vendredi 29 avril 2011

"Son coeur est un luth suspendu ...."

   "Son  coeur  est un  luth  suspendu  , sitôt  qu'on le touche  il  résonne  "
C'est  à   Edgar  Poe   que  j'ai emprunté  cette   citation de  De  Béranger  qui  constitue  l'épigraphe  de  La  chute  de la  Maison  Usher , une des plus  célèbres  des Nouvelles  histoires  extraordinaires , merveille  de  procédé  narrartif   par  lequel il   crée ce  climat  de  peur  et  d'angoisse  par    associations  suggestives où  s'entremèlent  ,  la nature  et  l'humain , le  décor et le  sentiment  des protagonistes ,  l'inanimé et le  vivant  ,  la Vie  et la Mort dans   une  atmosphère fantastique...
Ainsi  les premières lignes  plantent  le  décor  :



Maison  Usher  .(aquarelle  )



" Pendant toute une journée  d’automne, journée fuligineuse , sombre et muette, où les  nuages pesaient lourds et bas dans le ciel, j’avais traversé seul et à cheval , une étendue de pays singulièrement lugubre,  et enfin, comme les ombres du soir approchaient , je me trouvais en vue de la mélancolique maison Usher.  Je ne sais comment cela se fit, _ mais au premier coup d’œil que je jetai sur le bâtiment, un sentiment  d’insupportable tristesse  pénétra   mon âme.  Je dis insupportable,  car cette tristesse n’était nullement tempérée  par une parcelle de  ce sentiment dont l’essence poétique fait presqu’une volupté, et dont l’âme est généralement saisie en face  des images naturelles les plus sombres de la désolation  et de la terreur. Je regardais le tableau placé devant moi, et, rien qu’à voir la maison  et la perspective caractéristique de ce domaine_ les murs qui avaient froid ,_ les fenêtres semblables à des yeux distraits, _ quelques bouquets de joncs vigoureux, quelques  troncs d’arbres blancs et  dépéris, j’éprouvais cet entier affaissement d’âme qui, parmi les sensations terrestres,  ne peut se mieux comparer qu’à l’arrière rêverie du mangeur d’opium, _ à son  navrant retour  à la  vie journalière, à l’horrible et lente retraite du voile. C’était une glace au cœur , un abattement, un malaise, _ une irrémédiable tristesse  de pensée qu’aucun aiguillon de l’imagination ne pouvait raviver ni pousser  au grand. Qu’était donc,  _ je m’arrêtai pour y penser, _ qu’ était donc ce je ne sais quoi  qui m »énervait en  contemplant la Maison Usher ? C’était un mystère tout à  fait insoluble,  et je ne pouvais pas lutter contre les pensées ténébreuses qui s’amoncelaient sur moi  pendant que j’y réfléchissais . je fus forcé  de me rejeter dans cette conclusion peu satisfaisante , qu’il existe des combinaisons naturelles d’objets très simples qui ont la puissance de nous affecter de cette sorte, et que l’analyse de cette  puissance  gît dans des considérations où  nous perdrions pied Il était possible , pensais-je, qu’une simple différence dans l’arrangement des matériaux de la décoration  , des détails du tableau, suffit pour modifier, pour  annihiler peut-être,   cette impression de puissance douloureuse ; et, agissant d’après cette idée, je conduisis mon cheval  vers le bord escarpé  d’un noir et lugubre étang, qui, miroir immobile , s’étalait devant le bâtiment ; et je regardais,_ mais avec un frisson plus pénétrant encore que la première fois, _ les images répercutées et renversées des jonc grisâtres, des troncs d’arbres sinistres, et des fenêtres semblables à des yeux sans pensées. 
……..

(Traduction  Charles Baudelaire )




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