mercredi 18 mai 2011

Fernando Pessoa : La couleur verte

De ses  nombreux   hétéronymes  Alvaro de  Campos  est  le plus  turbulent  ,  le  plus anti-conformiste  Il  se  dit  sensationniste :"Tout  art   est  la conversion  d'une  sensation ou  une  autre  sensation" .

Dans   sa  note  sur   les  Hétéronymies Patrick  Quiller (1) cite   ces  exemples  indiqués  par le  poète à propos  des   sensations  qui  lui sont suggérées  par  la couleur  verte  :

 
" Il  est  une  couleur  qui  me  poursuit  et  que je  hais,
Il est une  couleur  qui  s'insinue loin dans ma peur.
Pourquoi donc les  couleurs ont-elles  le pouvoir
De  persister  dans notre  âme,
Telles  des  fantômes ?
 Il  est une  couleur qui me  poursuit  et  d'heure en heure
Sa couleur  change  en  la couleur  de mon  âme.
..............................................................
Ô  vert !  Ô horreur  du  vert !
 L'oppression angoisseuse  jusqu'à l'estomac,
La nausée  de  tout l'univers  dans la  gorge
Seulement  à  cause  du vert,
Seulement  parce  que le  vert  me  brouille  la vue,
Et  que la  lumière elle-même  est  verte, un éclair  arrêté  dans le  vert...
.................................................................
Je hais le  vert.
Le  vert  est la couleur  des  choses  jeunes
--Prairies,  espoirs, --
Le  vert  est le préavis  de la vieillesse,
Parce  que  toute  la jeunessse  est  le   préavis  de la vieillesse.
.........................................................................
Une  couleur  me  poursuit du  fond de ma mémoire,
Et  comme  si elle  était  une essence, me  soumet
A sa permanence.
Combien  un simple  rien  surajouté par la lumière
A la matière obscure  peut-il  me  remplir
De  dégoût pour le  vaste  monde.. ""
 
(1) Fernando  Pessoa ,  Oeuvres  poétiques,  nrf  Gallimard.

Combien  il  semble  difficile de partager  une  sensation   , de  communiquer  son  ressenti   et quand le point  d'entrée  est le nom  attribué  par  une  langue à  une  "couleur"   la prudence  semble  s'imposer  ! 
On a cru longtemps   pouvoir  trouver un consensus   sur les  couleurs  primaires  ;  le   jaune le bleu  et  le  rouge  , mais à l'heure  du   numérique  m^me   ce  trio  de  base  est   instable  , le  bleu  est  devenu  cyan  et  le  rouge    magenta   . 
Certaines  couleurs   telles le  bleu  n'ont pas   de  nom  dans  certaines   langues   Le  rouge   en  Asie  est   riche et bourgeois, le  bleu  n'a pas  bonne  réputation  ,  la mort  est blanche   tandis que le noir  ... etc .. 
Ces  couleurs ,  ces  tons  qui  symbolisent  nos  états  d'âmes,  figurent  nos sensations  , avec  lesquelles  nous peignons nos sentiments  ne  sont  en propre  qu'à  nos sens  ,  à  notre  unique  ressenti  et   si  l'on peut  s'entendre  sur  la  notion  de  couleurs  froides  , de  tons chauds  , là  encore  nos  habitudes  culturelles  divisent l'universel  !
A  fortiori  lorsque  nos  couleurs sur la palette   sont  issues  de mélanges  , couleurs  secondaires    ou  coul eurs  saturéées   tendant  toutes  vers  des tonalités  de gris  .
Doit   on  rester  dans le  registre  du  lumineux  ou de l'obscur,   du  profond   ,  du léger   de l'oppressant  de   l'excitant    ou  de l'apaisant  plutôt   que  d'attribuer  un  nom  qui   n'a   pas la   même  representation intérieure    d'un  individu  à  l'autre ...
  Et  pourtant   lorsqu'on   dit  que  le  ciel  est  bleu  on a presque   l'impression  d'un  pléonasme  !    
Et  pour   qui   la mer  est-elle  verte   ?  

 Ce que m'évoque la  "couleur   verte"   de   Pessoa   :
(C'est  tout  a  fait   gratuit   et  subjectif   bien sûr   , c'est  peu  être osé  , mais  je  n'ai  pas   résisté  ; avec  toutes mes excuses  si  c'est  choquant  ) J'oserai  dire  que moi,  j'aime le vert  et  j'ai  essayé de  mettre  en opposition   les  citations  de  Pessoa  sur  ses  verts  que  j'imagine   et   auxquels  j'attribue  tant  d'émotions  contraires   !
"Je hais le  vert.
Le  vert  est la couleur  des  choses  jeunes
--Prairies,  espoirs, --
Le  vert  est le préavis  de la vieillesse,
Parce  que  toute  la jeunessse  est  le   préavis  de la vieillesse."




Ô  vert !  Ô horreur  du  vert !
 L'oppression angoisseuse  jusqu'à l'estomac,
La nausée  de  tout l'univers  dans la  gorge
Seulement  à  cause  du vert,
Seulement  parce  que le  vert  me  brouille  la vue,
Et  que la  lumière elle-même  est  verte, un éclair  arrêté  dans le  vert...

" Il  est  une  couleur  qui  me  poursuit  et  que je  hais,
Il est une  couleur  qui  s'insinue loin dans ma peur.
Pourquoi donc les  couleurs ont-elles  le pouvoir
De  persister  dans notre  âme,
Telles  des  fantômes ?
 Il  est une  couleur qui me  poursuit  et  d'heure en heure
Sa couleur  change  en  la couleur  de mon  âme.

Une  couleur  me  poursuit du  fond de ma mémoire,
Et  comme  si elle  était  une essence, me  soumet
A sa permanence.
Combien  un simple  rien  surajouté par la lumière
A la matière obscure  peut-il  me  remplir
De  dégoût pour le  vaste  monde.. ""



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