dimanche 1 mai 2011

Dove sei ? Schubert, Goethe , Friedrich

" Où es-tu  Elena ?  
Je  t'ai  perdue  à Vienne ..
 Les  brouillards  de Schönbrunn  tendent  entre  toi  et moi  
 Un  rideau de   tristesse  qui m'empêchent  de  te  voir 
....."


A travers le choix de ses poèmes, un musicien comme  Schubert révèle  parallèlement une très nette  attirance pour cette sorte  d'errance toujours teintée d'interrogations inquiètes  et  chez lui  d'un  pessimisme latent. On en trouve  de multiples  exemples dans les  lieder  isolés comme  dans les cycles.  Parmi  les plus significatifs, on peut  mentionner Der  wanderer an der  Mond  (Seidl),  Der    Pilgrin  (Schiller), Der  wanderer (Schmidt von  Lübeck), repris  dans la Wanderer  Fantasie pour  piano,

 Je marche  silencieux , sans  joie  au coeur
Et  tous mes  soupirs traduisent  cette  question :  où es-tu ?

et Der  Wanderer  (Schlegel)  où  l'optimisme  engendré  par l'attente d'un  contact  euphorique avec la nature,
Pars en  route pour d'autres cieux !
Il faut  changer  d'horizon, voyager,
Ainsi  tu  échapperas facilement à tous  soucis !

se  concrétise cependant  par un constat  d'échec :  
"Tout  ce qui  m'entoure est heureux, et pourtant je  suis seul."

Dans la plupart  des cas, que la  formule  soit  strophique ou  plus  élaborée -Einstein parle de "Cantate" dans son  Schubert (1958) - le rejet  de toute  virtuosité vocale au  profit  d'une  expression  juste qui n'exclut pas les  modulations "climatiques" propres au  génie  de Schubert (en particulier à la tierce) confère à ces lieder  une dimension  humaine et poétique  sans  équivalence. Alors  que la  Belle Meunière  s'ouvre une fois encore, sur le  thème  du  voyage (Das Wandern) dans le  style simpliste et la méthode répétitive  du  Volkslied, le  Wandern  Nachtlied (n°1) met remarquablement  en  valeur le texte de Goethe, par une  déclamation  d'un naturel  qui  confond, tant le renoncement à  tous les artifices courants, et à l'éloquence ne saurait  trahir les moindres nuances du  texte. Dans le  voyage d'hiver enfin (1827) , le périple s'inscrit comme une fuite de l'amour  déçu , où tout  signe extérieur (la girouette,  les larmes  glacées, le tilleul,  le  dégel,  la poste ..) ramène l'obsession,  le souvenir qui  ravive la plaie. Dans  ce dernier  cheminement il ne  s'agit plus d'apprendre, mais de  guetter la mort qui  approche - Schubert le  sait, qui  disparaitra l'année suivante.  La solitude si  bénéfique au  murissement  et à l'élévation de l'esprit , se monnaie ici  en pleurs, avec les images navrantes de la corneille, de la chute de la dernière feuille, de la tempête ou  du  poteau  indicateur   qui  désigne le cimetière comme l'enseigne de l'auberge prend la forme d'une couronne mortuaire.  Ne restent plus que les trois soleils noirs et la vieille   et  lugubre  mécanique du  ménétrier. Comment ne pas songer à  l'arbre aux corbeaux ou à la cabane en  hiver de Friedrich, illustration  exacte de la poésie de  Wilhelm Müller et  de  la musique de Schubert ."
Caspar  David  Friedrich   L'arbre  aux corbeaux

Cette  belle  page  est extraite  du  livre   (de la somme !)  de  François  Sabatier  "Miroirs de la musique  (La musique  et ses correspondances avec la littérature  et les Beaux Arts)  Tome II, XIX - XXème Siècles chapitre  IV : Un art  autobiographique...  l'Allemagne Mystique  . Amours et  voyage ., cette partie traitant  plus particulièrement   de  l'implication  du  poète  , de  l'artiste ,  de  son  propre vécu  , dans   cette période   d'individualisme  romantique  exigeant l'absolu  sincérité  dans la confession  des sentiments  .

Franz Schubert "Wanderers Nachtlied"  II- Prégardien/Gees

 

Un site  à  ne pas manquer  ! espritsnomades.com/siteclassique/schubertvoyagedhiver.html

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