vendredi 8 avril 2011

Musset , Les caprices de Marianne, Duhamel Pierrot le Fou

Goerges  Duhamel  Pierrot  le  fou 


Les  Caprices  de  Marianne
 Alfred  de  Musset 
(la tirade  d'Octave)

Octave  : Figure-toi  un danseur  de  cordes , en  brodequins  d'argent, le  balancier  au  poing, suspendu  entre le  ciel  et  la  terre; à droite  et  à  gauche,  de  vieilles petites  figures racornies,  de  maigres  et  pâles  fantômes , des  creanciers  agiles,  des parents  et  des  courtisans , ;toute une  légion  de  monstres  se  suspendent à  son  manteau  et  le  tiraillent  de  tous  côtés  pour  lui faire  perdre l'équilibre ;  des  phrases  redondantes , de  grands mots  enchâssés  cavalcadent autour  de  lui  ;  une  nuée  de prédictions  sinistres   l'aveugle de  ses  ailes noires . Il continue  sa  course légère  de l'orient  à  l'occident. S'il  regarde  en bas ,  la tête  lui  tourne ;  s'il  regarde  en  haut,   le pied  lui  manque.Il va  plus  vite  que le  vent  , et  toutes les mains tendues  autour  de lui  ne lui feront pas  renverser  une  goutte de la coupe joyeuse  qu'il  porte à  la  sienne,  voilà  ma vie  mon  cher  ami  ;  c'est  ma  fidèle image que tu  vois.

Coelio :  Que  tu  es  heureux  d'être  fou  !

Octave :  que  tu  es  fou  de n'être  pas  heureux ! Dis-moi  un  peu, toi, qu'est-ce  qui  te manque  ?

Coelio : il  me manque  le  repos ,  la douce insouciance qui  fait  de la vie un  miroir où tous les  objets   se  peignent  un  instant et  sur  lequel  tout  glisse.  Une  dette  pour  moi est  un remords . L'amour, dont  vous  faites un  passe-temps  trouble  ma vie  entière . O  mon ami  , tu ignoreras  toujours ce  que c'est  qu'aimer  comme  moi  ! Mon cabinet  d'études  est  desert ;  depuis  un  mois  j'erre autour  de  cette maison  la nuit  et le  jour.  Quel  charme  j'éprouve  au  lever  de la  lune, à conduire  sous  ces petits  arbres,  au fond  de  cette  place,  mon coeur  modeste de  musiciens,  à marquer mooi-même  la  mesure ,  à les  entendre  chanter la  beauté de  Marianne !  Jamais  elle n'a paru  à  sa fen^tre;  jamis  elle n'est  venue appuyer  son  front  charmant sur  sa jalousie .

Funambule  de  Marie  Laure  Flaive

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