout prendre chez moi sauf mes roses. Il se trouve que ce simple vol mérite la mort.


-          « Va ou je vais le Magnifique Va Va Va »

-          Réfléchissez pour moi, je réfléchirai pour vous . (le miroir)


-          Belle il ne faut pas me regarder avec ces yeux !
-           
-          Mon cœur est bon mais je suis un homme

-          Je n’ai point d’esprit
-          Vous avez l’esprit de vous en rendre compte

-          Et cependant votre rêve est d’être loin de moi

-          Fermez votre porte , votre regard me brûle

-          Ma nuit n’est pas la vôtre ; il fait nuit chez moi c’est le matin chez vous

-          La rose , le miroir, ma clé d’or , mon cheval et mon gant sont les cinq secrets de ma puissance

-           
-          J’ai pas peur , je refléchis (Ludovic)
-          Ça se ressemble(Avenant)

       -    Mais les pauvres bêtes qui veulent prouver leur amour ne savent que se coucher par terre et mourir.

Orphée de Jean Cocteau : "Les miroirs sont les portes par lesquelles la mort vient et va."

Orphée - Jean Cocteau- Dernier part 

 - Tu me brûles  comme  de la glace 

- La mort  d'un  poète  doit  se  sacrifier pour le  rendre immortel 

- Remontez le  temps;  il  faut  que  ce qui  a été ne  soit  plus 

Autres  dialogues

Orphée :
(dialogue entre Orphée et l’ancien  poète)

Ancien poète :  Elle est étrangère et elle ne peut pas se passer de notre milieu. Voilà sa revue.
Il tend à Orphée un album de pages blanches

Orphée Je ne vois que des pages blanches !
Ancien poète Celà s'appelle «NUDISME».
Orphée :  Mais c'est ridicule !
Ancien poète : Moins ridicule que si ces pages étaient couvertes de textes ridicules ! Aucun excès n'est ridicule !
Orphée, votre plus grave défaut est de savoir jusqu'où on peut aller trop loin.


Dialogue  entre Orphée et Cegeste

le poète : Cégeste !
cégeste : C'est toi qui m'a nommé.
Le poète : J'ai peine à te reconnaître. Tu étais blond.
Cégeste :  Pour un film. Cette fois, ce n'est plus un film. C'est la vie.
 Le poète :  Tu étais mort.
Cégeste :  Comme tout le monde.
Le poète :    pourquoi reviens-tu par la mer ?
Cégeste Pourquoi. Toujours pourquoi. Vous cherchez trop à comprendre. C'est un grave défaut.
Le poète :  J'ai déjà entendu cette phrase.
Cégeste Vous l'avez écrite. Prenez cette fleur...
Le poète :  Mais cette fleur est morte !
Cégeste :  N'êtes-vous pas expert en phénixologie ?
Le poète : Qu'est-ce que celà ?
Cégeste : C'est la science qui permet de mourir un grand nombre de fois pour renaître.
le poète :  Je n'aime pas cette fleur morte.
Cégeste :  On ne ressuscite pas toujours ce qu'on aime. En route...
Le poète :  Où allons-nous ?
Cégeste Ne m'interrogez plus.

Dialogue entre la  Princesse  (la  Mort) et Orphée)

La  princesse :  Décidement, vous dormez !
Orphée : Oui, oui, je dors. C'est très curieux.  Mais enfin, m'expliquerez-vous ?
la princesse : Rien. Si vous dormez, si vous rêvez, acceptez vos rêves. C'est le rôle du dormeur.
 Orphée :  J'ai le droit d'exiger des explications !
la princesse :  Vous avez tous les droits cher Monsieur, et je les ai tous.
Nous sommes quitte.


Dialogue entre Heurtebise et   Orphée

Heurtebise : Orphée ! Orphée ! Vous connaissez la mort !
Orphée : Ah!... J'en parlais, j'en rêvais, je la cherchais. Je croyais la connaître. Je ne la connaissais pas.
heurtebise, secouant Orphée : Vous la connaissez, en personne.
orphée, abattu : ...en personne.
Heurtebise : Vous êtes allé chez elle !
Orphée : ... chez elle ?
Heurtebise : Dans sa chambre, dans sa propre chambre.
Orphée, s'exclamant :  La princesse. Mon Dieu... Le miroir !
Il se lève et va vers le miroir de la chambre

Heurtebise :  Je vous livre le secret des secrets. Les miroirs sont les portes par lesquelles la mort vient et va. Du reste, regardez-vous toute votre vie dans un miroir, et vous verrez la mort travailler, comme des abeilles dans une ruche de verre.
Orphée : Et comment savez-vous toutes ces choses redoutables ?
Heurtebise : Ne soyez pas naïf ! On n'est pas le chauffeur que je suis, sans apprendre certaines choses redoutables.
Orphée Heurtebise ! Il n'y a plus rien à faire !.
Heurtebise : Si ! La rejoindre !
Orphée : Aucun homme ne le peut ! Sauf s'il se tue.
Heurtebise :  Un poète est plus qu'un homme.
Orphée :Mais ma femme est morte ! Morte sur son lit de mort !
Heurtebise : C'est une forme d'elle, comme la Princesse est une des formes de la mort ! Tout cela est faux. Votre femme habite un autre monde, où je vous invite à me suivre.
Orphée, passionné :  Je la rejoindrais...aux enfers !
Heurtebise, pragmatique :  On ne vous en demande pas tant.

Dialogue entre Orphée et la Princesse
Orphée et La Princesse, attendant que la Princesse soit jugée par le tribunal de l'Autre Monde.

Orphée : Tu es toute puissante !
La princesse :  A vos yeux. Chez nous, il y a des formes innombrables de la mort : des jeunes, des vieilles, qui reçoivent des ordres.
Orphée :  Et si tu désobéissais à ces ordres ! Ils ne peuvent pas te tuer : c'est toi qui tues.
La princesse :  Ce qu'ils peuvent est pire.
Orphée :  D'où viennent ces ordres ?
La princesse :  Tant de sentinelles se les transmettent, que c'est le tam-tam de vos tribus d'Afrique, l'écho de vos montagnes, le vent dans les feuilles de vos forêts.
Orphée :  J'irais jusqu'à celui qui donne ces ordres.
La princesse :  Mon pauvre amour, il n'habite nulle part ! Les uns croient qu'il pense à nous. D'autres, qu'il nous pense.  D'autres qu'il dort, et que nous sommes son rêve, son mauvais rêve...

 

Monet , Debussy

 
Debussy  : La fille  aux  cheveux  de lin 

Claude  Monet   Bords  de  Seine  à  Giverny

jeudi 26 mai 2011

Rêverie : Errance intellectuelle propice à la mélancolie....


Robert  Delaunay Rythme ,  Joie  de  vivre


 
 Une nouvelle fois condamnée à  l'errance .... !  Besoin d'ancrer ma pensée !

Une  des  dix  raisons   imputables  selon  Georges   Steiner  à la tristesse  de  la pensée (1) :

2)      La pensée est incontrolée…. A chaque instant les actes de pensée sont sujets à des intrusions.. Dans son agrégat et sa confusion sans mesure, la phénoménalité des sens peut maîtriser  et recanaliser la pensée. .. Rêvasseries, méprises pathologiques

Les vents de la pensée humaine, leurs sources inaccessibles, soufflent à travers nous comme au travers d’innombrables fissures.
           Rares sont les intentionnalités totale et unique. Semblables puretés, pareils traits de    pensée  inébranlable, ne sont accessibles qu’à assez peu et leur durée de vie normale est 
brève .Une deuxième cause d’inaltérable  mélancolie
 
                 Impossibilité de controler nos pensées qui s’évadent nous échappent  ou subissent des digressions...



(1)Georges  Steiner  :" 10 raisons  possibles  à  la tristesse  de  la pensée"

mercredi 25 mai 2011

Mozart: String Quint N3 K516 .

Mozart: String Quint N3 K516 1/4


Mai   1987 :  Mozart  , vient  de perdre   son  ami d'enfance  ,  son  père   est  malade ,ses  amis   sont partis   et  le public   est  indifférent . A 31 ans   Mozart   est  obsédé par  l'idée  de la  mort " Je ne me couche  jamais  sans  réfléchir  que le lendemain (si  jeune que je sois ) je ne serai   peut -être  plus  là ".
Cette sérénité  conquise qui  domine  sans la  supprimer, tant  d'angoisse , nous la retrouvons dans  tout  ce qu'il  compose  en 1987 :  les  quintettes  du printemps  , l'opéra  de l''automne. (Don Giovanni)... Mozart  éprouve à  nouveau  le  besoin d'une  effusion  musicale plus intime  et  c'est  aux  cordes seules  qu'il se  confie. Coup sur  coup  , il ecrit  deux quintettes doont le  k  516  qui  respire une douleur plus intense,  comme  si le précédent  n'avait  pu  exorciser son  angoisse.....


Ecosse 1

Albert Camus Caligula. Après la sagesse de Lucrèce , place à Dionysos..

Caligula  au  Théâtre   selon  Camus





« Caligula : On croit qu’un homme souffre parce que l’être qu’il aime meurt en un jour. Mais sa vraie souffrance est moins futile : c’est de s’apercevoir que le chagrin non plus ne dure pas. Même la douleur est privée de sens.
Tu vois, je n’avais pas d’excuses, pas même l’ombre d’un amour, ni l’amertume de la mélancolie. Je suis sans alibi. »




......... Dans son Caligula , Camus a introduit quelque chose d’un ange , noir certes, mais qui ne manque pas de séduction. D’ailleurs ne lui a-t-il pas donné la beauté physique qui, au théâtre, caractérise également la beauté morale en désignant pour l’acteur qui devait incarner le rôle,  des artistes comme Gérard Philippe au charme incontesté ? 
« Ne pas oublier  que Caligula  est un homme très jeune, pas aussi laid que le voudrait l’histoire, grand et mince, le corps un peu voûté , il a une figure d’enfant .. » (Camus)

Sa perversité estompée  , sa cruauté édulcorée par la pratique d’une logique amorale, on se sent tenté de souscrire par instant à un esthétisme dérangeant que la médiocrité des patriciens qui l’entoure vient encore souligner .
Bien que Camus ait, dans sa version définitive, sensiblement réduit l’amour de Caligula pour Drusilla, ne peut-on interpréter  la mort de sa  sœur et amante comme la cause  de la ruine de son âme et le motif de sa  révolte contre les dieux qui  ont inscrit dans le destin de  l’homme l’absurdité d’une vie amputée par la mortalité . Chez ce "monstre" blessé la souffrance n’est pas absente.

Caligula : »J’ai besoin que les êtres se taisent autour de moi. J’ai besoin du silence des êtres et que se taisent autour de moi  ces affreux tumultes du cœur » .

C’est au cœur de la douleur qui l’a mené aux confins de la raison et  de la folie , que Camus fait prendre conscience à  Caligula  du sort injuste et si peu enviable réservé  à l’homme par les dieux . De retour au Palais, après sa fuite où il apaisa son deuil, il s’épanche  et livre l’amertume de ses pensées :

Caligula : »Les hommes meurent et ne sont pas  heureux »  

L’oeuvre des dieux est imparfaite , ils ont failli  et la morale  édifiée en leur nom n’est qu’un  leurre : 

-         Caligula : « Les hommes pleurent  parce que les  choses ne sont pas ce qu’elles  devraient être « 
-         Caligula : »Ce monde  tel qu’il est fait , n’est pas supportable. J’ai donc  besoin  de la  lune, ou du bonheur , ou de l’immortalité , de quelque chose  qui soit dément peut-être , mais qui ne soit pas de ce monde »  ....
(http://www.citadelle-fr.com/caligula.htm)

La mort d'Orphée


Gustave  Moreau


La mort d'Orphée 

La mort d'Orphée est racontée de diverses manières et sert de support à différents mythes .
 On admet généralement qu'il fut tué et déchiré par des femmes Thraces à son retour des Enfers .
Mais les causes divergent :
Tantôt on prétend que sa fidélité à la mémoire d'Eurydice inspira la jalousie des femmes Thraces qui se considérèrent comme insultées et le condamnèrent à mort .

D'autrefois qu'Orphée ayant renoncé à la compagnie des femmes se serait entouré de jeunes gens Les femmes alors auraient décidé de le punir pour  ses amours contre nature .

Enfin, en revenant des Enfers Orphée aurait fondé des mystères  au cours desquels il initiait les hommes aux secrets qu'il avait découverts dans l'Au-delà.  Mais il en interdisait l'accès aux femmes. Un soir que les hommes étaient rassemblés chez lui sans armes, les femmes massacrèrent Orphée et ses fidèles .
Quand les femmes Thraces eurent déchiré le corps d'Orphée , elles en jetèrent les morceaux dans le fleuve qui les emporta jusqu'à la mer. La Tête et la Lyre du poète parvinrent jusqu'à Lesbos où les habitants élevèrent un tombeau pour abriter ces reliques .
C'est autour de cette figure d'Orphée que se forma la théologie dite orphique, qui semble avoir été essentiellement une révélation des mystères de la mort et une série de pratiques et de conseils destinés à permettre aux fidèles de parvenir au pays des Bienheureux.

D'après : Mythologie de la Méditerranée au Gange sous la dir. de P. Grimal)

Non amo più - Roberto Vecchioni

Sarà il vento della sera
che mi sfoglia, che mi svela, che mi intride il cuore;
sarà questo rivedere la mia vita
come un grande inimitabile perduto amore;
sarà che mi sento stanco
di pensieri, di parole, di persone e anche di idee,
questo mare che va sempre avanti e indietro
con le sue maree

Sarai tu coi tuoi vent'anni
che mi vedi come fossi il re del mondo;
sarà il cane che mi guarda come un cane
e piscia sempre controvento;
sarai tu coi tuoi vent'anni
che mi sfiori con le ali per volare via,
e sarà che mi sembra un figlio
perso in guerra la malinconia;
ma stasera all'improvviso mi succede,
e non c'entri tu...non amo più
ninni ninni ninni ninni ni non amo più
ninni ninni ninni ninni ni non amo più

Sarà il sogno che si perde
se lo chiamo non mi sente, non risponde più
sarà questa donna triste
che ho lasciato senza un gesto scivolare giù,
sarà colpa dello specchio che riflette
l'altro uomo che vedevo allora,
quello che mi ha fatto un mucchio di promesse
e non è stato di parola

Sarà il libro che leggevo
la canzone che credevo mia
o sarà semplicemente che il mio pene
non ha più nessuna fantasia,
sarai tu coi tuoi vent'anni
che sei qui per caso e che mi dai la mano,
sarai tu coi tuoi vent'anni
sarà questa tosse, sarà questo fumo,
ma stasera non puoi farci niente
neanche tu...non amo più
ninni ninni ninni ninni ni...non amo più
ninni ninni ninni ninni ni...non amo più

La Bellezza - Roberto Vecchioni , Baudelaire Hymne à la beauté



Hymne à la beauté


Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme,
Ô Beauté ? ton regard infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l'on peut pour cela te comparer au vin.

Tu contiens dans ton oeil le couchant et l'aurore;
Tu répands des parfums comme un soir orageux;
Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
Qui font le héros lâche et l'enfant courageux.

Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?
Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien;
Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,
Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.

Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques;
De tes bijoux l'Horreur n'est pas le moins charmant,
Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.

L'éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,
Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau !
L'amoureux pantelant incliné sur sa belle
A l'air d'un moribond caressant son tombeau.

Que tu viennes du ciel ou de l'enfer, qu'importe,
Ô Beauté, monstre énorme, effrayant, ingénu!
Si ton oeil, ton souris, ton pied, m'ouvrent la porte
D'un Infini que j'aime et n'ai jamais connu ?

De Satan ou de Dieu, qu'importe ? Ange ou Sirène,
Qu'importe, si tu rends, - fée aux yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine ! -
L'univers moins hideux et les instants moins lourds. 


Charles Baudelaire (extrait des Fleurs du Mal)

_________

Paroles  de la  chanson de  Roberto   Vecchioni
Pour  vous  , et  pour  moi   le  plaisir  d'écrire  dans  cette  langue  merveilleuse
Seigneur   je  suis  envoûtée :-))
(et  pardon  pour  les fautes si  j'en  laisse passer   !)



La bellezza

Passa  la  bellezza
nei  tuoi  occhi  neri, 
scende suoi tuoi  franchi
e sono sogni i  tuoi  pensieri ....

 Venezia  inverosimile
più di  ogni  altra  città
è un canto  di  sirene,
l'ultima  opportunità;
Ho  la  morte  e  la vita  tra  le mani
coi  miei  trucchi da vecchio  senza dignità:
se  avessi  vent'anni
Ti  verrei  a cercare,
se  ne  avessi  quaranta, ragazzo,
ti  potrai  comprare,
a cinquanta, come  invece  ne  ho
ti  sto  solo a  guardare...

Passa  la  bellezza
nei  tuoi  occhi  neri
e  stravolge il  canto
della  vita  lia  di ieri;
tutta la bellezza
l'allegria del  pianto
che  mi  fa tremare
Quando  tu  mi passi  accanto...

Venezia  in  questa luce
del  lido  prima del  tramonto
ha la forma del  tuo  corpo
che mi ruba lo sfondo,
la tua leggerrezza danzante
come al  centro del  tempo
e dell'eternita:
ho pauro  della  fine
 non  ho più voglia di  un  inizio;
ho paura che  li   altri
pensimo a questo amore
come  a un vizio,
ho paura di  non  vederti più,
di avela persa ....

Tutta la  bellezza
che  mi  fugge  via
e mi  lascia  in  cambio
i segni di  una malatia
Tutta  la  bellezza
che non  ho mai  colto,
Tutta la  bellezza
se  ne  va in  un  canto,
Questa  tua  bellezza
che  è la  mia
muore dentro un canto.

Roberto Vecchioni - Le lettere d'amore

mardi 24 mai 2011

Orphée de Virgile - Gluck- Callas


VIRGILE  


(70- 19 av. JC)

  Georgiques

Livre IV les abeilles
 Orphée
                Révélation de Protée;  Episode d'Aristée 
Aristée a causé sans le vouloir la mort d'Eurydice; Orphée, son époux, est descendu aux enfers et l'a ramenée; mais, oubliant la condition imposée, il s'est retourné vers elle; Eurydice aussitôt s'est évanouie dans les ténèbres infernales; Orphée inconsolable a péri, déchiré par les femmes qu'il méprisait [4,453-527]

                "C'est une divinité qui te poursuit de sa colère : tu expies un grand forfait; ce châtiment, c'est Orphée, qu'il faut plaindre pour son sort immérité, qui le suscite contre toi, à moins que les Destins ne s'y opposent, et, qui exerce des sévices cruels pour l'épouse qu'on lui a ravie. Tandis qu'elle te fuyait en se précipitant le long du fleuve, la jeune femme, - et elle allait en mourir, - ne vit pas devant ses pieds une hydre monstrueuse qui hantait les rives dans l'herbe haute. Le choeur des Dryades de son âge [4,460] emplit alors de sa clameur le sommet des montagnes; on entendit pleurer les contreforts du Rhodope, et les hauteurs du Pangée, et la terre martiale de Rhésus, et les Gètes, et l'Hèbre, et Orithye l'Actiade. Lui, consolant son douloureux amour sur la creuse écaille de sa lyre, c'est toi qu'il chantait, douce épouse, seul avec lui-même sur le rivage solitaire, toi qu'il chantait à la venue du jour, toi qu'il chantait quand le jour s'éloignait.
Il entra même aux gorges du Ténare, portes profondes de Dis, et dans le bois obscur à la noire épouvante, et il aborda les Mânes, leur roi redoutable, et ces coeurs qui ne savent pas s'attendrir aux prières humaines. [4,470] Alors, émues par ses chants, du fond des séjours de l'Érèbe, on put voir s'avancer les ombres minces et les fantômes des êtres qui ne voient plus la lumière, aussi nombreux que les milliers d'oiseaux qui se cachent dans les feuilles, quand le soir ou une pluie d'orage les chasse des montagnes : des mères, des maris, des corps de héros magnanimes qui se sont acquittés de la vie, des enfants, des jeunes filles qui ne connurent point les noces, des jeunes gens mis sur des bûchers devant les yeux de leurs parents, autour de qui s'étendent le limon noir et le hideux roseau du Cocyte, et le marais détesté avec son onde paresseuse qui les enserre, et le Styx qui neuf fois les enferme dans ses plis. [4,480] Bien plus, la stupeur saisit les demeures elles-mêmes et les profondeurs Tartaréennes de la Mort, et les Euménides aux cheveux entrelacés de serpents d'azur; Cerbère retint, béant, ses trois gueules, et la roue d'Ixion s'arrêta avec le vent qui la faisait tourner.
            Déjà, revenant sur ses pas, il avait échappé à tous les périls, et Eurydice lui étant rendue s'en venait aux souffles d'en haut en marchant derrière son mari (car telle était la loi fixée par Proserpine), quand un accès de démence subite s'empara de l'imprudent amant - démence bien pardonnable, si les Mânes savaient pardonner ! Il s'arrêta, et juste au moment où son Eurydice arrivait à la lumière, [4,490] oubliant tout, hélas ! et vaincu dans son âme, il se tourna pour la regarder. Sur-le-champ tout son effort s'écroula, et son pacte avec le cruel tyran fut rompu, et trois fois un bruit éclatant se fit entendre aux étangs de l'Averne. Elle alors : "Quel est donc, dit-elle, cet accès de folie, qui m'a perdue, malheureuse que je suis, et qui t'a perdu, toi, Orphée ? Quel est ce grand accès de folie ? Voici que pour la seconde fois les destins cruels me rappellent en arrière et que le sommeil ferme mes yeux flottants. Adieu à présent; je suis emportée dans la nuit immense qui m'entoure et je te tends des paumes sans force, moi, hélas ! qui ne suis plus tienne." Elle dit, et loin de ses yeux tout à coup, comme une fumée mêlée aux brises ténues, elle s'enfuit dans la direction opposée; [4,500] et il eut beau tenter de saisir les ombres, beau vouloir lui parler encore, il ne la vit plus, et le nocher de l'Orcus ne le laissa plus franchir le marais qui la séparait d'elle. Que faire ? où porter ses pas, après s'être vu deux fois ravir son épouse ? Par quels pleurs émouvoir les Mânes, par quelles paroles les Divinités ? Elle, déjà froide, voguait dans la barque Stygienne.
                On conte qu'il pleura durant sept mois entiers sous une roche aérienne, aux bords du Strymon désert, charmant les tigres et entraînant les chênes avec son chant. [4,510] Telle, sous l'ombre d'un peuplier, la plaintive Philomèle gémit sur la perte de ses petits, qu'un dur laboureur aux aguets a arrachés de leur nid, alors qu'ils n'avaient point encore de plumes, elle passe la nuit à pleurer, et, posée sur une branche, elle recommence son chant lamentable, et de ses plaintes douloureuses emplit au loin l'espace. Ni Vénus, ni aucun hymen ne fléchirent son coeur; seul, errant à travers les glaces hyperboréennes et le Tanaïs neigeux et les guérets du Riphée que les frimas ne désertent jamais, il pleurait Eurydice perdue et les dons inutiles de Dis.
                [4,520] Les mères des Cicones, voyant dans cet hommage une marque de mépris, déchirèrent le jeune homme au milieu des sacrifices offerts aux dieux et des orgies du Bacchus nocturne, et dispersèrent au loin dans les champs ses membres en lambeaux. Même alors, comme sa tête, arrachée de son col de marbre, roulait au milieu du gouffre, emportée par l'Hèbre Oeagrien, "Eurydice !" criaient encore sa voix et sa langue glacée, "Ah ! malheureuse Eurydice !" tandis que sa vie fuyait, et, tout le long du fleuve, les rives répétaient en écho : "Eurydice !"


Maria Callas.- "J'ai perdu mon Eurydice"

Orphée dans les Métamorphoses d'Ovide - Alexandre Séon


Lamentations  d'Orphée  Alexandre Séon


Métamorphoses

 chant X  Orphée


[11] Après avoir longtemps imploré par ses pleurs les divinités de l'Olympe, le chantre du Rhodope osa franchir les portes du Ténare, et passer les noirs torrents du Styx, pour fléchir les dieux du royaume des morts. Il marche à travers les ombres légères, fantômes errants dont les corps ont reçu les honneurs du tombeau. Il arrive au pied du trône de Proserpine et de Pluton, souverains de ce triste et ténébreux empire. Là, unissant sa voix plaintive aux accords de sa lyre, il fait entendre ces chants : "Divinités du monde souterrain où descendent successivement tous les mortels, souffrez que je laisse les vains détours d'une éloquence trompeuse. Ce n'est ni pour visiter le sombre Tartare, ni pour enchaîner le monstre à trois têtes, né du sang de Méduse, et gardien des Enfers, que je suis descendu dans votre empire. Je viens chercher mon épouse. La dent d'une vipère me l'a ravie au printemps de ses jours.
[25] "J'ai voulu supporter cette perte; j'ai voulu, je l'avoue, vaincre ma douleur. L'Amour a triomphé. La puissance de ce dieu est établie sur la terre et dans le ciel; je ne sais si elle l'est aux enfers : mais je crois qu'elle n'y est pas inconnue; et, si la renommée d'un enlèvement antique n'a rien de mensonger, c'est l'amour qui vous a soumis; c'est lui qui vous unit. Je vous en conjure donc par ces lieux pleins d'effroi, par ce chaos immense, par le vaste silence de ces régions de la Nuit, rendez-moi mon Eurydice; renouez le fil de ses jours trop tôt par la Parque coupé.
"Les mortels vous sont tous soumis. Après un court séjour sur la terre un peu plus tôt ou un peu plus tard, nous arrivons dans cet asile ténébreux; nous y tendons tous également; c'est ici notre dernière demeure. Vous tenez sous vos lois le vaste empire du genre humain. Lorsque Eurydice aura rempli la mesure ordinaire de la vie, elle rentrera sous votre puissance. Hélas ! c'est un simple délai que je demande; et si les Destins s'opposent à mes vœux, je renonce moi-même à retourner sur la terre. Prenez aussi ma vie, et réjouissez-vous d'avoir deux ombres à la fois."
[40] Aux tristes accents de sa voix, accompagnés des sons plaintifs de sa lyre, les ombres et les mânes pleurent attendris. Tantale cesse de poursuivre l'onde qui le fuit. Ixion s'arrête sur sa roue. Les vautours ne rongent plus les entrailles de Tityos. L'urne échappe aux mains des filles de Bélus, et toi, Sisyphe, tu t'assieds sur ta roche fatale. On dit même que, vaincues par le charme des vers, les inflexibles Euménides s'étonnèrent de pleurer pour la première fois. Ni le dieu de l'empire des morts, ni son épouse, ne peuvent résister aux accords puissants du chantre de la Thrace. Ils appellent Eurydice. Elle était parmi les ombres récemment arrivées au ténébreux séjour. Elle s'avance d'un pas lent, retardé par sa blessure. Elle est rendue à son époux : mais, telle est la loi qu'il reçoit : si, avant d'avoir franchi les sombres détours de l'Averne, il détourne la tête pour regarder Eurydice, sa grâce est révoquée; Eurydice est perdue pour lui sans retour.
[53] À travers le vaste silence du royaume des ombres, ils remontent par un sentier escarpé, tortueux, couvert de longues ténèbres. Ils approchaient des portes du Ténare. Orphée, impatient de crainte et d'amour, se détourne, regarde, et soudain Eurydice lui est encore ravie.
Le malheureux Orphée lui tend les bras, Il veut se jeter dans les siens : il n'embrasse qu'une vapeur légère. Eurydice meurt une seconde fois, mais sans se plaindre; et quelle plainte eût-elle pu former ? Était-ce pour Orphée un crime de l'avoir trop aimée ! Adieu, lui dit-elle d'une voix faible qui fut à peine entendue; et elle rentre dans les abîmes du trépas.
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