mercredi 30 mars 2011

GREENSLEEVES. un trésor d'Elena , Gérard de Nerval , Dante-Gabriele Rossetti

GREENSLEEVES. Goran Sollscher, Guitar 

  D'après  un  compositeur  Anonyme  du  XVI ème  Siècle

 

Ici je vous fais littéralement pénétrer dans le coeur secret d'Elena !
Il est tout à fait naturel qu'Elena ait été " folle" de Gérard de Nerval dès qu'elle le découvrit, c'est à dire très jeune :
Aurelia, les Filles du feu , son âme tourmentée , sa fin tragique n'était-il pas l'archétype du poète romantique maudit ?


Je suis le Ténébreux , le veuf , l'Inconsolé,
Le Prince d' Aquitaine à la tour abolie:
Ma seule étoile est morte - et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du tombeau , Toi qui m'a consolé,
Rends moi le Pausilippe et la mer d' Italie
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.

Suis-je Amour ou Phoebus ? Lusignon ou Biron ?
Mon front est rouge encore du baiser de la Reine;
J'ai rêvé dans la grotte où nage la Syrène.

Et j'ai deux fois vainqeur traversé l' Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.
(El Desdichado)
 

Greensleeves franchissait dans le même temps les portes de son espace émotionnel et définitivemnt devait s'attacher on ne peut plus étroitement à ce poème dont la solution de l'énigme qu'il contenait faisait d'Eléna la confidente privilégiée et prédestinée du poète !!

Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul à des charmes secrets !

Or chaque fois que je viens à l'entendre
De deux cents ans mon âme rajeunit..
C'est sous Louis XIII, et je crois voir s'étendre
Un coteau vert que le couchant jaunit.


Puis un château de briques à coin de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs;

Puis une dame , à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que dans une autre existence peut-être,
J'ai déjà vue et dont je me souviens!
(Fantaisie)

Dante-Gabriele  Rossetti


L''histoire ne s'arréte pas là . Le charme de la mélodie qui avait traversé les siècles jusqu'à Gérard de Nerval (dans l'idée d'Elena ) ne manqua pas de continuer de séduire les uns et les autres , grands compositeurs comme Vaughan Williams ,ou joueurs amateurs (avec autant de sincérité ).Jusqu'aux directeurs des supermarchés et autres opportunistes du marketing qui s'en emparèrent et la mélodie fut bientôt diffusée dans tous les espaces populaires ! C'était un peu génant pour un air aussi sacré .

On l'a vu ailleurs , Elena ne savait pas des-aimer , Elle ne pouvait renoncer à cet air qui gardait sa fraicheur et sa qualité à défaut d'originalité . Alors il lui fallut defendre son amour d'esthète contre la banalisation , voire la vulgarisation ... ... Qu'à celà ne tienne , le phénomène offrit à Elena l'occasion de se forger une théorie qui imprégna toute sa vie .

Avec elle , elle mit en défaut toute tentation d'élitisme et de sectarisme : on ne possède pas la beauté , elle se partage . La beauté ne s'entoure pas de cérémonie ou de sacralité , il n'est pas de lieu de culte pour la beauté et l'originalité est un critère négligeable !C'est notre propre sensibilité qui nous fait élire une oeuvre d'art et non la valeur d'un jugement moral ou d'expertise. Tout le monde aime Greensleeves ? qu'importe ou plutôt : tant mieux .



Chaque fois que je l'écoute , le charme  pour  moi  également  continue  d'opérer.

Venise

Venise (2008)

Alessandra Ferri: Le 6ème sens d'Elena

 

Alessandra Ferri: One of the greatest Giselle´s of the second half of th...

(Un conseil  :  passez  sur  Youtube  et  visionnez  la  video  en  plein  écran,   c'est  superbe ! )


 Le  sens   artistique  d'Elena ne pouvait  que  valoriser  au  plus  haut point  ce  moyen  d'expression  , la  seule  manière  digne  de  se mouvoir  !
Histoire  d'une  vocation  contrariée  , mais  c'est  un autre chapitre !!!   :-)

mardi 29 mars 2011

Sappho (Saffo) . Kogan plays Schubert's Fantasy (3/3)

Kogan plays Schubert's Fantasy (3/3) 

A ME PARE UGUALE AGLI DEI

A me pare uguale agli dèi
chi a te vicino così dolce
suono ascolta mentre tu parli

e ridi amorosamente. Subito a me
il cuore si agita nel petto
solo che appena ti veda, e la voce

si perde sulla lingua inerte.
Un fuoco sottile affiora rapido alla pelle,
e ho buio negli occhi e il rombo
del sangue alle orecchie.

E tutta in sudore e tremante
come erba patita scoloro:
e morte non pare lontana
a me rapita di mente.

(traduction italienne par Salvatore Quasimodo)

 

à UNE FEMME AIMÉE
 
φάινεταί μοι κῆνος ἴσοσ τηέοισιν
ἔμμεν ὤνερ ὄστις ἐναντίος τοι
ἰζάνει καὶ πλασίον ἀδυ
φωνεύσασ ὐπακούει

καὶ γαλαίσας ἰμμερόεν τὸ δὴ ᾽μάν
καρδίαν ἐν στήθεσιν ἐπτόασεν,
ὠσ γὰρ εὔιδον βροχέως σε, φώνας
οὐδὲν ἔτ᾽ ἔικει,

ἀλλὰ κάμ μὲν γλῳσσα έαγε, λέπτον
δ᾽ αὔτικα χρῷ πῦρ ὐπαδεδρόμακεν,
ὀππάτεσσι δ᾽ οὐδὲν ορημ᾽,
ἐπιρρόμβεισι δ᾽ ἄκουαι.

ἀ δέ μ᾽ ί᾽δρως κακχέεται, τρόμος δὲ
παῖσαν ἄγρει χλωροτέρα δὲ ποίας
ἔμμι, τεθνάκην δ᾽ ὀλιγω ᾽πιδεύην
φαίνομαι [ἄλλα].

πᾶν τόλματον [......]



Il me paraît égal aux dieux celui qui, assis près de toi, doucement, écoute tes ravissantes paroles et te voit lui sourire ; voilà ce qui me bouleverse jusqu'au fond de l'âme.
Sitôt que je te vois, la voix manque à mes lèvres, ma langue est enchaînée, une flamme subtile court dans toutes mes veines, les oreilles me tintent, une sueur froide m'inonde, tout mon corps frissonne, je deviens plus pâle que l'herbe flétrie, je demeure sans haleine, il semble que je suis près d'expirer.
Mais il faut tout oser puisque dans la nécessité...

( http://remacle.org/bloodwolf/poetes/falc/sappho/oeuvre.htm)

La  mort  de Sappho par  Gustave  Moreau

Kogan plays Schubert's Fantasy (2/3)

Kogan plays Schubert's Fantasy (2/3)


 Trop  de soleil  rend les  fleurs  tristes  .
Troppo sole  fa  i fiori tristi.


Elena  s'épanouissait  dans  sa  certitude  d'être  transparente .
Elena sbocciava nella  certezza della sua trasparenza.

San Silvestro, Schubert Fantasy I sur 3)



Saint  Silvestre 2010
(Acrylic Mj 2011)




Ce que  fut  notre futur

Il  y eut  un jour ,  il  y  eut  une  nuit ,
Il  y eut  un  avant  , il  y eut  un  après
Il  y eut  ce qui  fut , il fut  ce qui  devait être
Il  fut  ce  qui  a  fui , a  fui  ce  que nous  fûmes

Nous,  ne sera  plus, quand  nous ne serons  plus .
 Sera demain le  temps pour moi sans toi ,
Sans retour , les jours  avalent  les  heures
Sens unique les  heures filent et créent  l'oubli
Dans l'écheveau  entremêlé du  temps

Il  est tard, c'était  hier et c'est  demain, le temps  du moi sans  toi .
N' est  plus que ce présent   de ce que  fut  un  futur qui déjà est  passé.
Vienne  le temps  sans  toi  et  sans  moi .


Kogan plays Schubert's Fantasy (1/3)


lundi 28 mars 2011

Verlaine,Bouquet

Plutôt que des mots  , elle lui  envoyait  des  fleurs.....



Voici des fruits, des fleurs , des feuilles et des branches
,....
Verlaine   (Aquarelle , Green)

Salvador Bacarisse - romanza

Fernando Pessoa / Alberto Caeiro

Alberto  Caeiro , penseur  de la  non-pensée




Le gardeur  de  troupeaux
Alberto  Caeiro (Fernando  Pessoa )
I
Je n’ai  jamais  gardé de  troupeaux
Mais  c’est  tout  comme j’en  avais gardé.
Mon  âme  est  comme  un berger
Elle  connait le  vent  et le  soleil
Et  elle va guidée par la main des saisons
Toute à  suivre et  à  regarder.
 La  paix entière de la nature  sans personne
Vient  s’asseoir  à  coté de moi .
Mais  moi je demeure  triste comme un coucher  de  soleil
Selon notre imagination ,
Quand l’air  fraîchit  tout  au long  de la plaine
Et que l’on  sent  que la nuit est  entrée
Comme un  papillon  par la  fenêtre.

Mais ma  tristesse  est tranquillité
Parce qu’elle est naturelle et juste
Et qu’elle  est  ce qui  doit  se tenir  dans l’âme
Dès lors qu’elle pense  qu’elle existe
Et que  des mains cueillent  des  fleurs à  son  insu.

Comme un  bruissement  de  sonnailles
Par delà  le  tournant de la route,
Mes pensées  sont  contentes,
Il  y a que j’ai mal  de les savoir  contentes,
Parce que  si je ne le savais pas,
Au  lieu  d’être contentes et tristes,
Elles seraient  joyeuses et contentes.

Penser  gêne  autant que  marcher  sous la pluie
Lorsque le vent  s’accroit  et  que la pluie semble  tomber plus fort.

Je n’ai  pas plus d’ambitions que  de désirs.
Etre  poète n’est pas  une  ambition  pour moi
C’est  ma  façon  d’être  tout seul.

Et si  je  désire  parfois,
Pure imagination  , être tendre  agnelet
(Ou bien  le  troupeau  tout  entier
Afin  d’aller  éparpillé sous tout le  coteau
En  étant plus d’une  chose heureuse en même temps),
L’unique raison  en  est  que je ressens  ce que j’écris   au coucher du  soleil,
Ou  lorsqu’un nuage passe sa main  par-dessus la lumière
Et qu’un  silence  court  et  fuit à  travers les herbes .

Quand  je m’assois écrivant  des vers
Ou que, me promenant par les chemins et les sentiers,
J’écris des  vers  sur  du papier qui  se trouve  dans ma pensée,
Je me  sens  une houlette  dans les mains
Et  je  vois une  silhouette  de moi-même  au  sommet  d’une c olline
Regarder  mon troupeau  et  voir mes idées
Ou  regarder  mes idées  et  voir mon  troupeau,
Et  sourire  vaguement  comme qui ne comprend  pas  ce qu’on dit
Et  veut  faire mine  de comprendre.

Je salue  tous ceux qui me liront,
En leur tirant mo  large chapeau
Quand ils me  voient  sur le pas de ma porte
Dès  que la  diligence  se dresse  sur la  crête de la colline.
Je les salue  et leur  souhaite le  soleil ,
Et la pluie quand la  pluie est nécessaire,
Et que  leur maison  possède 
Au  coin  d’une  fenêtre  ouverte
Une chaise  de leur prédilection
 Où  ils puissent s’asseoir,  tout en lisant mes vers .
Et à la lecture  de mes  vers  puissent-ils penser
Que je suis une  chose naturelle_ Par  exemple  l’arbre  ancien
A l’ombre  duquel  encore enfants
Ils  se laissaient  tomber  ,floc ! fatigués de jouer
Pour y  essuyer la sueur de leur  front brûlant
Sur la  manche  de leur tablier à  rayures.

   II 

  Mon  regard  est net comme un tournesol.
J’ai  l’habitude d’aller le long  des routes
Tout en  regardant  à  droite et à  gauche,
Et  de  temps en  temps deriière moi…
Or  ce que je vois à  chaque instant
Est  cela  même  qu’auparavant  je n’avais jamais  vu,
Et  je sais  fort  bien m’en  rendre compte…
Je sais obtenir  le  saisissement essentiel
D’un  nourrisson  qui  a  sa naissance,
Remarquerait  qu’il  est  bel  et  bien né..
 Je me sens  nouveau-né  à chaque instant 
A l’eternelle nouveauté  du monde .

Je crois au monde comme à  une  marguerite
Parce que je le vois. Mais je ne pense pas à  lui
Parce que penser  c’est ne pas comprendre…
Le monde ne  s’est pas fait pour que nous pensions à  lui
(Penser  c’est   être  dérangé des yeux )
Mais pour que nous le regardions et  en  tombions d’accord ….

Moi  je n’ai pas de philosophie , j’ai  des sens 
Si je  parle  de la Nature,  ce n’est pas que je sache  ce qu’elle  est 
Mais  c’est que je l’aime,  et je l’aime pour  cela  même,
Parce que lorsqu’on  aime, on ne sait jamais  ce qu’on  aime
Pas plus  que pourquoi  on  aime, ou ce que  c’est  qu’aimer…

Aimer  c’est l’éternelle innocence.
 Et la seule innocence , c’est ne pas penser  .

dimanche 27 mars 2011

Camélias, Verlaine, mon reve familier, El noi de la mare - Eduardo Sainz de la Maza


Mon rêve familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue , et que j'aime , et qui m'aime
Et qui n'est , chaque fois ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre , et m'aime et me comprend.

.
Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule , hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? _ Je l'ignore .
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila .

.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues .

.
(Verlaine , Poèmes Saturniens, Mélancholia )


Georges Steiner : le beau , l'imaginaire , l'oeuvre d'art .....


Encore Steiner   oui  !... 

"La fiction peut  être plus puissante  que  la réalité
"la realité vulgaire , triviale   ,  difficile  ....
"l'étonnement  à  l'origine  de  tout ....
" L'oeuvre  d'art ,  l'oeuvre imaginaire ,  musique  , peinture   ....  prend  possession  de nous  ...
"processus  narratif  :  raconter  une histoire  est  une  activité irremplaçable  .. et  irresistible.....vitale  ..."

Culture  et  barbarie  .....

Schubert String Quintet in C II Adagio Part 2

samedi 26 mars 2011

Invictus ,Schubert trio pour piano opus 100

 

 

 

William Ernest HENLEY

(1849-1903)
 
Invictus (invincible)
 
Dans la nuit qui m'environne,
Dans les ténèbres qui m'enserrent,
Je loue les dieux qui me donnent
Une âme à la fois noble et fière.
 
Prisonnier de ma situation,
Je ne veux pas me rebeller,
Meurtri par les tribulations,
Je suis debout, bien que blessé.
 
En ce lieu d'opprobre et de pleurs,
je ne vois qu'horreur et ombres
les années s'annoncent sombres
mais je ne connaîtrai pas la peur.
 
Aussi étroit que soit le chemin,
Bien qu'on m'accuse et qu'on me blâme:
Je suis maître de mon destin;
Et capitaine de mon âme.

vendredi 25 mars 2011

Recouvrement :El Condor Pasa - Kinsa Trio

 El Condor Pasa - Peruvian Music serie. Kinsa Trio

Il y a loin  de  l'  Italie  à  la Cordillière  des Andes  ?
C'est  le  privilège  des  rêves   de  se  jouer  des  distances ! Ceux d'Elena  avaient  une  amplitude  à la mesure  de ses besoins  d'évasion et  comme  elle  ne "désaimait"  jamais  ce à  quoi  elle  avait   une fois succombé ,  elle   avait  accumulé  ces  clés d'émerveillement qu'elle pouvait  ouvrir  comme  les  pages  d'un livre où  se  conservait  comme  par  miracle   toute la fraicheur  de l'émotion du premier instant .
Au  cours  d'une  vie  déjà  longue  ,  les  chemins  de   ses rêves   s'étaient  souvent  entrecroisés pour  s'enrichir et  bâtir des  univers  compliqués  où  il  pouvait  paraitre  déconcertant de  chercher à établir des  liens  ou  la moindre  homogénéité entre  ces  lieux  magiques aux  consonances universelles.
L'Amérique  du  Sud  était une  de  ces pages , découverte  au  temps   des  identités  remarquables  , explorée  au temps  des  barricades , revisitée  avec  un  Ulysse  qui  parlait  aux  dieux  dans les  chutes  de l'Iguaçu, égarée  dans  le  desert  du Salar  pour  finalement retourner s'enliser  et se  perdre dans  les  marécages  amazoniens  en une  spirale  sentimentale  et intemporelle .  Machu  Pichu  aurait pu  en être le  temple  où  en célébrer avec Emiliano , l'apothéose . Tant de  pages  déjà lui  avaient  été  ouvertes  pour y graver  son  empreinte  plus  ou   moins complice .mais  malheureusement  si  souvent dérobée  .
Il  y  laissa  peu  de  traces , elle  n'eut pas le  temps  (ou  pas  le  pouvoir !)  , de  l'entrainer  aux  portes  du  Soleil .

A propos  du  morceau , le  Trio Kinsa nous  en  offre une  version  extraordinaire : dans  une  alliance   si exaltante  de  deux  cultures comblant ma  conviction profonde d'universalisme 

jeudi 24 mars 2011

Arvo Part - "Spiegel im Spiegel'

Confusion

Décidément Elena avait de plus en plus de mal à chasser ses vieux démons . Ils reprenaient de la vigueur au fur et à mesure que s'éloignait sur ce pont le fantôme d'Emiliano .
Elena avait choisi de sauter tandis qu'il poursuivait son chemin .
--Hai voluto ! 
Torts partagés ...

Il faudrait peut-être trouver maintenant un dénouement à cette histoire . Tragique ? comique ? cynique ? réaliste ?....






Le jardin silencieux dans sa frilosité

Derrière la vitre l'hiver s'est apaisé
Ses assauts sont plus doux ,sa colère s'épuise
Du vent furieux on n'entend plus le hurlement
Le fer de la bise glacée s'émousse

Mais il fait toujours gris
La brume étouffe les bruits
et trouble les contours des objets
qui se fondent informes et livides

La nature n'a plus de couleurs
blottie dans la terne indifférence
D'un amer refus d'existence
dont l'ennui a envahi les heures

De toute chose, le beau a fui, blessé
quand la laideur s'en est allée.
A quoi bon la lumière
si nulle obscurité à vaincre ?

A écrêter les extrêmes
ne reste que le médium
l'ennuyeux , demi mesure
ou clair obscur

Tout s'éteint quand le soleil s'éclipse
la vie ,elle, s'accroche a la lueur d'une chandelle
pour ne pas sombrer dans la nuit
réticente au repos , résignée à ce long crépuscule.

Les branches suintent en pleurs silencieuses,
les gouttent en tombent, comme les larmes
d'un chagrin qui s'éternise,
coulent sans bruit sur les joues

le ciel est absent, le monde n'a plus de profondeur,
l'espace est sans dimension
A deux pas d'ici le brouillard se répand en abîme
et le regard sans repère s'égare dans l'inutile.


(hiver 2007 )

Rien ne bouge (Pastel Mj 2006)

Rails (Suite 3 ) - Les Séparés. Marceline Desbordes-Valmore





Poursuivons   cette  digression  sur  les rails !!!


Parce que  ce  thème  est  aussi   celui  des  rencontres ,  de la séparation , des  départs  .....


Image bleue



Marceline Desbordes-Valmore 


née à  Douai le  20 juin 1786-décédée le 23 juillet 1859.

"les séparés"  

 

N'écris pas! Je suis triste et je voudrais m'éteindre
Les  beaux été, sans toi c'est l'amour sans flambeau
J'ai  refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre.
Et frapper à mon coeur c'est  frapper  au tombeau.

.  
  N'écris pas !  n'apprenons qu'à mourir à  nous-mêmes
Ne demande qu'à  Dieu, qu'à toi si  je t'aimais
Au  fond de ton silence écouter  que tu m'aimes
C'est entendre le ciel  sans y monter jamais.
 

 
N'écris pas !Je te crains. J'ai  peur de ma mémoire:
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent
Ne montre pas l'eau  vive à  qui ne peut la boire
Une chère écriture est un portrait vivant

 
N'écris pas  ces  deux mots que je n'ose plus lire
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur
Que je les vois brûler à travers ton sourire
Il semble qu'un  baiser les empreint sur mon coeur.


Par Julien Clerc sur Youtube

Dino Boschi: Espace /temps, Leo Ferré: "Avec le temps.."


Encore  une fois Dino  Boschi (1). Mais  cette  fois  je suis  allée plus loin  J'ai  découvert  son  evidente  fascination  pour  les  "rails"  (et  la beauté  de  certaines  de  ses  toiles  !! ) Oui un grand peintre  et  Elena   aurait pu  se  sentir  flattée  .Il lui aurait  suffi  d'un  peu  plus de  simplicité  ? Non...  elle s'abandonnait  facilement  au  rêve  mais sans être crédule  !
http://unsognoitaliano.blogspot.com/2011/02/venise-rails.html

Le thème  des  rails   , des  routes  , des  chemins , des  allées   est  un  thème  récurrent  . Tenter une  collection  même  non exhaustive  serait  une  gageure. La   "perspective" depuis  Paolo  Ucello du   quattrocento    n'est  -elle  pas  l'obsession  des  peintres  européens ?  Les  lignes  dans leurs  points  de  fuite  , la distance  qui  altère  les  couleurs, les  formes  que  la  profondeur  écrase et dénature , la précision qui se dilue  dans le  fondu  de l'éloignement  ...
Ici  se  rejoignent  l'espace  et  le  temps  dans   la  similitude  des mots  qui  les  traduisent et  au-delà,  dans   les  affects  essentiels et primordiaux  de l'homme .


(1) Dino Boschi

 




mercredi 23 mars 2011

Melancolie / Malinconia (2) Steiner/ Schelling, Mendelssohn

Perlman and Barenboim-Mendelssohn Concerto E Minor(1)





On n'échappe pas  à la  Mélancolie !

Caspar David  Friedrich  Moine  au bord  de la mer

Telle est la tristesse inséparable de toute vie finie, […] une tristesse […]qui jamais ne devient effective et sert à donner la joie éternelle de la surmonter. De là viennent le voile d’affliction qui s’étend sur toute la nature, la mélancolie profonde et inaltérable de toute vie.
Il n’y  donc de vie qu’en la personnalité : or toute personnalité repose sur un fond obscur, qui doit aussi servir de fond à la connaissance.

(Schelling, De l’essence de la liberté humaine) 

 
Schelling parmi d’autres , attache à la vie humaine une tristesse foncière, inéluctable. Plus particulièrement, cette tristesse est le fond obscur auquel s’ancrent la conscience et la connaissance. Et ce fond obscur doit être en vérité la  base de toute perception, de tout processus mental . La pensée est rigoureusement indissociable d’une « inaltérable et profonde mélancolie. ». La cosmologie actuelle offre une analogie à la croyance de Schelling. Celle du « bruit de  fond », des longueurs d’onde  cosmique fuyantes mais incontournables, qui  sont les vestiges du Bing Bang », de l’avènement de l’être.  Dans toute pensée selon Schelling, ce rayonnement primitif, de cette » matière obscure »,  est une tristesse , une affliction (Schwermut),  qui est aussi créatrice. L’existence de l’homme, la vie de l’intelligence signifie une expérience de cette mélancolie et la capacité vitale de la surmonter . Nous sommes pour ainsi dire créés « attristés ». Dans cette notion,  il y a sans conteste, ou presque, le « bruit de fond » des relations bibliques, causales, entre l’acquisition illicite du savoir, de la discrimination analytique, et le bannissement de l’espèce humaine de toute innocente félicité.  Un  voile de tristesse (tristitia) recouvre le passage, si positif soit-il, de l’homo à l’homo sapiens.  La pensée est porteuse d’un legs de culpabilité.
[…] Nous pouvons l’espace d’un instant retenir notre souffle. Que nous puissions retenir  notre pensée  est loin d’être évident…[…] . La  vraie cessation de pulsation de la pensée  … c’est la mort.
D’où l’idée en partie gnostique, que Dieu seul peut se détacher de sa  propre pensée en un hiatus essentiel à l’acte de création.
Mais revenons  à Schelling et à l’affirmation qu’une tristesse nécessaire, un voile de mélancolie  s’attache au processus  même de la pensée, à la perception cognitive. Pouvons-nous essayer d’en éclaire quelques raisons ?  sommes-nous en droit de demander pourquoi  la pensée  humaine ne devrait être joie ?








Malinconia / Mélancolie, Max Bruch

Malinconia /  Mélancolie
Le  "mot" est  aussi  joli dans  les  deux  langues ? Peut- être  plus doux  en  français... peut-être   parce  que  j'ai plus de  complaisance   à son  égard...)




 Joshua Bell plays the Bruch violin concerto (II. Adagio)



Le jour  n'avait pas encore   chassé  les  songes  d'Elena ,  mais  peu   à  peu  ses  vieux démons  tentaient  d'y  pénétrer...Laissons-la  dormir  un  moment et  restons  entre  nous.....

Ce qui  pourrait donner approximativement   ?  : " Il  giorno non aveva dissipare ancora  sogni di  Elena. ma poco  a poco i suoi   demoni  vecchi tentavano de  penetrare li. Lasciamo a dormire lei un momento e  restiamo tra noi." 
( Scusi  , scusi   ma solamente  per   il  piacere  della  lingua .. il mio piacere .Elle savait  désormais   quant  à elle  que  c'étaient  ses  mots  qui lui  manquaient .)

Gustave Doré  .Combat  de  Jacob  contre l'Ange.


Le pont Mirabeau , Reggiani, Apollinaire

La via lattéa

Voie  lactée ,  Voie  lactée...



Sai  come  si  fa  per  trovare la stella polare  ?



 Chanson  du  mal-aimé

[...]
Mon beau navire ô ma mémoire
Avons-nous assez navigué
Dans une onde mauvaise à boire
Avons-nous assez divagué
De la belle aurore au triste soir

Adieu faux amour confondu
Avec la femme qui s'éloigne
Avec celle que j'ai perdue
L'année dernière en Allemagne
Et que je ne reverrai plus

Voie lactée ô soeur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Canaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivront-nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nébuleuses
[...] 
(Apollinaire )

.......



Serge  Reggiani , Sous le  pont  Mirabeau  (Apollinaire)

Le pont Mirabeau

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et  nos  amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La  joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont  je demeure
Les  mains dans les mains restons face à face
tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont  je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s"en va
Comme la vie est lente
Et comme l'espérance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont  je demeure
Passent les  jours et passent  les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous  le pont Mirabeau coule la  Seine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont  je demeure



 A mon avis  ce  n'est pas le  plus beau  Pont  de  Paris,


 Je préfère nettement  le  Pont  des  Arts  et  le Pont  Neuf



mardi 22 mars 2011

"les heures " ..Virginia Woolf

 

Philip Glass




piano by Branka Parlic

Curieuse  association d'idées :

"J'ai  des mauvaises  heures .... " ( Edmond Rostand : Cyrano de Bergerac )

Dissonance cognitive 1 . Shostakovich, string quartet)

 



Shostakovich String Quartet No. 8 in C Minor (II)


Dissonance cognitive 1
(aquarelle +photoshop Mj 2010)


lundi 21 mars 2011

L'azur mallarméen, Debussy,préludes

 

Debussy: Préludes I - 7. Ce qu'a vu le vent d'Ouest (1909-1910)

L'Azur


De l'éternel azur la sereine ironie
Accable, belle indolemment comme les fleurs,
Le poète impuissant qui maudit son génie
À travers un désert stérile de Douleurs.

Fuyant, les yeux fermés, je le sens qui regarde
Avec l'intensité d'un remords atterrant,
Mon âme vide. Où fuir? Et quelle nuit hagarde
Jeter, lambeaux, jeter sur ce mépris navrant?

Brouillards, montez! Versez vos cendres monotones
Avec de longs haillons de brume dans les cieux
Qui noiera le marais livide des automnes
Et bâtissez un grand plafond silencieux!

Et toi, sors des étangs léthéens et ramasse
En t'en venant la vase et les pâles roseaux,
Cher Ennui, pour boucher d'une main jamais lasse
Les grands trous bleus que font méchamment les oiseaux.

Encor! que sans répit les tristes cheminées
Fument, et que de suie une errante prison
Éteigne dans l'horreur de ses noires traînées
Le soleil se mourant jaunâtre à l'horizon!

- Le Ciel est mort. - Vers toi, j'accours! donne, ô matière,
L'oubli de l'Idéal cruel et du Péché
À ce martyr qui vient partager la litière
Où le bétail heureux des hommes est couché,

Car j'y veux, puisque enfin ma cervelle, vidée
Comme le pot de fard gisant au pied d'un mur,
N'a plus l'art d'attifer la sanglotante idée,
Lugubrement bâiller vers un trépas obscur...

En vain! l'Azur triomphe, et je l'entends qui chante
Dans les cloches. Mon âme, il se fait voix pour plus
Nous faire peur avec sa victoire méchante,
Et du métal vivant sort en bleus angelus!

Il roule par la brume, ancien et traverse
Ta native agonie ainsi qu'un glaive sûr;
Où fuir dans la révolte inutile et perverse?
Je suis hanté. L'Azur! l'Azur! l'Azur! l'Azur!

Stéphane  Mallarmé

Mallarmé . Las de l'amer repos

Las de l'amer repos...


Las de l'amer repos où ma paresse offense
Une gloire pour qui jadis j'ai fui l'enfance
Adorable des bois de roses sous l'azur
Naturel, et plus las sept fois du pacte dur
De creuser par veillée une fosse nouvelle
Dans le terrain avare et froid de ma cervelle,
Fossoyeur sans pitié pour la stérilité,
- Que dire à cette Aurore, ô Rêves, visité
Par les roses, quand, peur de ses roses livides,
Le vaste cimetière unira les trous vides? -
Je veux délaisser l'Art vorace d'un pays
Cruel, et, souriant aux reproches vieillis
Que me font mes amis, le passé, le génie,
Et ma lampe qui sait pourtant mon agonie,
Imiter le Chinois au coeur limpide et fin
De qui l'extase pure est de peindre la fin
Sur ses tasses de neige à la lune ravie
D'une bizarre fleur qui parfume sa vie
Transparente, la fleur qu'il a sentie, enfant,
Au filigrane bleu de l'âme se greffant.
Et, la mort telle avec le seul rêve du sage,
Serein, je vais choisir un jeune paysage
Que je peindrais encor sur les tasses, distrait.
Une ligne d'azur mince et pâle serait
Un lac, parmi le ciel de porcelaine nue,
Un clair croissant perdu par une blanche nue
Trempe sa corne calme en la glace des eaux,
Non loin de trois grand cils d'émeraude, roseaux.

Stéphane  Mallarmé