mercredi 30 mai 2012

Dürer : autres portraits

Portrait  d'une  Vénitienne (1506)
 Peinture  sur   bois  (musée  d'histoire  de  l'art  de  Vienne)


Portrait  de  Hieronymus Holzschuler  (1526)
 Peinture   sur  bois  Nationalgalerie Berlin


POrtrait  de   Jacob Muffel (1526)
 Peinture  sur  bois   (Berlin)


Portrait  de   jeune homme (1521)
 Peinture  sur  bois  (Pinacothèque  d  Dresde)


Portrait  d'un inconnu (1524)
 Peinture sur  bois  Prado  ,Madrid


Tête  de  vieillard  (1521)
Dessin  au pinceau . Albertina de  Vienne

vendredi 25 mai 2012

The Village Soundtrack- The Gravel Road

Dürer : autoportraits


Dürer  notait méticuleusement   les  caractéristiques  de  ses  oeuvres  :

Autoportrait  (1484)
C'est la première oeuvre  connue  de   Dürer :" J'ai  fait  celà en  me  regardant  dans un  miroir alors  que j'étais  encore un  enfant  ."

Autoportrait  (1493)
L'insciption  signifie  que l'artiste  remet  son  sort  entre les mains  de  Dieu. Le chardon appelé en  allemand  "Mannertreu "(fidélité  de l'homme,  permet  de  supposer  que  Dürer  a peint  ce portrait pour la  fiancée  choisie par  ses parents.


autoportrait  (1498)
"J'ai peint celà  d'après ma personne quand j'avais   26  ans  ."





 Le dernier  autoportrait  de   Dürer 
L'expression  presque  sublime  du  visage, indubitablement christique,  a  donné lieu   à  de  nombreuses interprétations. L'inscription  signifie :" Albertus Durerus Noricus  a  peint   cette image à  l'âge  de   28 ans avec  ses propres couleurs."

  Un article   très intéressant  consacré   à  cet  autoportrait sur  " Passée  des  arts "   http://www.passee-des-arts.com/article-30829214.html

jeudi 24 mai 2012

Chanson pour Anna


Bien  sûr   cette  magnifique  chanson   vaut   pour  son  sens  premier ...

Nous  n'oublierons jamais   ...





Pas plus que personnellement  je n'oublierai ce  refrain  :

"...   moi  j'ai  un  jardin   rempli  de  fleurs  
Un  monde  d'amour  tout  en couleurs  ...."

deux modestes  vers  qui  continueront  de  résonner  .....

Nous  sommes tous différents  , ce  qui  tue  certains d'entre nous est  vital  pour  d'autres .

Dürer et Victor Hugo



A  Albert  Dürer

Dans les   vieilles  forêts  ,  où  la  sève   à  grands  flots
Court du   fût  noir  de l'aulne   au  tronc  blanc  des bouleaux,
Bien  des  fois,  n'est-ce  pas?  à  travers  la  clairière,
Pâle  effaré,  n'osant  regarder  en  arrière,
Tu  t'es  hâté,  tremblant  et  d'un   pas convulsif,
O  mon  maître,  Albert   Dure, ô vieux peintre pensif !
On devine,  devant  tes tableaux qu'on  vénère,
Que  dans les noirs   taillis ton  oeil  visionnaire
Voyaient  distinctement,  par l'ombre  recouverts
Le  faune   aux  doigts palmés, le  sylvain  aux  yeux  verts, 
Pan  qui  revêt  de   feuilles  l'antre  où tu  te  recueilles,
Et l'antique  dryade  aux  mains pleines  de  feuilles.

Une  forêt  pour  toi  c'est  un  monde hideux.
Le  songe  et le réel  s'y  mêlent  tous les  deux.
Là  se penchent   rêveurs  les  vieux pins,  les grands ormes
Dont   les  rameaux  tordus  font   cent  coudes  difformes,
Et  dans  ce  groupe  sombre  agité par le  vent,
Rien  n'est  tout   à  fait  mort   ni  tout  à  fait  vivant.
Le  cresson  boit,  l'eau court,  les  frênes  sur  les pentes,
Sous la  broussaille  horrible  et les  ronces  grimpantes,
Contractent  lentement  leurs  pieds  noueux  et  noirs.
Les  fleurs   au  cou  d  cygne  ont les  lacs pour  miroirs;
Et  sur  vous  qui passez  et  l'avez  réveillée, 
Mainte  chimère  étrange  à  la  gorge  écaillée,
D'un  arbre  entre  ses  doigts, serrant   les  larges noeuds,
Du  fond  d'un  antre   obscur   fixe  un oeil  lumineux.
O végétation ! esprit ! matière! ! force !
Couverte  de peau  rude  ou  de  vivante  écorce !

Aux bois,    ainsi  que toi , je n'ai  jamais  erré,
Maître  , sans qu'en mon coeur   l'horreur  ait  pénétré,
Sans voir   tressaillir l'herbe, et,  par le  vent  bercées,
Pendre   à  tous les  rameaux  de  confuses pensées.
Dieu  seul ,  ce  grand  témoin  des faits mystérieux,
Dieu  seul  le  sait, souvent, en  de  sauvages lieux,
J'ai  senti,  moi  qu'échauffe  une  secrète  flamme,
Comme moi  palpiter  et  vivre  avec  une   âme,
Et  rire ,  et  se parler  dans l'ombre  à  demi-voix,
Les  chênes  monstrueux  qui  remplissent  les  bois  .

(Les  voix intérieures )

Dürer , graveur

Quelques gravures   sur   bois  et  sur   cuivre :

Le Chevalier,  la  Mort  et le  Diable  (1513)
Gravure  sur  cuivre  : L'équipement  du  Chevalier  se  retrouve   sur une  aquarelle   de   1498,  montrant  un soldat barbu, avec l'inscription : "  C'est  l'armure actuelle  en   Allemagne  ." Le dessin  du  cheval  rappelle l'époque  où  Dürer tentait  de  construire  la  beauté  "avec  la  règle  et le  compas". On a  cru  reconnaitre  , dans la   monture  du  Chevalier,  une  réminiscence   du  Colleone ou  du   Gattamelata. *

*Condottieri   de  Venise représentés par  plusieurs  statues  équestres 


La fuite  en   Egypte (entre  1502-1504)
Gravure  sur   bois :Cette  estampe   de  la vie  de  Marie comporte  la représentation  d'une  des plus  belles forêts  que   Düre  ait  dessinées, thème  typiquement  allemand,  qu'il  n'a  que  rarement  traité  .
 Ici  nous penserons  à  Victor  Hugo et   à  son  poème   dédié   à ce peintre  !!



Les  quatre  cavaliers  de  l' Apocalypse (1498)


 Gravure  sur  bois  La version  de  la Bible  dont  s'inspira  Durer  fut la Bible  de Cologne (1487). Les  quatre   cavaliers au-dessus desquels plane l'ange  de  Dieu, symbolisent les  puissances  fatales :  la Guerre, la  Maladie, la Misère et  la  Mort.


La  Justice (1501?) gravure  sur   cuivre



Monstre marin (v.1496)
Gravure  sur  cuivre  : On  n'a  jamais   réussi   à  expliquer le  sens , probablement  mythologique, de  cette  gravure , qui  donne  une impression  de  caractère  pré-romantique.


Adoration  de l'Enfant (1504)
Gravure  sur  cuivre  :  Dürer avait  d'abord  intitulé   cette   estampe Noël.  Le  paysage parait   être  de  Franconie. De  nouveau ,  des  murs en perspective   fuyante élargissent l'espace;  parmi  les  ruines et  sous les arcs,  la vie  palpite  dans  une  atmosphère  d'intimité que   Dürer a  obtenue par le moyen  de  souverains jeux  d'ombre  et  de  lumière.


Saint Georges   vainqueur  du  Dragon (gravure  sur  cuivre)
 
La Vierge   à  la haie  avec l'Enfant (1503)
Gravure  sur    cuivre

Saint  Michel terrassant le  Dragon (1498)
 Gravure  sur  bois Cette  gravure appartient   à  la  série  de  l' Apocalypse. Dürer découvre  un  nouvel  effet  de  style par  l'accentuation du  contraste entre  la sphère  terrestre  et la sphère   céleste.





Saint  Jérôme  dans  sa  cellule (1514)
Gravure  sur  cuivre :  L'une  des  gravures  les plus populaires de Dürer. Il  faut sans  doute en  chercher la cause dans l'impression de  sérénité qu'elle donne. Chaque  détail y est   précisé  avec  amour.  Le  saint homme, occupé à  traduire  la Bible ,  se   situe  naturellement dans l'ensemble malgré   son  auréole. La  lumière  qui  passe à travers le  vitrage et  qui  se  répand sur les murs avec  douceur caresse   le  contour   des  choses dans un  savoureux  clair-obscur .


La Grande  Fortune (1501-1503)

Gravure  sur  cuivre (1501-1503) . On  l'appelle  ainsi  pour  la  distinguer  d'une  oeuvre  antérieure, peu  connue, sur le même  sujet. Dürer s'est  sevi  pour le paysage d'une  esquisse, de   la  ville   de  Klausen,  sur la  route de   Brenner.  Le  personnage féminin est  d'un  réalisme presque effrayant.


La  Mélancolie (1514)

Gravure  sur  cuivre :  On a  donné de  cette page  étrange  de   multiples  explications.  Aussi longtemps  que la  signification  des  nombreux  objets et  du  carré magique  que l'on  voit  n'aura pas  été  nettement   prouvée, il  faudra  se  résigner  à  ne pas  déchiffrer entièrement les intentions propres à  l'artiste  . (Cette  remarque  date   des  années  1960 , nous  avons   surement   de  nouvelles interprétations . ..)
Adam et  Eve (1504)
Gravure  sur  cuivre : Il s'agit en  réalité  d'Apollon  et   de Vénus,  ainsi  que  de nombreuses études préparatoires, comprenant des  attributs  mythologiques,  en portent  témoignage.  Si, pour   son estampe  définitive,  Dürer   a  chosi  ce  titre, ce  fut probablement pour le rendre plus  intelligible à  ses  compatriotes .

Portrait  de  Philipp Melanchthon (1526)
Gravure  sur  cuivre : Ce  portrait   a été  fait   d'après un dessin.  La  technique parfaite  de la  gravure  sur  cuivre  rend  bien  le  caractère   du  grand   érudit, ami  et  compagnon  de  Dürer.

Portrait  d'  Ulrich  Varnbüler (1522)
Gravure  sur  bois :  Cette  gravure, l'une  des plus  grandes que  Dürer  ait  éxécutées  (43x32,3 cm),  porte  ne lettres latines soigneusement  tracées qu'il  s'agit de  l'oeuvre d'un  ami  pour  un  ami... Elle   eut  tant  de  succès qu'on la  réimprimait   encore   au   XVIIème  s.

Le  prince   Electeur   Frédéric  Le   Sage (1524)


Gravure  sur  cuivre  :  Cette  gravure   , d'après   un  ancien  dessin  à  la pointe  d'argent, représente ,  plutôt que  ce lui  d'un sage anonyme, le  prince  bienveillant qui  protégea   Dürer.  Malgré  l'exécution  précise de  la  barbe  et  de  la fourrure,  l'expression  des  yeux  domine  .



Les  commentaires  des  gravures  sont  de   Hans   Eckart  Rübesamen.

mardi 22 mai 2012

Négatif : Szymborska



Sur  un  ciel terreux
un  nuage  plus  terreux  encore
avec  le  contour  noir  du  soleil.

A gauche  , autrement  dit  à droite,
une branche de  cerisier blanche avec  des fleurs  toutes  noires

Sur  ton  visage obscur, des  ombres  claires .
Tu es  à  table,
tu as  posé  tes  mains  devenues  grises.

En vérité  on dirait  un  revenant
qui  essaie  d'invoquer les  vivants.

( Et puisque pour  le moment, je suis  toujours  du  nombre,
je devrais  apparaître  et  frapper  quelques  coups:
bonne  nuit , autrement  dit  bonjour ,
Adieu , autrement  dit  salut.
Et  ne  refuser  aucune   question  à  ses  réponses
si elle portent  sur la  vie,
autrement  dit sur le  silence  d'avant  l'orage.)

(Wislawa Szymborska )

samedi 19 mai 2012

"L'Après-midi d'un Faune", Debussy, Mallarmé, Noureiev







Prélude  à  l'après midi  d'un faune  . Debussy 

Dansé par   R. Noureiev


L’après midi d’un  Faune  
Eglogue 
(Stéphane  Mallarmé)

[…]
Inerte, tout brûle dans l'heure fauve
Sans marquer par quel art ensemble détala
Trop d'hymen souhaité de qui cherche le la :
Alors m'éveillerai-je à la ferveur première,
Droit et seul, sous un flot antique de lumière,
Lys! et l'un de vous tous pour l'ingénuité.
Autre que ce doux rien par leur lèvre ébruité,
Le baiser, qui tout bas des perfides assure,
Mon sein, vierge de preuve, atteste une morsure
Mystérieuse, due à quelque auguste dent ;
Mais, bast! arcane tel élut pour confident
Le jonc vaste et jumeau dont sous l'azur on joue :
Qui, détournant à soi le trouble de la joue,
Rêve, dans un solo long, que nous amusions
La beauté d'alentour par des confusions
Fausses entre elle-même et notre chant crédule ;
Et de faire aussi haut que l'amour se module
Évanouir du songe ordinaire de dos
Ou de flanc pur suivis avec mes regards clos,
Une sonore, vaine et monotone ligne.
Tâche donc, instrument des fuites, ô maligne
Syrinx, de refleurir aux lacs où tu m'attends !
Moi, de ma rumeur fier, je vais parler longtemps
Des déesses; et par d'idolâtres peintures
À leur ombre enlever encore des ceintures :
Ainsi, quand des raisins j'ai sucé la clarté,
Pour bannir un regret par ma feinte écarté,
Rieur, j'élève au ciel d'été la grappe vide
Et, soufflant dans ses peaux lumineuses, avide
D'ivresse, jusqu'au soir je regarde au travers.
[…]

Tête de   faune  de  jean  Carriès

 

vendredi 18 mai 2012

JS Bach Flute Sonata BWV 1034 Jean Pierre Rampal



Fragment  d'un   relief en marbre romain représentant  une   hétaïre (courtisane  de la  Grèce  antique )  en  train  de  souffler  dans une  double  flûte. Détail  du   trône  de  Ludovisi (460-450 av  J.C.)


Dans la mythologie  grecque  ,  la  flûte  est l'instrument  d'Eros,  de  Dionysos  ainsi  que  de  Pan , le  dieu  sylvestre  aux  pieds de  bouc qui  crée   la 'instrument  avec  les  roseaux dans lesquels   s'est  transformée  une nymphe. Moqueur, enjoué, beau  et  séduisant, le  son  de la flûte  est l'appel  du  destin  , un destin  qui peut prendre  la  forme  de  l'extase , du  divertissemen,  du  dévergondage ou  de  la  fascination ....

La  flûte est pour moi  l'instrument  dont  le  son  est  le plus  pur  et le plus   léger  mais   c'est  vrai  qu'il  peut  aussi  bien se  charger   de  gaité  que  de  mélancolie  Alors pour le  distinguer  des  autres  instruments  ,  je  dirais  que généralement  dans les  octaves  supérieures  il  semble  toujours  aérien . Sa vocation  première  est  dans le  solo et  même  intégré  dans  un  orchestre , sa  pureté  aussi bien  que  sa  simplicité  le maintiennent  dans  cette  solitude  éthérée.

Andersen : l'ombre


Si vous ne  connaissez   pas  , je  vous laisse  découvrir  comment  le  savant  se  sépara  de  son ombre, ce  qu'il  en   advint  et  comment    le  savant  perdit  la vie  pour  ne   pas  accepter  de  n'être  plus  que  son ombre  ...  


Hans  Christian Andersen
Contes d’Andersen
Traduction  par   David  Soldi
Librairie Hachette et Cie, 1876 (pp. 172-190).


L'ombre

Par  Bertall

[…]
      — Certes, cela est extraordinaire, en effet, mais vous-même, n’êtes-vous pas un homme extraordinaire ? Et moi, vous le savez bien, j’ai suivi, vos traces dès votre enfance. Me trouvant mûr pour faire seul mon chemin dans le monde, vous m’y avez lancé, et j’ai parfaitement réussi. J’ai eu le désir de vous voir avant votre mort, et, en même temps, de visiter ma patrie. Vous savez, on aime toujours sa patrie. Sachant que vous avez une autre ombre, je vous demanderai maintenant si je dois quelque chose à elle ou à vous. Parlez, s’il vous plaît.
     — C’est donc véritablement toi ! répondit le savant. C’est extraordinaire ; jamais je n’aurais cru que mon ancienne ombre me reviendrait sous la forme d’un homme.
     — Dites ce que je dois, reprit l’Ombre, je n’aime pas les dettes.
     — De quelles dettes parles-tu ? tu me vois tout heureux de ta chance ; assieds-toi, vieil ami, et raconte-moi tout ce qui s’est passé. Que voyais-tu chez le voisin, dans les pays chauds ?
     — Je vous le raconterai, mais à une condition ; c’est de ne jamais dire à personne ici, dans la ville, que j’ai été votre ombre. J’ai l’intention de me marier ; mes moyens me permettent de nourrir une famille, et au delà.
     — Sois tranquille ! je ne dirai à personne qui tu es. Voici ma main, je te le promets. Un homme est un homme, et une parole....
     — Et une parole est une ombre.
À ces mots, l’Ombre s’assit, et, soit par orgueil, soit pour se l’attacher, elle posa ses pieds chaussés de bottines vernies sur le bras de la nouvelle ombre qui gisait aux pieds de son maître comme un caniche. Celle-ci se tint bien tranquille pour écouter, impatiente d’apprendre comment elle pourrait s’affranchir et devenir son propre maître.
« Devinez un peu qui demeurait dans la chambre du voisin ! commença  la première Ombre ; c’était une personne charmante, c’était la Poésie. J’y suis resté pendant trois semaines, et ce temps a valu pour moi trois mille ans. J’y ai lu tous les poèmes possibles, je les connais parfaitement. Par eux j’ai tout vu et je sais tout.
     — La Poésie ! s’écria le savant ; oui, c’est vrai, elle n’est souvent qu’un ermite au milieu des grandes villes. Je l’ai vue un instant, mais le sommeil pesait sur mes yeux. Elle brillait sur le balcon comme une aurore boréale. Voyons !  continue. Une fois entré par la porte entr’ouverte....
     — Je me trouvai dans l’antichambre ; il y faisait à peu près noir, mais j’aperçus devant moi une file immense de chambres dont les portes étaient ouvertes à deux battants. La lumière s’y faisait peu à peu, et, sans les précautions que je pris, j’aurais été foudroyé par les rayons avant d’arriver à la demoiselle.
     — Enfin que voyais-tu ? demanda le savant.
     — Je voyais tout, comme je vous le disais tout à l’heure. Certes, ce n’est pas par fierté ; mais comme homme libre, et avec mes connaissances, sans parler de ma position et de ma fortune, je désire que vous ne me tutoyiez pas.
[…]


jeudi 17 mai 2012

Carl Orff Carmina Burana Fortuna Imperatrix Mundi mit Erklärung / Geschi...



Carl Orff Carmina Burana Fortuna Imperatrix Mundi mit Erklärung / Geschichte


 Ô fortuna imperix mundi ....


Ô fortune !
Comme la Lune 
 changeante,
Toujours  tu  crois  
et  tu  décrois
La détestable  vie  
Tantôt  t'assombrit
Tantôt  éclaire
l'esprit,  par  jeu;
indigence
opulence,
elle  les  fond  comme  glace.
Sort  monstrueux  
et  vide,toi  roue  tournoyante,
perverse,
vain  est le  bonheur
toujours  dissoluble;
ombrée
et  voilée
tu  m'éclaires moi aussi;
maintenant  par  jeu 
j'apporte  mon  dos  nu
à ta  scélératesse.

Sort sain
et  fort
qui  m'est  aujourd'hui contraire,
il  est  fait  et  défait
toujours  dans l'esclavage
A cette  heure  sans  tarder
frappe  la  corde  vibrante ;
puisque le  sort  abat  le  fort,
pleurez tous  avec  moi !
Codex  Buranus



Dans la vie des hommes quand la roue tourne l'infortune cède la place au bonheur, mais la joie peut aussi préluder au deuil ou à la déchéance ..
Cette appréhension cyclique de la vie trouve son ancrage dans l'antiquité romaine où la déesse Fortuna fait tourner la roue de la vie. Assimilée à Tychè , divinité grecque de la Chance , Fortuna incarne avant tout la Providence.[....] Dans l'iconographie antique, la déesse est représentée avec une corne d'abondance .. ou nantie d'un gouvernail avec lequel elle pilote la vie des mortels.
Mais elle est surtout associée à la roue qui représente les fluctuations ineluctables de l'existence humaine .
Le thème en a été repris par l'iconographie chrétienne . Les représentations médiévales en accentuent son aspect tragique et la Roue de la Fortune devient le symbole de la destinée mortelle et du bonheur éphémère, affichant les dangers de l'orgueil et d la vanité..
Reprenant des chants médiévaux du XIIIème s, Carl Orff s'inspire des poèmes du Codex de Buranus (Codex de Buren ) où le premier est consacré à " Fortuna" .Sur la première page du manuscrit , on peut la voir , trônant au milieu d'une roue et quatre figures humaines s'accrochant aux points cardinaux : la première est celle d'un roi , le sceptre la main , la seconde un souverain renversé qui laisse échapper sa couronne, en bas c'est la figure d'un homme déchu écrasé par la roue , tandis qu'à l'est un personnage tente de gravir les échelons d'une échelle du pouvoir .
____
Pour les bouddhistes tibétains , La Roue est celle de la vie et du devenir :


.......La Roue de la Vie, ou Roue du Devenir, occupe une place importante dans l'art populaire tibétain, étant représenté de façon gigantesque sur les murs des temples, en général dans le vestibule, et de façon plus réduite sur des rouleaux peints. Elle est faite de quatre cercles concentriques. Dans le premier cercle, qui forme le moyeu de la Roue, sont dessinés un coq, un serpent et un cochon, chacun mordant la queue de celui qui le précède. Ces trois animaux représentent les trois « mauvaises racines » ou « poisons » de l'avidité, de l'aversion et de l'illusion qui sont bien entendu les trois ressorts principaux de l'esprit réactif, les deux premiers étant les deux principales émotions négatives et le troisième représentant les ténèbres du manque de conscience spirituelle, d'où sont issus les deux premiers. Le fait qu'ils se mordent la queue représente leur interdépendance, le fait que le cercle est un cercle vicieux.
......

http://www.centrebouddhisteparis.org/Bouddhisme/Esprit_reactif_et_creatif/la_roue_du_devenir.html

mardi 15 mai 2012

Oedipe sur la route d'Henry Bauchau

L'artiste  et   la matière  
L'épisode de  la  vague   m'avait beaucoup  frappée surtout   par  cette   idée  dépourvue d''intention  métaphorique   (à  mon  sens ) évoquant  la pré-existence  dans la  falaise , de  la  vague   que  sculpterait   Oedipe . Sa  communion  avec  la  roche , par  tous  les sens    à l'exception  de  la  vue  (autre  point  à  creuser  surement),son  dialogue   avec  la  matière que  pénètrent  les rêves ;-- les  rêves d'ailleurs  n'émanent-ils pas  de  la  roche   dont  ils  seraient l'âme  ?--sont   d'une  grande  puissance poétique  ...



[...]
Le  cap   forme  au  nord un  surplomb sous lequel  on  ne peut  parvenir  que par un  sentier étroit où s'abritent parfois  des chèvres à  demi  sauvages  .Sous  le  surplomb ,  il  y  a  une  grande paroi sombre  que les  vagues viennent  frapper pendant les  tempêtes et  qui plonge  , d'un  mouvement  abrupt  et menaçant, dans la mer . Oedipe a  rêvé qu'il  sculptait une  falaise. Il  vient  d'explorer  celle-ci  avec  Clios. Il  tâte   la pierre  des mains ,  il  se hisse  dangereusement  sur  la paroi . Il se  colle  aux  aspérités du  rocher,  il  l'ausculte,  l'étreint  avec   les mouvements lourds, ralentis  d'un  nageur   à demi  submergé. Clios  lui dit  : "  La roche   ressemble à  une  énorme  vague   qui  s'élève  et   va  tout  engloutir en  retombant."  Oedipe  approuve.  "Il  y a  la  vague,  il  faut  trouver  un  moyen   pour  qu'elle ne nous  emporte pas . Ce  n'est pas  un  homme  seul  qui  peut le  faire  , il faut une  barque  et  des  rameurs."

Oedipe   cherche  avec  son  corps,  dans la   confusion  native  de la  falaise, la forme  de la  barque qui  doit  y  être,  ainsi  que la place  des  rameurs. Soudain  il  trouve ,  il  est la   barque,  il  la  dessine  avec  son  corps dans la pierre . Il  veut la  sculpter. Clios  demande pourquoi .Oedipe  répond  que  c'est  à  cause  de son  rêve. A cause  d'eux  trois, emportés par la mer. Clios ne  croit pas  qu'on  puisse  échapper   à  cette  vague.  "Il faut  travailler  la  falaise, dit   Oedipe, pour  entendre  ce  qu'elle veut nous dire. - C'est un  travail immense ! - Il  faut  commencer  tout  de  suite. Procure-toi  des  outils. Antigone  nous  aidera, elle   sculpte  bien  les  corps  et  les  visages."
Clios  est  saisi par  ce  projet  et  part  au  village   pour  en parler  à  Antigone et  demander  des   outils aux pêcheurs. Oedipe,  resté  seul, parcourt  à  nouveau  le  rocher   pour  y  reconnaître  la  vague. Il  glisse parfois  et  se  déchire  les mains,  il  ne lui  déplait pas  de  marquer  de  son  sang la  falaise.  La  vague  est  là et  elle  est  en  lui . C'était  ainsi  lorsqu'il se  perdait  en  contemplant la mer,  mais la mer  ne résistait  pas. Il  était  heureux  en  face  d'elle, englouti  dans  son immensité  sans contours. Ici  tout  est  dur,  franc, chargé  d'aspérités comme  les pêcheurs  de   Corinthe qu'il  a  tant  aimés  autrefois.
[...]
La roche est  dure , mais  leurs  bras  et  leurs mains  s'endurcissent et  Oedipe  rappelle  qu'il  ne  faut pas  forcer  la  pierre. la  vague  est  là  , déjà  là .  Il  faut  seulement  l'aider  à  apparaître, Ils  sentent  sous leurs mains ,  sa présence alors  que  Antigone  et   Clios   ne  la  voient pas  encore  de leurs yeux. Lorsqu'ils ont  des  doutes, ses  deux  compagnons  appellent  Oedipe. Il  palpe  la pierre  de  ses mains,  il  l'écoute  ,  il  la  goutte  des  lèvres  et  de la langue  Il colle  son  corps contre  elle.  Les  deux autres  sentent  alors  que la  vague  existe. Elle  a  traversé   brutalement  leurs  vies, elle  les  a  submergées ,elle les  submergera peut  être  encore ,  celà  ne les empêche  pas  d'être  vivants......"

Le Destin d'Ulysse, Konstantin Batiouchkov,


Guillaume   Bodinier   :  Ulysse  dans l'ile  de  Calypso

Le  Destin  d'  Ulysse

L'homme  au  mille  douleurs, dans la crainte  des  dieux,
Par  l'horreur  des  flots  bleus et  l'horreur  des  rivages,
Recherchait  son  Ithaque  , errant  et miséreux;
Dans la nuit  de l' Hadès  il  garda  son courage;
Face  aux  cris  de   Charybde,  à  Scylla et  ses pleurs
Il  fut  toujours  imperturbable.
On  croyait  qu'il  brisait  le  sort  impitoyable
En  vidant  à  longs  traits  la coupe  du malheur;
On  croyait  que les  dieux  étaient  las de leur haine :
Il fut porté  dormant  par  les bons Phéaciens
Aux  bords  tant  désirés de  sa  patrie  lointaine...
Il s'éveilla .  Mais  quoi ? -  Il ne reconnut  rien .
(1814)


Anthologie  de  la poésie  russe du XVIII au XXème  s
Sentimentalisme  et   préromantisme
Konstantin  Batiouchkov (1787-1855)

mercredi 9 mai 2012

Vladimir Maïakovski - La Flûte Des Vertèbres (réponse à Marie)

Don Giovanni ,Thomas Hampson , Mozart / Kierkegaard

Don  Giovanni 


Avec  des  extraits  de  ma version  CD  préférée  et  la référence  à  celui qui  a  reconnu   dans le  couple   spirituel Mozart  et   Don Juan,  les  effets  de  l'Heureuse  Rencontre  à l'origine  des  oeuvres    uniques impérissables et  majeures   ,telles que  l' Iliade   d'Homère  ou  les   Madones  de  Raphaël.




Royal Concertgebouw Orchestra  Amsterdam
Dir Nicolas  Harnoncourt
Dpn Diovanni :  Thomas  Hampson
Il Comendatore :Robert holl
Dpnna Anna Edita  Gruberova
Don Ottavio :  Hans  Peter  Blochwitz
Donna  Elvira  : Roberta  Alexander
Leporello :Laszlo  Polgar
Mazetto : Anton  Sharinger
Zerlina Barbara   Bonney
(1988)

Les étapes  érotiques  spontanées

Ou  l’érotisme  musical


Avant propos futile.


Mon  âme  saisie  par  la  musique  de  Mozart s’est inclinée devant  elle, avec  admiration et  humilité,  et  depuis  cet instant je me  suis plu, souvent, à  observer que l’heureuse conception qui  appelle  le monde  Kosmos   parce  qu’il  apparait  comme un ensemble  bien  réglé- comme une  transparente , une harmonieuse enveloppe  de  cet  Esprit  Créateur  qui  la  pénètre)- que  cette  heureuse conception  dis-je , se  retrouve  dans un  ordre  supérieur  des choses :  celui des  idéals.  Là  encore, en  effet   on  rencontre une providence, admirable  surtout  parce qu’elle  réunit  tout   ce  qui  s’appartient : « Axel  et   Valborg », « Homère et  la  Guerre  de  Troie », « Raphaël  et  le  catholicisme,  «  Mozart  et  Don  Juan ». Une  misérable  incrédulité,  qui  parait posséder  beaucoup  de   vertus  curatives , assure  que  de  telles unions  sont  fortuites ; Elle  n’y  voit  qu’une rencontre  plutôt  chanceuse  des  différents  éléments  de la  vie  et  pense  que  c’est  par  hasard  que  les  amoureux  se  trouvent,  par  hasard  qu’ils  s’aiment ; -qu’il  est  des  centaine  d’autres jeunes  filles avec  lesquelles  il  aurait  pu  être  aussi  heureux  ou des centaines  qu’il  aurait  pu  aimer  tout  autant .Cette  incrédulité  admet  encore  que   beaucoup  de  poètes  vécurent qui  auraient  été  aussi  immortels  qu’Homère si  celui-ci  n’avait  accaparé ce magnifique  sujet  de l’  Iliade et  beaucoup  de  compositeurs,  immortels  autant  que  Mozart, si  l’occasion  s’était  offerte à  eux. Cette  sagesse, assurément, contient  grande  consolation  et  réconfort  pour  tous les médiocres qui s’en  saisissent  et  se  prouvent  ainsi  à  eux-mêmes, comme  à  ceux  qu’elle  anime  par  ailleurs, que  seule une  méprise  du  destin, ou  une  erreur  du  monde, les prive d’être   illustres autant que les plus illistres. Voilà  un  optimisme   très  commode,  mais  qui  n’est  bien  entendu  qu’une  abomination pour  les esprits  généreux  et les optimates. Ceux(là ne tiennent pas  à  se  sauver eux-mêmes  par  des moyens  aussi  méprisables, et  préfèrent  s’anéantir  devant la  grandeur, tandis que leur  âme  se  réjouit d’une joie  sacrée en  voyant  réuni ce  qui  s’appartient. L’heureuse chance n’est pas  dans ce  qui  est  fortuit, elle  implique  deux  facteurs , tandis que le  fortuit naît  des  interjections inarticulées du  sort.  Dans l’histoire  de  ce  qui  constitue   l’heureuse  chance, c’est le  divin  jeu  d’ensemble  des forces historiques, la  solennité  dans l’époque historique. Ce  qui  est  fortuit  n’a qu’un seul  facteur : C’est fortuitement  qu’Homère  obtint  avec  la Guerre  de Troie ,  la matière  épique  la plus remarquable  qui  se  puisse imaginer.  L’heureuse  chance  a  deux  facteuts :  c’est  une  chance que la matière  épique  la plus  remarquable soit  échue  à   Homère,  car  ici  l’intérêt  porte sur  le  poète  autant  que  sur la matière.  C’est  là   que  se  trouve  la  profonde  harmonie qui  vibre  dans  toute  création  dite classique. Et  tel  est  également le  cas  de Mozart :  c’est  une heureuse  chance qu’ait  été  donné à  Mozart le  sujet qui  est  peut être, au sens  le plus profond  du  mot,  le  seul  musical .
[…]

Epilogue  futile

A  présent,  si   l’exposé  que  voilà  est  juste, je  reviendrai  une  fois encore  à  mon thème  favori,  qui  est  que parmi  toutes les  œuvres  classiques,  le   Don Juan  de  Mozart  doit  être  placé  au  plus  haut point. Et  je me  réjouirai, encore  une  fois, du  bonheur  de  Mozart ,  bonheur  enviable en  vérité aussi  bien  en  soi que parce  qu’il  rend  heureux  tous  ceux qui  le  comprennent,  même  si  ce n’est  qu’à demi.  Moi,  du  moins,  je me  sens  indescriptiblement  heureux d’avoir  compris Mozart, bien  que  ce ne  soit  que  de loin,  et  d’avoir  deviné  son   bonheur. Ceux  qui  l’ont  compris  profondément, combien  davantage ne doivent-ils pas être  heureux  avec l’Heureux !

(S. Kierkegaard)

Il  catalogo .. Mille e tre  (Leporello)
"la ci darem la mano..."

dimanche 6 mai 2012

Gaston Bachelard : LE FEU


Le   Feu

Gaston   Bachelard  
"La  poésie  et   les  éléments " 
3ème  causerie 

Prométhée, Empédocle  , le  Phoenix
(Balzac,  George  Sand   , Novalis  

"Le  feu   est  une  figure  du   Destin:  il  nait,  il  meurt , il  est  un  drame"
"Comme  l'eau  des profondeurs  le  feu  appelle  au  vertige  de  la  mort."

"Le  feu   est  l'image   la  plus   complète  de  l'anéantissement  total. "

Dedans , dehors



J'ai  pris l'allée de  pierres  qui  nous mène  à la source
L'air  était  saturé  de  l'humidité douce
  de  ce  doux  soir  de  mai...
Au creux   du  feuillage  entremêlé des  branches
Me  suis   assise  sur  la  mousse
Ma main  caressant  les pierres
 Pierres  grises  et  blanches  de  l'eau  sauvage
 Aux reflets de  myosotis  ...

vendredi 4 mai 2012

Ernest Bloch - Violin Concerto, III

Ernest Bloch Violin Concerto 2nd mvt

Médée D'Euripide


Une  des  tragédies  les  plus  violentes  ,  il  me  semble  !

J'ai  apprécié  cette  adaptation  :   Isabelle   Huppert  d'une  beauté   terrifiante   ,  possédée  par  cette  folie  meurtrière  inspirée  par  la  jalousie  et la  vengeance   , un  Créon  crédible  ,  une  nourrice   aussi  parfaite  qu'Emmanuelle  Riva  qui  tient  seule  le   rôle du   Choeur  ,  des  décors  s'une  rare  beauté ...
Mais  une   fausse  note  pour   moi   :  pourquoi   ce   jeu  privilégié pour  Jason  qui   en  fait  un  homme stupide et  si  antipathique   !!!  (parti-pris  féministe  superflu  ?  ) quel  dommage  !  Une  expression  si  imparfaite ,  si   "décalée "...  . je  pense  que  c'est  bien  trahir  Euripide  qui  dans  cette  sagesse  antique et une dialectique   subtile  ,  sait  suffisamment    mettre  en  évidence  la  responsabilité  de  Jason  sans  toutefois  édulcorer   la   cruauté  de  Médée,douloureusement   indefendable   si  ce  n'est   par  l'injustice  des  dieux et  la  faiblesse  des  hommes .

Miracle  que de  telles   oeuvres  nous  soient  parvenues   !













Médée   d’Euripide
431 av J.C.)
(Mes  extraits  préférés  sur   Wikisource)


LA NOURRICE
Plût aux dieux que le navire Argo n’eût pas volé par-delà les Symplégades bleu sombre vers la terre de Colchide, que dans les vallons du Pélion le pin ne fût jamais tombé sous la hache et n’eût armé de rames les mains des héros valeureux qui allèrent chercher pour Pélias la Toison toute d’or ! Ma maîtresse Médée n’eût pas fait voile vers les tours du pays d’Iôlcos, le cœur blessé d’amour pour Jason. Elle n’eût pas persuadé aux filles de Pélias d’assassiner leur père et n’habiterait pas ici en cette terre de Corinthe avec son mari et ses enfants. Elle plaisait d’abord aux citoyens du pays où elle s’était réfugiée et elle vivait dans une entente parfaite avec Jason ; or c’est bien là que se trouve la meilleure des sauvegardes, quand la femme n’est jamais en désaccord avec son mari. Maintenant tout lui est hostile ; elle est atteinte dans ses affections les plus chères : Jason trahit ses enfants et ma maîtresse et entre dans une couche royale ; il épouse la fille de Créon, qui règne sur le pays. Médée, l’infortunée ! outragée, à grands cris atteste les serments, en appelle à l’union des mains, le plus fort des gages ; elle prend les dieux à témoin de la reconnaissance qu’elle reçoit de Jason. Affaissée, sans nourriture, elle abandonne son corps à ses douleurs ; elle consume ses jours entiers dans les larmes depuis qu’elle connaît la perfidie de son mari ; elle ne lève plus les yeux ni ne détache du sol son regard ; elle semble un roc ou le flot de la mer quand elle écoute les consolations de ses amis. Parfois cependant elle détourne son cou éclatant de blancheur, et, en elle-même, elle pleure son père aimé, sa patrie, son palais, qu’elle a trahis et quittés pour suivre l’homme qui la tient aujourd’hui en mépris. Elle sait, la malheureuse, par son propre malheur, ce qu’on gagne à ne pas quitter le sol natal. Elle abhorre ses fils ; leur vue ne la réjouit plus. Je crains qu’elle ne médite quelque coup inattendu : c’est une âme violente ; elle ne supportera pas l’outrage ; je la connais et j’ai peur qu’elle n’entre sans rien dire dans l’appartement où est dressé son lit et ne se plonge un poignard aiguisé à travers le foie, ou encore qu’elle ne tue la princesse et son mari et qu’ensuite elle ne s’attire ainsi une plus grande infortune. Elle est terrible ! Non certes, il ne sera pas facile, à qui aura encouru sa haine, de remporter la couronne de victoire. — Mais voici les enfants qui reviennent de s’exercer à la course ; ils ne pensent pas aux malheurs de leur mère : une âme jeune n’a point coutume de souffrir
[ ......]

LA NOURRICE
Ah ! malheur, malheur à moi ! Infortunée que je suis ! Quelle part ont donc tes fils à la faute de leur père ? Pourquoi les hais-tu, eux ? Hélas ! mes enfants, qu’allez-vous souffrir ! Quelle angoisse est la mienne ! Terribles sont les passions des rois ; obéissant peu, commandant toujours, il leur est difficile de déposer leurs colères. Être habitué à vivre dans l’égalité vaut mieux. Moi, du moins, puissé-je vieillir dans la sécurité, loin des grandeurs ! La médiocrité ! c’est le mot le plus beau à prononcer, sans conteste ; c’est aussi le bien de beaucoup le plus précieux pour les hommes. L’excès de biens ne vaut jamais rien de profitable aux mortels : de plus grandes calamités, quand le Destin s’irrite contre une maison, voilà ce qu’il lui attire.
 [....]
LA NOURRICE
Je le ferai. Mais j’ai peur de ne pas convaincre ma maîtresse. Je me donnerai cependant cette peine, pour te plaire. Pourtant elle a le regard d’une lionne qui vient de mettre bas et, comme un taureau elle le lance sur ses servantes quand l’une d’elles s’approche pour lui adresser la parole. En disant sots et dépourvus complètement de sagesse les hommes qui nous ont précédés, on ne se tromperait pas : des hymnes pour les fêtes, pour les festins bruyants et dans les banquets, voilà ce qu’ils ont inventé : des accents pour charmer la vie. Mais les chagrins odieux des mortels, personne n’a inventé l’art de les dissiper par la musique et les mille voix du chant, et pourtant c’est eux qui causent les morts et les terribles infortunes qui renversent les maisons. Et cependant voilà ce que les mortels auraient profit à guérir par des chants. Dans les festins plantureux à quoi bon enfler la voix inutilement ? N’y a-t-il pas alors la satiété du festin, et ne suffit-elle pas pour charmer les mortels ?

LE CHŒUR
Epode. — j’ai ouï la longue clameur plaintive de ses sanglots ; elle pousse des cris perçants, lamentables, contre le traître au lit conjugal, le mauvais époux ; elle invoque, à cause de l’injure reçue, la déesse, la fille de Zeus, la gardienne des Serments, Thémis, qui l’a conduite en Grèce de l’autre côté du détroit, à travers les flots nocturnes jusqu’à la passe amère, clef qui ouvre la pleine mer infranchissable.

MÉDÉE
[…]De tout ce qui a la vie et la pensée, nous sommes, nous autres femmes, la créature la plus misérable. D’abord il nous faut, en jetant plus d’argent qu’il n’en mérite, ache-ter un mari et donner un maître à notre corps, ce dernier mal pire encore que l’autre. Puis se pose la grande question : le choix a-t-il été bon ou mauvais ? Car il y a toujours scandale à divorcer, pour les femmes, et elles ne peuvent répudier un mari. Quand on entre dans des habitudes et des lois nouvelles, il faut être un devin pour tirer, sans l’avoir appris dans sa famille, le meilleur parti possible de l’homme dont on partagera le lit. Si après de longues épreuves nous y arrivons et qu’un mari vive avec nous sans porter le joug à contrecœur, notre sort est digne d’envie. Sinon, il faut mourir. Quand la vie domestique pèse à un mari, il va au-dehors guérir son cœur de son dégoût et se tourne vers un ami ou un camarade de son âge. Mais nous, il faut que nous n’ayons d’yeux que pour un seul être. Ils disent de nous que nous vivons une vie sans danger à la maison tandis qu’ils combattent avec la lance. Piètre raisonnement ! Je préférerais lutter trois fois sous un bouclier que d’accoucher une seule. Mais je me tais, car le même langage ne vaut pas pour toi et pour moi : toi, tu as ici une patrie, une demeure paternelle, les jouissances de la vie et la société d’amis. Moi, je suis seule, sans patrie, outragée par un homme qui m’a, comme un butin, arrachée à une terre barbare, sans mère, sans frère, sans parent près de qui trouver un mouillage à l’abri de l’infortune. Voici tout ce que je te demande : si je trouve un moyen, une ruse pour faire payer la rançon de mes maux à mon mari, < à l’homme qui lui a donné sa fille et à celle qu’il a épousée >, tais-toi. Une femme d’ordinaire est pleine de crainte, lâche au combat et à la vue du fer ; mais quand on attente aux droits de sa couche, il n’y a pas d’âme plus altérée de sang.
[...] 

CRÉON
J’ai peur de toi, — à quoi bon m’en cacher ? — j’ai peur que tu ne fasses à ma fille quelque mal sans remède. Beaucoup de raisons à la fois contribuent à ma crainte : tu es habile, savante en maints maléfices, et tu souffres d’avoir perdu le lit conjugal. J’entends dire — on me le rapporte — que tu menaces de te venger sur son beau-père, sur l’époux et sur l’épousée. Aussi, avant d’avoir eu à souffrir, je prendrai mes précautions. Mieux vaut pour moi aujourd’hui ta haine, femme, que la faiblesse à ton égard, et, plus tard, les longs gémissements.
MÉDÉE
Hélas ! hélas ! ce n’est pas la première fois aujourd’hui, mais bien souvent, Créon, que ma réputation m’a nui et m’a causé de grands malheurs. On ne doit jamais, quand on est sensé naturellement, donner à ses enfants une instruction trop développée ; car outre le reproche d’oisiveté qu’on leur fait, ils s’attirent encore l’envie et la malveillance de leurs concitoyens. Apportez aux ignorants d’ingénieuses nouveautés, vous passerez pour un inutile et non pour un savant. Des hommes passent pour avoir des connaissances variées : qu’on vous juge supérieur à eux, et vous paraîtrez dangereux à la ville. Moi aussi, je partage ce sort : ma science me rend odieuse aux uns ; d’autres me trouvent indolente ; d’autres le contraire ; pour d’autres je suis un scandale. Je ne suis pourtant pas si savante. 

LE CHŒUR
Strophe I. — Les fleuves sacrés remontent à leur source ; la justice, tout est renversé. Aux hommes maintenant les perfides desseins ; la foi jurée aux dieux n’est plus stable. Notre conduite aura bon renom par un retour de l’opinion ; le jour vient où le sexe féminin sera honoré ; une renommée injurieuse ne pèsera plus sur les femmes.
Antistrophe I. — Et les Muses abandonnant leurs vieux thèmes cesseront de chanter notre manque de foi. Car ce n’est pas notre esprit qu’il a doté du chant inspiré de la lyre, Phoibos, le roi de la poésie. Sinon, en réponse, j’aurais crié un hymne de revanche contre la race des mâles. Or la longue suite des temps a beaucoup à dire, sinon sur notre compte, du moins sur celui des hommes.
Strophe II. — Pour toi, loin des demeures paternelles tu as vogué, le cœur en délire, et franchi les rochers jumeaux qui bornent le Pont-Euxin. Tu habites une terre étrangère, sans époux, frustrée de ta couche, malheureuse ! bannie, chassée honteusement du pays.
Antistrophe II. — C’en est fait de la sainteté des serments ; la Pudeur n’a plus de demeure dans la grande Hellade : elle s’est envolée au ciel. Et toi, tu n’as plus de maison paternelle, infortunée ! où trouver un mouillage en cette tempête de malheurs. Plus puissante que ta couche, une autre reine domine dans ta maison

 [...]
JASON
Ce n’est pas la première fois aujourd’hui, mais bien souvent que j’ai constaté quel mal sans remède est une âpre colère. Tu pouvais habiter ce pays et cette demeure en supportant avec patience les volontés de plus puissants, et pour de vaines paroles tu te fais chasser de ce pays. A moi, peu m’importe : répète sans te lasser que Jason est le pire des hommes ; mais après ce que tu as dit contre les princes, c’est tout bénéfice pour toi, crois-moi, de n’être punie que de l’exil. Pour ma part, j’ai toujours essayé de détourner le courroux du roi irrité. Je voulais te faire rester. Mais toi tu ne mets pas de frein à ta folie, tu ne cesses pas d’insulter les princes : aussi tu seras chassée du pays. Pourtant, malgré tes outrages, je n’ai pas renié des êtres chers, et si je suis venu, femme, c’est que je me préoccupe de tes intérêts, que je ne veux pas que tu sois chassée sans ressources avec les enfants, ni que tu manques de rien : l’exil entraîne tant de maux avec lui ! Bien que tu me haïsses, je ne saurais jamais te vouloir du mal.
MÉDÉE
Monstre de scélératesse ! — car je ne trouve pas sur ma langue injure plus forte pour flétrir ta lâcheté, — tu es venu devant nous, tu es donc venu, le pire ennemi des dieux, de moi-même, de toute la race des hommes ? Ah non ! ce n’est pas là du courage, ni de la hardiesse, quand on a mal agi envers des êtres chers, que de les regarder en face, mais c’est le plus grand des vices qui soient au monde, de l’impudence. Au reste tu as bien fait de venir : à te dire des injures je soulagerai mon cœur, et, toi, tu souffriras à m’écouter. Mais c’est par le commencement que je commencerai. Je t’ai sauvé, comme le savent tous ceux des Grecs qui se sont embarqués avec toi sur le navire Argo. On t’avait envoyé pour soumettre au joug les taureaux au souffle de feu et ensemencer les sillons de la mort. Or le dragon qui enveloppait la Toison d’or de ses mille replis tortueux et la gardait sans jamais dormir, je l’ai tué et j’ai levé pour toi le flambeau du salut. Moi-même j’ai trahi mon père et ma maison et je suis venue à la ville du Pélion, à Iôlcos, avec toi, plus empressée que sage. J’ai fait périr Pélias de la mort la plus cruelle, de la main de ses propres filles, et t’ai enlevé toute crainte. Voilà les services que je t’ai rendus, ô le plus scélérat des hommes. Et tu m’as trahie, tu as pris possession d’un nouveau lit, toi qui avais des fils ! Si encore tu n’avais pas d’enfants, tu serais pardonnable de t’enamourer de cette couche. Mais où est-elle la foi de tes serments ? Saurai-je jamais ta pensée ? Crois-tu que les dieux d’alors ne règnent plus, ou qu’ils ont établi maintenant de nouvelles lois pour les hommes, puisque tu as conscience de ton parjure envers moi ? (Amère.) Ah ! main droite que tu prenais si souvent ! Ah ! mes genoux ! N’est-ce pas en vain que vous avez été embrassés par ce perfide ? Que d’espérances trompées ! Allons ! comme un ami je vais te consulter. — Quel service, d’ailleurs, attendre de toi ? N’importe : mes questions feront mieux paraître ton infamie. — Où main-tenant me tourner ? Vers le palais de mon père, que j’ai trahi, ainsi que ma patrie, pour te suivre ? Vers les malheureuses filles de Pélias ? Oui, elles me feraient un bel accueil, elles dont j’ai tué le père ! Car il en est ainsi : de ceux des miens qui me chérissaient je suis devenue l’ennemie, et ceux que je ne devais pas outrager, pour te plaire, je m’en suis fait des adversaires acharnés. (Sarcastique.) Aussi, en récompense, que de femmes en Grèce envient mon bonheur ! Ah ! oui, j’ai en toi un époux admirable, et fidèle, malheureuse que je suis si je fuis cette terre, proscrite, privée d’amis, seule avec mes enfants abandonnés ! Beau sujet de gloire, certes, pour le nouvel époux que de voir ses enfants errer en mendiants avec moi qui t’ai sauvé ! O Zeus, pourquoi donc as-tu doté les hommes de moyens sûrs pour reconnaître l’or de mauvais aloi et pourquoi n’y a-t-il pas sur le corps humain de marque naturelle qui distingue le méchant ?
LA CORYPHÉE
Terrible et difficile à guérir est généralement la colère quand ce sont des êtres chers que met aux prises la discorde.
[...]
JASON
J’ai besoin, je crois, de n’être pas naturellement inhabile à parler et, tel le prudent pilote d’une nef, de prendre des ris pour fuir sous le vent ta loquacité, femme, et ta démangeaison de parler. Pour moi, puisque aussi bien tu exaltes outre mesure tes services, c’est Cypris, à mon avis, qui dans mon expédition m’a sauvé, seule entre les dieux et les hommes. Tu as l’esprit subtil, mais il t’est odieux de raconter tout au long comment Eros t’a obligée, par ses traits inévitables, à sauver ma personne. Mais je n’insisterai pas trop sur ce point : quelle que soit la façon dont tu m’aies aidé, c’est bien, je ne me plains pas. Cependant pour m’avoir sauvé tu as reçu plus que tu ne m’as donné. Je vais le prouver. D’abord c’est la terre grecque, au lieu d’un pays barbare, que tu habites ; tu connais la justice, l’usage des lois, non les caprices de la force. Tous les Grecs se sont rendu compte que tu es savante ; tu as acquis la gloire. Si tu vivais aux extrêmes limites de la terre, on ne parlerait pas de toi. Peu m’importerait, à moi, d’avoir de l’or dans un palais ou de chanter plus harmonieusement qu’Orphée si mon sort devait passer inaperçu. — Je t’en ai assez dit sur mes travaux : aussi bien c’est toi qui as engagé ce duel de paroles. Quant au mariage royal que tu me reproches, je te prouverai qu’en cela je me suis montré habile d’abord, puis chaste, enfin un ami dévoué à toi et à mes enfants. (Geste de Médée.) Allons, sois calme. — Venu ici de la terre d’Iôlcos, traînant après moi tant de malheurs inextricables, quelle aubaine plus heureuse aurais-je trouvée que d’épouser la fille d’un roi, moi, un exilé ? Non pas — ce qui te pique — que je haïsse ta couche, ni qu’une nouvelle épousée excite mon désir, ou que j’aie cure de rivaliser avec d’autres pour une nombreuse postérité : il me suffit des enfants que j’ai et je ne te fais pas de reproches. Mais je voulais — et c’est l’essentiel — que nous vivions dans l’aisance et non dans le besoin, sachant que le pauvre voit fuir et s’éclipser tous les amis ; je voulais élever les enfants d’une manière digne de ma maison, donner des frères aux fils nés de toi, les mettre tous au même rang, n’en faire qu’une seule famille et assurer mon bonheur. Qu’as-tu besoin d’autres fils, toi ? Mais moi, j’ai intérêt à ce que mes enfants à venir soient utiles à ceux qui vivent. Est-ce un mauvais calcul ? Toi-même tu n’oserais le dire si une rivale ne piquait ta jalousie. Mais vous en venez à croire, vous autres femmes, que, vos amours prospérant, vous avez tout ; au contraire une atteinte est-elle portée à votre lit, ce qu’il y a de plus avantageux et de plus beau, vous le déclarez odieux. Ah ! il faudrait que les mortels pussent avoir des enfants par quelque autre moyen, sans qu’existât la gent féminine ; alors il n’y aurait plus de maux chez les hommes.
LA CORYPHÉE
Jason, tu as fort bien arrangé ton discours. Pourtant, dussé-je parler contre ton attente, à mon avis, en trahissant ton épouse tu n’as pas agi selon la justice.

LE CHŒUR
Strophe I. — Les amours quand ils fondent sur eux avec trop de violence n’apportent ni bon renom ni vertu aux hommes. Mais que Cypris vienne avec mesure, nulle autre déesse n’a autant de charme. Que jamais, ô souveraine, contre moi ton arc d’or ne lance un trait inévitable trempé dans le poison du désir !
Antistrophe I. — Que me chérisse la chasteté, le plus beau présent des dieux ! Que jamais la redoutable Cypris ne suscite en moi disputes passionnées et querelles insatiables en frappant mon cœur d’amour pour un lit étranger ! Qu’elle respecte les ménages et les pacifie en réglant d’un esprit pénétrant les différends entre époux !
Strophe II. — O patrie, ô demeure, puissé-je ne pas être sans cité et traîner une pénible existence dans la détresse et les plus lamentables des souffrances ! Que la mort, oui la mort, me dompte avant que j’atteigne ce jour ! Entre les peines, il n’en est point de pire que d’être privé de la patrie.
Antistrophe II. — Nous l’avons vu et ce n’est pas sur les récits d’autrui que nous pouvons en parler : ni cité ni aucun ami n’a eu pitié du sort affreux qui t’accable. Périsse l’ingrat qui ne sait pas honorer des amis en leur ouvrant la clef d’un cœur pur ! jamais il ne sera mon ami.

LE CHOEUR
Strophe I. — Les Erechthéides, de toute antiquité, sont fortunés. Fils des dieux bienheureux, issus d’une terre sacrée et jamais conquise, ils se nourrissent de la plus illustre sagesse et toujours dans l’air le plus resplendissant ils marchent avec grâce. C’est là que jadis les saintes Piérides, les neuf Muses, ont été mises au monde, dit-on, par la blonde Harmonie…
Antistrophe I :…là qu’aux belles ondes du Céphise, comme on le conte, Cypris vient puiser, pour les verser sur le pays, les brises tempérées au soude de miel ; là que, toujours, ceignant ses cheveux flottants d’une couronne parfumée de fleurs de roses, elle envoie siéger auprès de la Sagesse les Amours, auxiliaires de toute vertu.
Strophe II. — Comment donc la ville des fleuves sacrés, la contrée qui fait cortège à ses amis, te gardera-t-elle, toi, la meurtrière de tes fils, toi qui es impure même chez les autres hommes ? Songe au coup dont tu vas frapper tes enfants. Songe au meurtre dont tu te charges. Ah ! par tes genoux, de toute notre force, nous t’en supplions, n’assassine pas tes enfants !
Antistrophe II. — Où donc ton âme, où donc ton bras trouveront-ils le courage de porter au cœur de tes enfants les coups d’une horrible audace ? Comment, jetant les yeux sur tes fils, commettras-tu le meurtre sans verser de larmes ? Tu ne pourras pas, tes fils tombant suppliants à tes pieds, tacher de sang ta main, avec un cœur intrépide.


LE CHŒUR
Strophe I. — Maintenant je n’ai plus d’espoir que les enfants vivent. Non. Car ils marchent à la mort, déjà. Elle recevra, l’épousée, elle recevra, l’infortunée, le diadème d’or fatal ; autour de sa blonde chevelure elle posera la parure d’Hadès, de ses propres mains.
Antistrophe I. — Elle se laissera persuader par leur charme et par leur immortel éclat de revêtir le voile et le diadème d’or ciselé ; c’est aux enfers qu’elle portera sa parure d’épousée. Voici le filet où elle tombera, et son lot fatal : la mort. L’infortunée ! A la fatalité elle n’échappera pas.
Strophe II. — Et toi, ô malheureux, perfide époux, gendre d’un roi, sans le savoir sur tes enfants c’est la ruine que tu attires, et sur ton épouse une affreuse mort. Infortuné ! sur ton sort combien tu te méprends !
Antistrophe II. — je pleure aussi ta douleur, ô mère mal-heureuse dans tes fils, toi qui verseras le sang de tes enfants à cause du lit nuptial qu’un époux, en dépit de toute loi, a quitté pour partager la vie et la couche d’une autre.

LE CHŒUR
Strophe I. — Ah ! Terre ! Rayon éclatant du Soleil ! Regardez, voyez cette femme funeste avant qu’elle n’ait porté une main meurtrière sur ses enfants et immolé son propre sang. De la race d’or ils sont la descendance ; que le sang d’un dieu tombe sous les coups des hommes, c’est chose terrible ! Ah ! Lumière née de Zeus, retiens-la, arrête-la, chasse de la maison une malheureuse et meurtrière Erinys envoyée par des dieux vengeurs.
Antistrophe II. — Vaines se sont perdues les peines de ton enfantement ; en vain tu as donc mis au monde une postérité chérie, ô toi qui as quitté des Symplégades les roches azurées, la passe inhospitalière ! Malheureuse ! Pour-quoi une lourde colère s’abat-elle sur ton âme ? Pourquoi à ta tendresse fait place une haine meurtrière ? Funeste est pour les mortels la souillure d’un meurtre domestique. Elle éveille contre les meurtriers de leur famille, par la volonté des dieux, des douleurs proportionnées au crime qui s’abattent sur leurs maisons.
LE CHOEUR
Malheureuse ! Tu avais donc un cœur de roc ou de fer, pour tuer de ta fatale main tes enfants, le fruit de tes entrailles !
Antistrophe II. — Une seule femme, m’a-t-on dit, une seule, avant toi a porté la main sur ses enfants chéris…… Inô, frappée de démence par les dieux, lorsque l’épouse de Zeus l’eut chassée de sa demeure, errante.- Elle se lança, la malheureuse ! dans la mer, pour tuer ses enfants, meurtre impie…— … ayant bondi du haut du promontoire marin, elle partagea la mort avec ses deux fils.
— Que pourrait-il arriver encore d’horrible ? O union conjugale, si féconde en épreuves, que de maux déjà tu as causés aux humains !

JASON
O monstre ! ô femme odieuse entre toutes aux dieux, à moi, et à la race entière des hommes ! Quoi ! sur tes enfants tu as osé porter le glaive, après les avoir mis au monde, pour me faire périr en m’enlevant mes fils ! Et après ce forfait tu regardes le Soleil et la Terre, quand tu as osé le crime le plus impie ! Puisses-tu périr ! Pour moi, aujourd’hui je suis sensé, mais j’étais insensé quand de ta demeure et d’un pays barbare je t’ai emmenée en Grèce à mon foyer, horrible fléau, traîtresse à ton père et à la terre qui t’avait nourrie. Ton génie vengeur, c’est contre moi que l’ont lancé les dieux, car tu avais tué ton frère à ton foyer quand tu montas sur le navire Argo à la belle proue. C’est par là que tu as commencé. Devenue ma femme et après m’avoir donné des enfants, par jalousie tu les as fait périr. Il n’est pas de femme grecque qui eût jamais osé un tel crime et pourtant avant elles je t’ai choisie pour épouse, — alliance odieuse et funeste pour moi ! — toi, une lionne, non une femme, nature plus sauvage que la Tyrrhénienne Scylla. Mais assez, car toi mille outrages ne pourraient te mordre, telle est l’impudence de ta nature. Va-t’en, ouvrière de hontes, souillée du sang de tes enfants ! Pour moi, il ne me reste qu’à pleurer mon sort : de mon nouvel hymen je ne jouirai pas et mes fils que j’avais engendrés et élevés je ne pourrai plus leur adresser la parole vivants : je les ai perdus.


LA CORYPHÉE
De maints événements Zeus est le dispensateur dans l’Olympe. Maintes choses contre notre espérance sont accomplies par les dieux. Celles que nous attendions ne se réalisent pas ; celles que nous n’attendions pas, un dieu leur fraye la voie. Tel a été le dénouement de ce drame.

(http://fr.wikisource.org/wiki/M%C3%A9d%C3%A9e_(Euripide) (français  /Grec)