dimanche 29 décembre 2013

Chopin : Romanze du concerto n°1 pour piano

 Romanze  du  concerto  n°1 pour piano


"A vous tout ce qui rit aux yeux, qui plaît à l'âme,
Et fait aimer l'instant présent;
Vous qui donnez à tous une vie, une flamme,
Un nom tout jeune et séduisant;
Vous que l'illusion couronne, inspire, enivre
De bonheur ou de désespoir;
Reine des passions, qui deux fois savez vivre,
Pour vous le jour, pour tous le soir;"

Alfred de  Vigny
(cf. Poème "A vous les chants d'amour..." dans les "poèmes retranchés ou non recueillis").

Les dames en noir

La femme  au  boa
  Gustav  Klimt

Dame à  la fourrure

Ronay
Dame  au voile

Seurat
La dame  en  noir

Leon  Spilliaert 
vertige

Le vent  (1902)

mardi 10 décembre 2013

Traduction à l'ére des robots .

Je   jette toujours avec  regret  mes  journaux, quotidiens,  mensuels  , hebdomadaires  .  Avec le  sentiment  que   fatalement    des perles ont pu m'échapper  !!
Pas faux  :  avant  de me séparer    d'un  numéro récent  du  Nouvel  Observateur  la  photo  de  Zweig   m'a frappé  l’œil  . David  Caviglioli,  suite  a  la déferlante  de  traductions  de l'auteur  autrichien ,  à  la faveur  de    son  entrée dans le  domaine   public  (on  dit  tombé dans le  domaine  public  ! )  s'est  amusé   à comparer   quelques   expériences  de  traduction  selon  les éditeurs  .
Globalement    , à  mon  niveau   d'expertise   je  dirais  qu'elles se valent  ,  mais   le jeu  méritait l'effort surtout  lorsque la fantaisie   l'a amené  à  comparer  une   traduction  d'une  ancienne  specialiste   (pour  ne froisser  personne  )   à  la traduction  automatique  d'un  téléphone  portable . Une  phrase   célèbre  du  joueur  d'échec  a  a été soumise à  l'expérience  . :  Dans la  traduction de  1944   Jacqueline  Des  Gouttes  fait  écrire  par  Zweig: "Remember"! " lui  murmurai-je seulemnt  ,  et je passais le  doigt  sur la cicatrice qu'il  portait   à  la main ." Quant  au petit  appareil   compagnon  de nos jours  voici  ce qu'il propose  :
 "je n'ai  rien  dit mais "remember"  !" et a  couru  au  temps similaire son  doigt au-dessus  la cicatrice de  sa main  .
La conclusion  de  David  Caviglioli :  Ne faites jamais confiance à  votre téléphone  .
Merci


zweig-le-joueur-dechecs

jeudi 28 novembre 2013

Theremin And Electric Kantele

Les ondes Martenot



Un site à voir absolument si  cet instrument magique vous interesse 
http://www.cslevine.com/ondes/Ondes_4.htm

Les principaux compositeurs qui  l'ont  utilisé
Leurs  oeuvres   et  d'autres 
  Des  CD  , des liens   etc


Sur wikipedia:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ondes_Martenot

Selon  Marie  Lechner   journaliste  pour  Libération :  Il  n'existerait plus dans le monde  que   70 exemplaires de  cet instrument   menacés  de  disparaitre  depuis le  décès de  son inventeur   en  1980 et  l’arrêt   de la production  en  1988 "le chant des ondes   sur la piste  de   Maurice  Martenot  ,le  28 novembre  2013 au  Forum  de  l'image  Paris  1er.

et  encore un site intéressant  sur le  sujet   : http://cafemusique.wordpress.com/2010/11/11/les-grandes-ondes/

Olivier Messiaen: Fête des belles eaux (1937)



Ondes  Martenot 1937

dimanche 24 novembre 2013

Eternité... transhumanisme...




En discussion  sur  le  transhumanisme   ,  une réflexion revient  souvent : "Je n'aimerais  pas vivre  trop  longtemps"  ,  ou  "vivre   une éternité serait  bien  trop  long"  ,  "que ferait-on d'une  éternité  ?"
Dans un registre   poétique ou  littéraire   ces réflexions  sont séduisantes  ,  et  semblent  inspirées  par la sagesse  ou  le bon sens commun . Le thème en est souvent  repris à l'instar  de   J.R.R. Tolkien qu'on  ne peut ranger parmi  les pessimistes ou   stoïques !
A priori  , ça semble sonner  juste   mais  d'un autre coté  j'ai bien  envie  de   trouver  cette  idée absurde.: Qui  en pleine possession  de ses moyens  pourrait  refuser  l'éternité en bannissant de son  futur l'échéance de   la  mortalité  ?
 [...]



La Mort et le Bûcheron

Un pauvre Bûcheron tout couvert de ramée,
Sous le faix du fagot aussi bien que des ans
Gémissant et courbé marchait à pas pesants,
Et tâchait de gagner sa chaumine enfumée.
Enfin, n'en pouvant plus d'effort et de douleur,
Il met bas son fagot, il songe à son malheur.
Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde ?
En est-il un plus pauvre en la machine ronde ?
Point de pain quelquefois, et jamais de repos.
Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts,
Le créancier, et la corvée
Lui font d'un malheureux la peinture achevée.
Il appelle la mort, elle vient sans tarder,
Lui demande ce qu'il faut faire
C'est, dit-il, afin de m'aider
A recharger ce bois ; tu ne tarderas guère.
Le trépas vient tout guérir ;
Mais ne bougeons d'où nous sommes.
Plutôt souffrir que mourir,
C'est la devise des hommes.

Jean de La  Fontaine
(1621-1695)

mercredi 20 novembre 2013

Les Orgueilleux – J.-P. Sartre, à Yves Allégret




Sortie : Novembre 1953.
Réalisation : Yves Allégrert, Rafael E. Portas.
Scénario : Jean Auranche.
Musique : J.-P. Misraki.
Interprétation : Michèle Morgan & Gérard Philipe.

Synopsis

Médecin français ayant sombré dans l’alcoolisme après la mort de sa femme dont il se sent responsable, Georges (Gérard Philipe) s’est réfugié dans un petit village mexicain. Alors qu’il n’attend plus rien de la vie, Georges voit débarquer un jeune couple de touristes, Tom et Nellie (Michèle Morgan). Le décès de Tom à son arrivée dans le village annonce une épidémie de méningite cérébrospinale et laisse Nellie sans aucune ressource dans le village ravagé par la maladie. Ces circonstances extrêmes rapprochent Nellie et Georges au milieu des menaces de déchéances sociale mais aussi morale.



Un mélo disent certains ; pour moi un grand film, de ceux qui vous laissent des souvenirs lumineux.
Quand j’ai découvert sa genèse, lointaine adaptation d’une nouvelle de J.-P. Sartre, j’ai d’abord crié au miracle. Était -il possible de trouver une telle dose de sentiments chez notre philosophe existentialiste ?
J’ai vite déchanté quand j’ai lu qu’il avait renié la version d’Yves Allégret et je me suis précipitée sur la nouvelle.
Les choses se sont remises à leur place : il y avait Typhus de Sartre d’une part et Les Orgueilleux d’Yves Allégret d’autre part, même si les héros portant les mêmes prénoms évoluaient dans une trame comparable. L’imaginaire pouvait bien leur avoir fait suivre les mêmes chemins, les avoir inscrits dans un même dessin, une cartographie existentielle comparable, ils ne pouvaient être confondus.
Il existe entre eux cet abîme qui sépare un humaniste d’un existentialiste blasé.

Le juste.
Peu importe celui dont je me sens le plus proche (les heures de nos vies décident) mais ces personnages sont des possibles l’un comme l’autre tout aussi improbables ou tout aussi hypothétiquement crédibles.
Disjoignons-les donc comme les créatures de deux récits indépendants. Il est  certain  que si Typhus prête davantage à la réflexion, le film d’Allégret fait du bien en flattant notre fibre sentimentale toujours éprise de rédemption.
Je ne pense pas que la nouvelle de Sartre dans un premier temps envisagée au cinéma par Delannoy ait été finalement mise en scène. Quel dommage ! Conçue dans la forme d’un scénario par Sartre, c’est une œuvre cinématographique « clé en mains ».



Encore une question : pourquoi ce titre choisi par Yves Allégret ?
Les Orgueilleux.

Les prédateurs à l’affût des faiblesses.

Danser jusqu’à l’épuisement pour l’oubli dans une bouteille de Tequila.



Conscience, défi, résistance.









Un extrait sur Youtube : http://youtu.be/bBn3mr96aqY.

jeudi 14 novembre 2013

Liberté, égalité fraternité

Tout bien  considéré  , ces trois mots suffisent  pour fonder  un  monde   idéal  ...

lundi 4 novembre 2013

La Solitude vue par Brel: "SEUL"



http://www.youtube.com/v/hojH5St62bw?version=3&autohide=1&autoplay=1&showinfo=1&attribution_tag=4yr3jtWOSyafJydBvW0hiw&feature=share&autohide=1

jeudi 31 octobre 2013

Claude Roy , sur le temps



L'enfant  du  crépuscule   a remonté  lentement
vers le débarcadère   vers l'eau  qui  se  déverse
En aval  du  barrage   d'où vient  la voix  labile
Des lents moulins du  temps

La physique ne connait  ni  présent  ni passé
ni futur   tels qu'ils apparaissent   à  la 
 conscience individuelle.


La barque  à  l'amarre  laisse  le long de sa coque l'eau  s'enfuir
La barque  au  fil  de l'eau suit l'eau  qui  fuit
Ai-je  croisé l'enfant qui  remontait le  fleuve
ou m'a-t-il  regardé  dans le   long  miroir  d'eau ?

Dans le   ça il  n'y a rien    qui  corresponde à l'idée du  temps


Le cours du   temps   disaient-ils
Le   temps qui  coule   où  je m'abîme
Le temps qui  glisse   vers  où  va-t-il ?
As-tu  cru  voir    passer  le  temps  ?


Selon toutes les données de la science actuelle
le  temps n'est affecté d'aucune  direction  spécifique
d'aucune  flèche qui  pointe dans un  sens  déterminé


Jamais deux fois dans la même  eau ?
Ou  la seule  eau  d'une même  fois?
Etais-je  sur la rive    à voir  couler le  temps ?
Etais-je   sur la barque   à voir  glisser les champs ?


Toi   Moi   Nous deux    far   off  the whirlilig of time
J'ai pris ton poignet  pour sentir le  temps battre
in the  dark backward and  abym of time


Se taire ensemble    nager  sous l'eau
Une même  pensée    émerge   en  même  temps
Tu me souris
                      Deux nageurs un seul cours


Te  souviens-tu du jour  d'été sur le  canal  des  Flandres ?
Le  pont  de la péniche ?  Le chemin de halage?
La voiture   à  cheval     et l'eau  au  même   pas
Seuls  les arbres  bougeaient   sur le  ciel  sans repère


Et cet  instant dans les longs trains-comètes de la nuit
quand  deux express en  route   juste  avant l'aiguillage
sur  des  rails un  moment  parallèles roulent   très  immobiles
Dans le  grondement sourd  des cascades  du  temps suspendu

Sans l'inquiétude   le temps n'a pas d'existence réelle
Il  n'existe pas  pour les bêtes qui ignorent l'angoisse


Si  longtemps et  si fort    si  perpendiculairement si
obstinément l'eau  n'eut qu'une seule idée    soleil    et
convoita le  feu voulut n'être  plus eau    plus bouger
    plus frémir   plus vouloir et que plus rien  n'arrive
    n'être  plus piétinée par le vent ni le ressassement du
 ressac    fin  des crêtes    des creux assez de se cabrer    se
se briser    le reflux et  la chute    fracas de se défaire
 finis  les maugréements d'écume    assez avec la houle et
les courants   mainmise  du silence    sur l'artillerie
mouillée   des barres et des rouleaux
(Qui lave l'eau avec l'eau  ?  Qui  force le vent à force  de  vent  ?
Le tigre ne fait pas peur à  l'aveugle
ni l'épervier  au feu    ni  l'océan  au  sourd)
Si longtemps  l'eau  salée    se désira repos
silence    immatité    qu'enfin  l'eau   parvient  à  ses fins


(Et la fin  de  la vie  est  de mettre  fin  à  la vie   Et la fin
de  l'amour est de mettre fin à  'amour    Et la fin  de la mer  est  de mettre  fin  à  la mer)
Millions de millions de miroirs de midi
 yeux des  mouches du  vif     Biseaux biaisés de  feu
    Dentelles  des éclats qui  s'entre-déchirent blanc


Les  cigales du  soleil     scient  leurs  ciseaux crissants
en échos anguleux
(Celui qui crible longtemps la mer     sel  est sa récompense)
Et  sur l'étendue  nue  du lait  caillé des millénaires    sur
la plane plaine de blanc strident brisé de   bleu
       l'ombre  furtive  d'un  vanneau

Du recueil  :  Sais-tu  si  nous sommes  encore loin de la mer  ?

mardi 22 octobre 2013

Lakmé :L'Inde de Pierre Loti et de Léo Delibes

Ganga déesse du fleuve (Mahâbhârata)

Bien  des légendes  ont  été bâties  autour  de   la  déesse  Ganga   (qui  a   donné  son  nom  au grand  fleuve  de  L'Inde )
Voir par exemple  : Ganga : dans le "Grenier de Clio" dont l'image  est extraite    (avec mes remerciements)

Dans   le  Mahâbhârata  "l 'histoire  est  ainsi   racontée " :
Au cours d'une  grande  fête  qui  se  tenait  dans les cieux  Ganga  dansait    en l'honneur  de   Brahmâ. 
 Un  coup  de  vent    releva son  vêtement   et  tous détournèrent  respectueusement les  yeux
Seul   Mahâbhisha   ravi  par  sa beauté  ne put détourner  son  regard  .
 Ayant  observé ce manquement  ,  Brahmâ  condamna  l'un  et l'autre   à redescendre chacun  de  son  côté sur  la terre.

Mahâbhisha  choisit  de  se  réincarner  dans  la personne   du  bon  roi   Shântanu  dont le père  terrestre  était    Pratipâ .

Gangâ  quitta  les cieux  dominée par  le souvenir  de   Mahâbhisha.
 Sur   terre  elle  rencontra  les  Vasus  assis sur  le   bord de la route ,  8  jeunes dieux   qui  avaient  été bannis  des cieux   car ils n'avaient pas de  descendants pour   entretenir leur  mémoire  .
Ils prièrent  alors  Ganga  d'être leur  mère  terrestre   Celle-ci   leur  demanda de  choisir   celui  qui  serait leur  père  .
  Les Vasus   choisirent  Shântanu ( celui qui  apaise)  mais  ils  supplièrent  Ganga  de   les noyer après les avoir  enfantés pour  leur  éviter   les souffrances  de la vie   terrestre.
Ganga accepta  à la condition  que  l'un  d'entre  eux   demeure  sur terre. Promesse  fut   faite   "Il sera fort   et   sage ,  vivra très longtemps mais  n'aura pas  d'enfant " .

Ganga   obtint  du  roi  Pratipa  que   Shântanu   soit  son  époux  . Shântanu conseillé par  son père, rencontra  Ganga et  fut  séduit   comme  Mahâbhisha l'avait  été .
Soucieuse de  tenir  la promesse  faite  aux  VasuGanga  mit comme  condition  à  son  mariage , que  jamais le roi  ne lui  poserait  de  questions  sur  ses  origines  , ni  sur  les   actes   qu'elle  accomplirait. Le jour  où il enfreindrait  cette  règle,  elle  le quitterait   ..
Ils vécurent heureux  de longues  années  ensemble  .  Sept  fois  elle enfanta  et   avec désespoir   Shântanu la vit porter  sept fois  l'enfant nouveau-né au  fleuve afin  qu'en  secret   , l'un  des  Vasu   puisse  quitter  ce monde . (sans devoir  de  descendance   ?)
Au  huitième  enfant   Shântanu   ne put  respecter  ses engagements et   furieux  lui  demanda  les  raisons  de   ses cruels agissements  .

"Celui-ci tu  ne le  tueras pas !
Qui es-tu  et  d'où  viens-tu   ?
Pourquoi  assassines-tu  tes propres enfants ?  ?
Ces actes horribles te vaudront   
De  terribles châtiments . "

Ganga  comme  elle  l'avait  prédit    , quitta le  roi après lui avoir   révélé son  secret  et   emporta le  dernier  enfant  avec elle .....

"J'ai  donc pris forme humaine 
Et je  suis devenue  la mère  des  Vasus.
Tu es  béni, ô  Shântanu, tu es leur père.

Ayant   promis de les libérer  
Au  plus tôt  du  joug  de la vie
Je noyais leur  corps, tandis que leur âme,
Leur  vraie  nature   , étincelante,
Regagnait  dans la joie  leur  demeure céleste.

Je te laisse à  présent Shântanu.
Cet  enfant je l'emmène  avec  moi ;
Tu le rencontreras, je   te le  confierai,
Lorsque  je l'aurai élevé. "

Bien  des années après  Shantanu  retrouva son   fils ( Bhishma  ) mais c'est  une  autre histoire .....


 

dimanche 20 octobre 2013

Mythe et épopée . G. Dumézil / J.H. Grisward



Les retrouvailles avec un  livre c'est pareil  aux  retrouvailles avec un  ami . .. 
Au point  où   je me trouve  de ma lecture du  Mahâbârata    j'espère cette fois éclairer  quelques   chapitres de   l'incontournable  livre  de  G.  Dumézil  . Il me faudra peut être  ensuite  pour  éclairer  d'autres lignes  ,  replonger encore et  encore    dans  d'autres mythologies ....
 Cette fois j'ai  pris le  temps  de lire   la préface  de   Joël  H.  Griswald  et   c'est  avec beaucoup  d'émotion  que  je lis ces mots  sur  le  lecteur   et  la lecture   et  je  souhaite  vous les faire  partager  :

"Les gros livres font peur, et   les grands mots  , et les grands noms et  les titres aussi  , mystérieux, terrifiants ! Mythe, idéologie, fonctionsindo-européen  !  Mais souvenons nous  de la jolie  formule   de  Rainer  Maria  Rilke  :   Tous les dragons  de   notre  vie   ne sont  peut-être que des princesses qui  attendent de nous voir beaux et courageux. Et les dragons   se peuvent dompter  de  deux manières :  par la violence et  par l'épée  comme les dieux et les héros guerriers ,  par la douceur  et par l'étole  comme les  saints ou les dieux lieurs ! Apprivoiser ! voilà  peut être le secret ! Apprivoise-moi  dit le livre.
Redonner  sa   place au  temps, à  la flânerie  , à  la patience. 
[...]
Au  lieu  de  se  buter   et de  s'acharner   sur l'incompréhensible phrase,  voire l'incompréhensible  paragraphe ou le tortueux alinéa,  il (le  lecteur apprivoiseur)  avance :  ce qui  ici est  énigme insoluble ,obscurité noire,  s'éclaire   dix ou   quinze  pages  plus loin  pour peu  qu'il  ait  eu  la sagesse d'attendre.
Une lecture par vagues, faites de  flux et de reflux, cède ainsi  la place à  l’orgueilleuse et, à  terme, décourageante  lecture d'assaut et pour ainsi dire  sans  retour.  Tout  livre  a le privilège de s’inscrire , de  s'écrire dans un temps réversible où  le flâneur a tout loisir de revenir en  arrière. S'il  est  vain  d'espérer  tout  comprendre à  la première  lecture , du moins saisissons-nous toujours un  certain   niveau  de  sens.  Il  en  va  des  écrits comme d'une  coupe  géologique :  l'un et l'autre   s'appréhendent par strates.  Il  existe  des strates  de  lectures et nous ne lisons jamais  deux fois le même  livre ;  chaque lecture  nouvelle  s'enrichit de la précédente et nous ne  sommes jamais  deux fois le même  lecteur.  Ou encore,  un  texte étant un  tissu, nous suivons  tel  fil , demain  tel  autre sans doute,  et  c’est   au croisement  de  tous ces fils entrelacés que la pièce, -le  textus- livre  sa signification .
Croisement ,  carrefour, rencontre  !   Un jour ,  un livre  ! Il  n’y a  que les rencontres  qui  soient  fécondes,  et notre histoire personnelle n'est  au  fond que l'histoire  de  ces rencontres , avec les êtres,  avec les choses , avec les livres  .....  "

samedi 12 octobre 2013

Mahâbhârata ,L’histoire de Bhîshma



Du (très beau) film de  Peter Brook au livre ...


Si  je reconnais une grande valeur  au film  qui  a su extraire  et restituer la beauté  épique  de  cette longue histoire qui se veut l’Histoire de  l’Inde,  il est intéressant  de s’attarder sur  les divergences de  certains passages avec le texte   notamment   quand  elles semblent   le dénaturer  ou s’en éloigner  avec trop  de  libertés ; intéressant  aussi  de suivre à la lecture   ce qui  peut   expliquer  des traditions qui nous sont peu  familières .


La véritable  histoire  de Bhîshma

Dans le film  Bhîshma nous est  montré  , lié par un  vœu  étrange   et qui  nous heurte   par sa rigueur . L’homme  parfait ,   valeureux guerrier  est un  Kshatriya  (membre de la deuxième caste, celle des rois et des guerriers  ) . Il repousse  et  encourt la malédiction, jusqu'au-delà  de  ce monde,   d’une  femme qui  implorait  sa protection et  son  amour(Amba).
Dans la tradition   c’est  une  faute  de   repousser l’amour  d’une femme  . « C’est un péché de refuser la femme qui aime ».
Bhîshma explique  ce manquement  par  le  vœu  qu’il  a  fait  de  ne  jamais   prendre   femme  , que ce vœu  a suscité  l’admiration  des   dieux   et  qu’en  contrepartie  il  a  obtenu  de pouvoir  choisir l’heure de sa mort 


Soit mais l’histoire est plus complexe :

A l’issue  d’une autre aventure  le grand  et  bon  roi  Shântanu  retrouve son  fils  . Il l’emmène  avec lui  dans la capitale    il   le destine  à  lui  succéder  en tant que seul  héritier  chéri par le roi . Ce fils reçoit le  nom de Devavrata  (vœu divin ) .
Les années passent  et  Devavrata  devient   un   prince  parfait  dans le corps et  dans l’esprit  .
Le roi Shântanu au cours d’un voyage dans ses terres ,  est  séduit  par  une très  belle  jeune  fille   , la  fille  du roi  pêcheur  Satyavatî et il désire   en faire  son  épouse  . Lorsqu’il  demande sa main  à  son père ,  celui-ci  accepte  à   la condition  que le garçon  qui naitrait  de ce mariage  sera  le  seul  héritier  du  trône  .
La mort dans l’âme  Shântanu  ne peut accepter  cette condition  qui   déshériterait   Devavrata  ,  et Il retourne  dans son  palais  .  Devavrata   s’inquiète de  sa tristesse   et   obtient  de  son père  l’aveu  des motifs  de  cette  mélancolie  .  Devavrata   se  rend chez le  roi pêcheur   dont il compte obtenir   pour son  père  la main  de   Satyavati .  
Devavrata   le roi pêcheur  réitère   sa condition . Le prince   promet  de  renoncer  au  trône   mais ce n’est pas suffisant pour  satisfaire le pêcheur   :  Si   Devavrata  abdique   ,  rien  ne peut assurer que  ses   fils  à venir  ne revendiqueront pas un  jour le trône  .  C’est alors  que  Devavrata  fait le vœu devant les   dieux  de   ne jamais  approcher  une femme, de se vouer au célibat et de  ne jamais  avoir  d’enfant .
 Ayant   prononcé ce vœu  surhumain (1) ,  son immense  sacrifice   suscite   l’admiration  des  dieux , il  devient   Bhîshma  (le terrible ) et  obtient de  vivre  aussi  longtemps  qu’il  le  voudra  et  la possibilité  de choisir  le  moment  de sa  mort  .

 La rencontre de  Shamtanu et de Satyavati


Alors Devavrata  , en présence des siens et  des sujets du  roi  des pêcheurs, déclara :
« Personne parmi  les mortels
N’a fait  jusqu’à présent  une telle promesse.

Eh bien   , il  en  sera  selon ma parole ;
Il en  sera selon ton désir , roi  des pêcheurs :
Le fils  de ta  Satyavatî
Héritera seul  du trône  de mon  père ;
Quant à  moi  j’y  renonce ,  J’ai dit . »

Le roi des pêcheurs paraissait  satisfait ; cependant une ombre   subsistait  dans   son esprit.  Il reprit :

Tes paroles t’honorent, Devavrata  ;
Ton  engagement  de renoncer au trône 
Témoigne   de  ta noblesse.

Mais un père doit penser
A sa fille  et à  ses descendants .

Je ne peux donc  accepter, car  il reste
La question  de tes propres enfants.
Tu n’es pas marié pour l’instant ;
Mais s’il  te vient  des héritiers,
Respecteront-ils à leur  tour
Ta promesse de maintenant ? »

Devavrata  comprit   ce que   désirait  le roi des pêcheurs. Ne pensant qu’à  son  père, il déclara :

« Ecoutez bien  tous
Vaillants guerriers et vous,  peuple  de pêcheurs
Soyez  garants de  ces paroles
Où je  prends les dieux à  témoin :

Dès  cet instant je me voue au  célibat.
Je n’ai  jamais  été marié   , jamais je ne le serai.
Même  sans enfant j’atteindrai les cieux . « 

[…]
Shântanu, profondément   ému par le sacrifice  sans réserve de son  fils, le bénit ainsi (2):
« Tu  vivras aussi  longtemps que tu  voudras ;
La mort ne t’atteindra jamais.
La vie ne te quittera qu’à  l’instant  choisi  par toi ,
Elle te sera  soumise  comme l’esclave à  son maître. « 

(1) On verra dans une autre histoire , combien  il  est essentiel   pour un Indien d'assurer  sa descendance
(2) Shântanu, mortel  avait la possibilité d'accorder  ce pouvoir   à  son  fils Bhîshma ?  Droit exceptionnel , droit du  père ?
Satyavati   film  indien