lundi 28 juillet 2014

Réversibilité (Charles Baudelaire)

Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse,
La honte, les remords, les sanglots, les ennuis,
Et les vagues terreurs de ces affreuses nuits
Qui compriment le coeur comme un papier qu'on froisse ?
Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse ?

Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine,
Les poings crispés dans l'ombre et les larmes de fiel,
Quand la Vengeance bat son infernal rappel,
Et de nos facultés se fait le capitaine ?
Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine ?

Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres,
Qui, le long des grands murs de l'hospice blafard,
Comme des exilés, s'en vont d'un pied traînard,
Cherchant le soleil rare et remuant les lèvres ?
Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres ?

Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides,
Et la peur de vieillir, et ce hideux tourment
De lire la secrète horreur du dévouement
Dans des yeux où longtemps burent nos yeux avides ?
Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides ?

Ange plein de bonheur, de joie et de lumières,
David mourant aurait demandé la santé
Aux émanations de ton corps enchanté ;
Mais de toi je n'implore, ange, que tes prières,
Ange plein de bonheur, de joie et de lumières !

samedi 26 juillet 2014

L'Arlésienne , sur Mezzo l'art total ..

L'Arlésienne , celle  qui occupe  tous les esprits  mais  qu'on  ne  voit  jamais  ;  c'est  d'abord  une  nouvelle   d'Alphonse   Daudet   dans  le recueil  des Lettres de  mon  Moulin , un classique   des enfants  de ma génération, où  l'on trouve également ,  le  secret de  Maitre  Cornille,  la Chèvre  de  monsieur   Seguin  ....Oh  ! l'émotion  inoubliable de ce dernier récit  :  "Elle  s'est  battue   toute  la  nuit  ,  et  au  petit matin  le  loup  l'a mangée  "  qui  tôt  dans  l'esprit  des enfants  fixe  le   prix de  la  liberté  . C'est en  fait un  peu  plus compliqué  car si  la  morale  veut  mettre en garde les enfants  contre les dangers  du  monde  exterieur   et insiter  sur  l'interet  qu'il y a   à  suivre les conseils des anciens  ,  est-il   raisonnable  de  demander  à  une petite  chèvre attachée   toute  la journée  dans  un  pré    de  renoncer  aux parfums des fleurs sauvages et   à  la clarté des étoiles la nuit  dans la montagne  ? 
Mais revenons  à  l'  Arlesienne   ......
Daudet  s'inspira pour   sa  nouvelle   d'un drame  familial  vécu par  un  de  ses amis  Fréderic  Mistral  .
L'histoire se  déroule  en  Provence  au  son des fifres et  des tambourin s :  un  jeune  homme   tombe  follement  amoureux  d'une  étrangère   à  sa  communauté qu'il  ne  retrouvera jamais ..L'amour déçu  tourne  à  l'obsession jusqu'à la mort .
De sa nouvelle  Daudet   ,  tira une  pièce  de  Théâtre   dont  Georges  Bizet  composa  la musique. plus tard  Bizet  en  fit  une  suite  pour  orchestre   dont les thèmes sont  devenus si  célèbres .

La Compagnie   Roland  Petit  en  fit  un  ballet   .
La chaine  de  TV  Mezzo  a diffusé   sa représentation  de   2010 dans une  somptueuse  interpretation  chorégraphique  où  Jeremie Belingard   incarne  frédéric  et   Eleonora Abbagnato  , Vivette, deux grands talents  et   en particulier  un  Frederic  poussant  à ses limites extrèmes l'expression  choregraphique  . Vivette est   tout  de  grâce  et  amour,  et   Frederic  d'une passion  absolue  .
La  mise  en  scène   était  très sobre   , minimaliste, mais la peinture   se  trouvait  au rendez-vous  de cette soirée  exceptionnelle   avec  en   fond de  décor  cette idée de la Provence  que nous ont  transmise Cézanne   ou   Van Goh , mais aussi   Courbet et son  célèbre autoportrait  qu'on  retrouve   à  mon  avis  délibérément   et  magistralement  exploité  dans  la ressemblance   de  Jerémie Belingard  dévoré  par  sa passion .

Les  vidéos  sur  Youtube   ne sont pas extraordinaires  . on  perd  notamment   les prouesses chorégraphiques du danseur  dont  les  jambes sont malheureusement  fondues  dans l'obscurité  du  décor du dernier acte .  Mais elles ont  le mérite  d'exister  et  je  remercie celui  qui  nous permet    en  les postant  de   revivre  ce spectacle  encore  et  encore .

4/6

5/6

3/6

1/6

2/6

6/6

samedi 19 juillet 2014

Wagner : le Vaisseau fantôme

Günther Schneider-Siemssen
Ballade  Senta  , Nina  Stemme

L' opéra de Wagner : Der  fliegende Höllander
Le livret serait inspiré d’un conte de Heine « Mémoires de  Monsieur  Schnabelewoski » et d’une vieille légende norvégienne .

Sur les côtes de Norvège 
Le navire  de Daland  vient de subir  une violente  tempête et s’est réfugié dans une anse où   il se repose avec ses marins 
Tandis que tout dort apparaît un mystérieux Vaisseau aux voiles couleur de sang.qui jette l’ancre lui aussi
Un personnage spectral en descend drapé dans un grand manteau
C’est  le  Hollandais  , un navigateur maudit  pour avoir insulté le ciel Il est condamné à errer sans répit jusqu’à ce  qu’il trouve  l’amour pur  qui lui rendra le repos éternel et tous les sept ans  il peut mettre pied à terre pour le chercher .
A son réveil  Daland qui ignore la réelle identité du  marin , est séduit par les richesses  de son navire   Il  lui propose son amitié et l’invite dans sa demeure où il vit avec sa  fille  Senta dont  il vante les qualités  .
Pensant avoir trouvé l ‘amour qu’il cherche , le marin  accepte  et promet  à Daland  de partager ses trésors s’il consent à lui donner sa fille  en mariage  .

Dans la demeure de Daland ,  Senta  admire un tableau du  marin maudit et apprend son histoire . Exaltée et émue par les malheurs de l’errant , elle  se sent prete à tout sacrifier  pour lui donner le repos.
 Quand Daland  et son compagnon  arrivent , Senta reconnaît le navigateur  et tous  deux s’éprennent l’un de l’autre  dès le premier instant  .
Senta avait été promise à Erik et celui-ci essaie  de reconquérir sa fiancée  .
Apercevant de loin  les deux  jeunes gens ,  le Hollandais se crois trahi et désespéré  il  s’apprête à repartir
 Senta le conjure de rester et tente  te lui  prouver son innocence  . Mais craignant d’entrainer Senta dans le parjure ,  le  marin s’enfuit  à bord de son navire . Comme le vaisseau s’éloigne elle donne  une ultime preuve de son amour  en se jetant dans la mer du  haut des rochers .
Le hollandais est enfin libéré  et le navire peuplé de  fantômes disparaît 
Le tableau final  montre les amants  dans l’au-delà , réunis par l’amour pour l’éternité  .

Richard  Wagner  composa la partie musicale   de son  opéra   en   1842 à  Meudon . Il en avait écrit le  livret   à  Paris  quelques  mois auparavant. Au cours d'un  voyage  en   1839 , son  voilier  avait   été pris dans  une  violente  tempête  , entre  Königsberg  et l'Angleterre , qui  l'avait repoussé sur les  côtes  scandinaves  .  Vivement   impressionné  par  le  déchainement  des éléments , la légende  du  Hollandais  volant ,  déjà  très  en vogue à cette époque, notamment  grâce   à  la nouvelle  du poète  Heine perpétuant   de vieux  mythes populaires ,  lui  fournit  l'argument  de  base  de son  opéra où  il  pouvait  développer  ses grands thèmes favoris  de la  malédiction et de la  rédemption dans la mort .
Cest dans  cette oeuvre  qu'il  introduit pour la première fois le leitmotiv  définissant  un personnage  ,  une idée  ou  un  sentiment .

Vaisseau Fantome "Le mystère du hollandais volant" documentaire Mystere

jeudi 17 juillet 2014

William Blake : Le grand dragon rouge

The Great Red Dragon and the Woman Clothed with the Sun 

« Un autre signe parut encore dans le ciel ; et voici, c'était un grand dragon rouge, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes. Sa queue entraînait le tiers des étoiles du ciel, et les jetait sur la terre. Le dragon se tint devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer son enfant, lorsqu’elle aurait enfanté. »
— La Bible , Apocalypse 12:3-4
The Great Red Dragon and the Woman Clothed in Sun
4 aquarelles  illustrent  ce   passage  de la  Bible

mardi 15 juillet 2014

Le mariage du ciel et de l'enfer ,William Blake



Un  petit  livre  qui  fait   partie  de mes trésors  !

(Dans la traduction  d'André  Gide  )
(1er   poème)
Rintrah (1) rugit  et secoue  ses feux dans l'air  épais;
D'affamés nuages hésitent  sur   l'abîme,
Jadis débonnaire, et par un périlleux sentier,
L'homme  juste  s'acheminait
Le long du  vallon de la mort.
Où  la   ronce croissait on a  planté des roses
Et sur la lande  aride
Chante la mouche  à  miel.
Alors, le périlleux sentier fut  bordé d'arbres,
Et  une  rivière, et  une source
Coula  sur  chaque  roche et  tombeau;
Et sur les  eaux blanchis
Le limon rouge enfanta.

Jusqu'à ce que  le méchant  eût   quitté les sentiers faciles
Pour cheminer  dans les sentiers  périlleux, et  chasser
L'homme juste  dans des régions arides,

A présent  le serpent   rusé chemine
En douce  humilité,
Et  l'homme  juste s'impatiente  dans les  deserts
Où les lions rodent.

Rintrah  rugit et  secoue  ses feux  dans l'air  épais;
D'affamés  nuages hésitent  dans l'abîme.

(1) Rintrah apparaît pour la première fois dans Le Mariage du Ciel et de l'Enfer, incarnant la rage révolutionnaire. Il sera plus tard regroupé avec d’autres esprits de rébellion dans The Vision of the Daughters of Albion :

sur wikipedia : Mythologie de William Blake 

Palamabron,  Rintrah  et   Satan

L'échange


Puvis de Chavannes
                               L'échange                            
 I
J'étais un  habitant  de  vos terres tranquilles
L'un des vôtres
Comme vous javais  construit
Comme vous je partageais
Joies et peines , grisailles et jours  d'été
Et le pain quotidien et les  doux sentiments

Nos regards s'égaraient  parfois vers l'horizon
Mais nous restions fidèles  à  nos  attachements

Nous  écoutions ensemble  les vagues sur  la plage
Nos raconter   l'histoire   d'autres  lieux  parfumés
Une  mélodie sage  apaisant  nos désirs
Tournait les pages de nos vies
Nous voguions  sans tourments vers la fin de nos jours

J'étais  à vos côtés
Nous nous tenions les  mains
Confiants,  sûrs  de l'un et  de l'autre
 Disponibles  , attentifs,  prévenants et  généreux
Notre forêt  croissait
L'un  soutenait   l'autre
le second   s'appuyait   sur le bras  du  premier
La forêt  grandissait
Les vieux arbres en  tombant
prenaient  soin d'éviter les  jeunes  pousses fragiles
que nous avions nourries
d'une commune  tendresse

Tout aurait  pu  durer,
Non  pas l'éternité
Mais le  temps  imparti  à  chacun  d'entre  nous

II
Un  jour  que  la  mer   assombrie s'était  agitée
Sous un fort coup  de  vent   provoqué  par l'orage
Une barque   vint  s'échouer  sur  notre rivage
Au  fond  du  frêle  esquif   gisait  un corps  blessé
  marin  agonisant
Sans doute  avait-il    affronté toute la nuit
Les assauts furieux  de la mer  en colère
Nous  le recueillîmes, pansant  ses plaies
Rafraîchissant  son front  brûlant
Le délire   lui dictait  d'étranges discours
Dans  une  alternance de   cris  de  désespoirs
et de  profonds silence
L'angoisse  tordait  ses mains et  crispait  son  visage
La folie se lisait  dans ses regards,   hagards

Nos bains et  nos parfums  ne purent  dissiper
L'odeur de la mort qui  toujours l'enveloppait
Nos soins   cependant   calmèrent  ses blessures
La fièvre  en  le  quittant   emporta ses délires
Mais  toujours  la mort   suintait   de tous  ses pores
Un  silence  obstiné scellait ses lèvres muettes
Éludant  nos questions, repoussant nos avances
Toujours son  regard  fixé sur  l'horizon
il ne nous voyait pas , ne nous entendait  pas
Vous vous êtes lassés
Seul  je continuais à prendre soin de  lui
Il dénoua nos mains, tissa d'autres liens
et m'ouvrit  au mystère du chant de ses sirènes

Les dissonances couvraient nos mélodies
qui  bientôt  m'échappèrent
Des créatures  infernales sortait l' interminable  plainte
des âmes  torturées pleurant  la délivrance
Dans ce chant  des enfers  je conçus  son  martyre
je pressentais l'appel qui l'avait   capturé  
subjuguait son  esprit
le faisant  à nous tous  étranger 
à tout indifférent.
L'injonction au départ était  divine ,irrésistible,inéluctable..

Vous  m'avez retenu,  vous  m'avez  mis  en  garde 
Pourtant  à l'aube  d'une nuit  sombre   nous avons mis la barque à  l'eau
Et je suis  parti  avec lui

III

Avec  lui  j'ai  chevauché ses vagues de  désespoirs
contourné  les gouffres de ses contradictions
les tempêtes de ses amertumes menaçaient de nous engloutir
et les  rochers d'incertitudes ont labouré  notre  bateau
Après des jours d'errances
 une  terre nouvelle  est enfin apparue
Il a posé le pied sur  la  plage
 a fait le  tour  de l'ile 
Dans la foret qui  couvrait l'entière terre  émergée
Seul, il a pénétré.

Longtemps  j'ai attendu , le ciel  était  si noir 
et le soir  est tombé
L'air  s'est mis alors à vibrer 
Des clameurs  à vous glacer le sang se sont élevées
du coeur des arbres
Le sol tremblait comme ébranlé  par  les  transes 
d'une foule en délire, ivre de sacrifice
une violente illumination  de rouge et d'or 
soudainement a embrasé  le ciel
et l'obscurité  toute la nuit  à  combattu  la lumière
Un  peu  avant l'aube, le bruit a cédé  au silence
Puis le ciel  nocturne s'est effacé devant l'aurore

Il est sorti  de la foret
a traversé la plage
Ses haillons tombaient  un  à un sur le sable
Débarrassé de ses oripeaux  il  est remonté dans la barque
Sans  un  regard  en arrière  il  s'est  éloigné  dans la nacelle qui  filait à toute allure
happée  par un vent  démoniaque
Je l'ai vu disparaitre  puis  rien  , le vide et le silence 
 Je restais là et  je suis là 
mes bras portent  encore les marques de nos blessures
mes mains sont  encore  brulées du sel  de  nos longs jours d' errances
à mon  tour mes yeux sont  rivés sur  l'horizon 
Il m'a laissé  l'odeur  et le goût de la mort
Et   je vous ai  perdu, ô nos terres tranquilles
pour avoir suivi une chimère . 

  
William  Blake  ,Nabuchodonosor


samedi 12 juillet 2014

Le lac , Emile Nelligan



Brétigny 2011 (Mj)
Remémore, mon coeur,  devant   l'onde qui  fuit
De ce lac solennel , sous l'or de la vesprée,
Ce couple malheureux dont la barque éplorée
Y vint sombrer  avec  leur  amour,  une nuit.

Comme tout  alentour  se  tourmente et  sanglote !
Le vent  verse les pleurs des astres aux roseaux,
Le lys s'y mire ainsi  que  l'azur  plein  d'oiseaux,
Comme pour y chercher une image  qui  flotte.

Mais rien  n'en a  surgi depuis le soir  fatal 
Ou  les amants sont  morts enlaçant leurs deux vies  ,
Et les eaux en  silence   aux grèves d'or suivies
Disent  qu'ils dorment  bien   sous  leur  calme  cristal.

Ainsi  la vie humaine est un grand  lac qui  dort 
Plein sous le masque  froid des ondes déployées,
De blonds rêves  déçus, d'illusions noyées,
Où  l'espoir  vainement mire  ses astres d'or .

mercredi 9 juillet 2014

Murmures de la foret

Le vieillissement  n' ajoute  de  la  beauté qu' aux oeuvres d'art  et  à  la  nature .

Wagner  :  Siegfried  Les murmures de la forêt

La solitude

G. Moustaki  :  Ma solitude

Magazine   Philosophie:


5 millions de Français souffrent de solitude


http://www.philomag.com/lepoque/breves/5-millions-de-francais-souffrent-de-solitude-9924

Un  sujet  à traiter avec des nuances à mon avis
Si   des  millions de  personnes souffrent  de  la solitude  qu'ils  on   à subir ,  si les chiffres augmentent  c'est un  mauvais  indicateur  pour  la  santé  morale  de   notre société, mais  notre regard  sur  la solitude   n'est pas  non  plus toujours  positif . 

Un Français sur huit est seul en 2014, selon la Fondation de  France 
-Sont -ils 5  millions  à  en  souffrir  ?

 Comment définir la solitude ?
- Etre  seul ne suffit  pas  à définir la solitude

 De quelle réalité ce phénomène témoigne-t-il ?
- Il  n'y a pas un  phénomène  unique  .

1)
D'abord il  y a le  choix  et  je suis d'accord  l' expansion  du  phénomène   individualiste est  souvent à  l'origine  de   la solitude   à laquelle   l'homme  se  trouve  confronté  : indifférence,  indépendance , désengagement  mènent à  la solitude   mais  c'est parfois  un choix  et parfois même   une  résistance  .

2)
Dans le  cadre  d'un choix,  être seul   vous  place-t-il  hors  de  la  normalité  ? Pourquoi  ? Faut-il  défendre un droit  à la solitude ? 

3)
Pourquoi  la solitude   est-elle si effrayante  ? 
Faut-il  réapprendre  à  aimer  la solitude ?

3)
La solitude  tragique 
celle des abandonnés , des  délaissés  ,

La solitude  douloureuse  , celle  des   personnes âgées , dépendantes , celles des handicapés, celle des isolés , des  rejetés  , celle des  exclus .
Celle-là  oui   est souffrance   et   devrait être  combattue  et  sans avoir  lu son  livre   je   pense que  je serais    assez  d'accord  avec la conclusion d' Eva Illouz :
[...] Si bien que pour la sociologue Eva Illouz, la notion de couple mérite d’être défendue parce qu’« elle prend le contre-pied de l’idéologie dominante. Le couple monogame est sans doute la dernière organisation sociale à résister aux principes du capitalisme. Un couple prend de facto position contre la culture de maximisation du choix, contre la conception du moi comme lieu permanent de sensations fortes, de jouissance et d’épanouissement personnel. » Le couple donc, mais aussi la famille même dans ses métamorphoses et toutes les nouvelles formes de reconfigurations intergénérationnelles sont autant de remparts à entretenir contre la décomposition contemporaine des solidarités, au délitement du lien social et l’explosion du phénomène de solitude.
  

La parabole du talent . ( à propos de Saint Exupéry)


Schubert Adagio   de la sonate pour  arpeggione  et  piano

La réalisation de soi : droit ou devoir .

(Extrait d'une correspondance  avec  X.  )

Un  homme qu'on désigna par le  général  reprochait  à   Saint Exupéry  d'avoir  risqué inutilement  sa vie   en  nous privant ainsi   de son talent ..)

Ah ! cette parabole du Talent ! Il y a peu de temps je l’ai moi-même utilisée !
Alors ? dans un certain sens, l’homme doué est redevable de son talent quel qu’il soit, à l’humanité dont il n’est que parcelle.
L’humanité n’est-elle pas faite de ces parcelles accumulées et son niveau spirituel ou artistique ne s’élève-t-il pas à la faveur de ces apports successifs de talents que le hasard fait fleurir ça et là ?
A postériori, ils nous apparaissent comme une longue chaine continue, comme une espèce de fatalité d’un destin collectif. Ces phares nous semblent comme prévus, inéluctables, indispensables, solidaires les uns des autres , comme les pierres d’un édifice (d’une Citadelle ?). Même les plus révolutionnaires nous semblent tributaires de leurs prédécesseurs
Alors rompre la chaine par un détournement de son devoir messianique ou par l’imprudence de l’exposition à une mort prématurée ne constitue-t-il pas une faute à l’égard de l’humanité tout entière ?
Ce qu’on porte en soi on le doit aux autres.
La postérité se chargera de gratitude à son égard ?

Mais par opposition à l’homme collectif , il y a cet individu qui a aussi le droit et le devoir de se réaliser. Quel bien plus précieux que sa vie et la liberté d’en disposer à son aise au risque de la perdre ?et surtout quand cette aspiration atteint le degré de la passion ?
Tu as évoqué la passion du vol  de Saint Ex renforcée par l’image de cet astronaute américain. Saint Exupéry dans Terre des hommes l’a je crois amplement justifiée : elle lui permettait de se fondre dans cette nature à la fois si belle et si terrible tout en se mesurant à elle ; c’est dans sa confrontation avec elle qu’il pouvait trouver sa propre dimension et celle de ses semblables .
De cette lutte, de ses victoires il en a fait autant de récits dont on puisse  s' imprégner.
 Or l’exemple n’est-il pas le meilleur des éducateurs ?
Je crois qu’il aurait pu écrire davantage que son message n’aurait pas été mieux exprimé que par les témoignages qu’il nous a laissés.
Sa philosophie  de la vie transparaît dans ses actes autant que dans ses phrases ou plutôt ses phrases n’ont tant de puissance que parce qu’il a vécu ce qu’elles nous racontent et qu’il a toujours été autant qu’il est possible, fidèle à lui-même.

Je suis bien d’accord pour regretter avec toi les joyaux dont  sa mort prématurée nous a probablement privés tout comme elle a interrompu Schubert que tu cites et auquel j’ajoute Mozart, Raphaël, Caillebotte ou Garcia Lorca !
Parce que nous les aimons et que nous n’en serons jamais rassasiés !
  Mais on peut supputer sur ce qu’aurait pu être son l’influence sur les évènements s’il avait été là pour poursuivre son œuvre de conviction .
Sans doute n’aurait-il pas été entendu vivant plus que mort ! Il n’y a guère plus sourd que celui qui ne veut pas entendre et dans un combat au corps à corps, l’homme armé de sa seule raison pèse peu face aux armes et à la force pure !
Il faut du temps à la pensée et les intérêts guerriers, politiques ou financiers n’envisagent que l’immédiat.
Le message de Saint Exupéry ne peut que contribuer à modifier les esprits en faveur du rapprochement des hommes Mais comme dans tout progrès des idées, le cheminement est lent et pas linéaire !

En plus je dirais que fut-il le plus grands de nos phares, si grande que soit notre admiration il n’aurait pu être le seul artisan de nos révolutions intellectuelles Il y faudrait un Dieu !!

Pas un homme ne peut prétendre à un tel pouvoir Sa grandeur était de participer à un élan positif, sa mission était de l’enrichir, de le formaliser par cette écriture envoûtante et lumineuse. Par son art il a servi la cause qu’il a choisie, par sa vie il l’a rendue crédible.
Que pouvait-il donner d’autre a notre société ?

Un de ses messages forts me semble-t-il est sa vision de la mort qui n’est à craindre que de ceux qui n’ont pas vécu, qui n’ont pas été jusqu'au bout d’eux même , qui n’ont pas pris leur mesure .
Le remord de ce Général à mon avis ne vaut que par sa tendresse pour Saint Ex qu’il trahit !! Je crois qu’il estimait avoir acquis ce droit de disposer de sa vie en la risquant.
A fortiori si  son héros de la Citadelle parle pour lui :
« « Car j’ai vu trop souvent la pitié s’égarer….
Il fut un âge où j’eus pitié des morts …
J’ai vu les femmes plaindre les guerriers morts . Mais c’est nous mêmes qui les avons trompées !….
Certes j’ai vu des hommes fuir la mort saisis d’avance par la confrontation. Mais celui-là qui meurt détrompez-vous , je ne l’ai jamais vu s’épouvanter…..
Pourquoi donc les plaindrais-je ? pourquoi perdrais-je mon temps à pleurer leur achèvement ?J’ai trop connu la perfection des morts …
Mort aussi de mon père . De mon père accompli et devenu de pierre…
 Les cheveux de l’assassin blanchirent dit-on, quand son poignard au lieu de vider ce corps périssable l’eut empli d’une telle majesté…
Ainsi mon père qu’un régicide installa d’emblée dans l’éternité ….. » » » »

Pour Saint Exupéry la mort  est un achèvement, le terme normal et non tragique d’un homme accompli et ne saurait être redoutée s’il a usé de son talent .Elle fait partie de l’ordre naturel des choses .

Quoi qu’il en soit je pense comme toi que  Saint Exupéry n’aurait pas privilégié sa seule passion , son propre épanouissement, s’ils n’avaient  pas été cohérents avec son idéal spirituel et moral;  mais je crois aussi qu’il avait trouvé ce point d’équilibre ou l’homme atteint la plénitude s’il peut concilier ce qu’il doit à la société des hommes et ce qu’il se doit à lui-même.

lundi 7 juillet 2014

Jünger sur PHILITT

 Un excellent article à lire  sur   PHILITT qui rétablit de nombreux préjugés sur le grand écrivain allemand, militaire , patriote, héroïque certes, mais anti-nazi et anti-hitlérien, ce qu'on oublie trop souvent dans un amalgame facile.
Notre  époque  ,inondée  d'images, saturée d'informations , traverse  les savoirs à une vitesse  qui  s'accélère   dangereusement pour  nos  capacités  d'analyse  et d'esprit  critique  .Comme le voyageur  qui ne   peut   lire le  nom  des gares  traversées  par  son  TGV, nous captons  des indices sans poursuivre l'enquête  qui pourrait mener  à  la compréhension  des  choses. .

Ernst Jünger : vivre par les armes et les mots

La guerre est synonyme de souffrance et de désolation et les hommes de 14 sont les victimes de la barbarie moderne. Cent ans ont passé depuis le début de la Grande Guerre et cette opinion est aujourd’hui largement partagée ; elle anime l’esprit des discours et les cérémonies de commémoration. En Allemagne comme en France, Ernst Jünger incarne tout ce que notre Europe moderne et pacifiée ne souhaite plus voir et rejette, tout ce qu’elle a en horreur : un soldat, incarnation de cette culture martiale européenne aujourd’hui disparue, un guerrier devenu écrivain dont une grande partie de l’œuvre puise son inspiration dans les quatre années passées dans la boue et la fureur des tranchées du nord de la France.
Jünger au retour du front
Jünger au retour du front
L’œuvre de Jünger est vaste ; elle parcourt le XXème siècle, ses tourments et ses drames. Elle interroge sur les forces nihilistes à l’œuvre chez l’homme et dont l’écrivain ressentit le caractère destructeur au plus profond de sa chair, lui le guerrier blessé quatorze fois au front.

"vivre par les armes et les mots "

jeudi 3 juillet 2014

Pascal Quignard, Boutès


Ainsi que nous l’a transmis Homère, il existait aux temps mycéniens une île habitée par les Sirènes, des oiseaux au visage et aux seins de femmes et les navigateurs qui s’aventuraient trop près de son rivage, envoûtés par le chant des créatures, échouaient leurs navires sur les écueils et périssaient noyés.
Sur le chemin d’Ithaque, Ulysse pour satisfaire sa curiosité déjoua le sortilège en se faisant attacher solidement à son mât après avoir protégé ses compagnons en leur bouchant les oreilles avec de la cire.
Orphée protégea les Argonautes en couvrant la voix des sirènes par la puissance de sa lyre grâce à laquelle il avait su convaincre les divinités infernales de lui rendre Eurydice. Mais un seul d’entre eux, Boutès, l’imprudent, le téméraire, le dissident nous explique Pascal Quignard, défia le sortilège et sauta dans la mer pour rejoindre les sirènes.
Il fut sauvé par Aphrodite, la déesse née de la mer, qui en fit son amant, l’installa en Sicile et lui donna deux enfants, Eryx et Polycaon.
Cette légende au centre de laquelle se trouve le pouvoir ambivalent de la musique, musique orphique et musique originelle, envoûtement et émerveillement, excitation et apaisement, désordre et harmonie, ne pouvait échapper à Pascal Quignard qui entretient avec cet art des relations si passionnées.
Elle lui a inspiré ce livre magnifique dont je vous livre quelques extraits qui m’ont particulièrement touchée:
Là où la pensée a peur, la musique pense.
La musique qui est là avant la musique, la musique qui sait se « perdre » n’a pas peur de la douleur. La musique experte en « perdition » n’a pas besoin de se protéger avec des images ou des propositions, ni de s’abuser avec des hallucinations ou des rêves.
Pourquoi la musique est-elle capable d’aller au fond de la douleur ? Car elle y gît. [] Il s’est trouvé un penseur pour penser de fond en comble cet état d’abandon, de solitude, de carence, de faim, de vide, d’extrême menace mortelle soudaine, de nudité, de froid, d’absence de tout secours, de nostalgie radicale, éprouvé par chacun lors de sa naissance.
Qui ?
Schubert. .
(Vous comprenez mon enthousiasme !)
La musique commence par murmurer à l’oreille de celui qui l’aime et qui s’approche du chant qui l’enveloppe, où il consent à perdre son identité et son langage : Souvenez-vous, un jour, jadis, on a perdu ce qu’on aimait. Souvenez-vous qu’un jour vous avez tout perdu de tout ce qui était aimé. Souvenez-vous qu’il est infiniment triste de perdre ce qu’on aime.