mardi 5 avril 2011

Fernando Pessoa /Alvaro de Campos (1) "Si te quieres matar, ¿porqué no te..."

"Si te quieres matar, ¿porqué no te..." de FERNANDO PESSOA- Alvaro de Campos 

 Alvaro  de Campos :  le  plus  turbulent  des hétéronymes  de   Pessoa  : sensationniste , résolument  moderne  et provocateur  ...


"Si tu veux te tuer, pourquoi ne veux-tu pas te tuer ?
Ah saute sur l'occasion ! car moi qui aime tant la mort
comme la vie ,
Si j'osais me tuer, moi aussi je me tuerais bien...
Ah si tu oses, oses!
A quoi te sert le tableau successif des images externes
Que nous appelons monde ?
La cinématographie des heures représentées
Par des acteurs aux conventions et poses prédéterminées,
Le cirque polychrome de notre dynamisme sans fin ?
A quoi te sert ton monde intérieur que tu ne connais pas ?
Peut-être en te tuant , le connaitras-tu enfin ...
Peut-être en finissant , commenceras-tu...
Et puis, de toute façon, si être te fatigue,
Ah fatigue-toi noblement,
Et ne chante pas, comme moi la vie à coup de cuites
Ne salue pas comme moi la mort par la littérature !

Tu manques? Ô ombre futile qu'on appelle une personne!
Personne ne manque; tu ne manques à personne...
Sans toi , tout se déroulera sans toi.


Peut-être le fait que tu existes est-il pire pour d'autres que le fait que tu te tues...
Peut être  importunes-tu   plus  en  durant  qu'en  cessant de  durer ...

 Le chagrin  des  autres ?  ... Tu as  quelque  remords  anticipé
De ce qu'on  te pleurera ?
Tranquilise-toi :  bien  peu  te pleureront..
L'impulsion  vitale  assèche les  larmes  , peu  à peu,
Quand elles ne sont pas  causées  par nos  affaires,
Quand elles le  sont  par  ce qui  arrivvve aux autres, surtout la  mort,
Parce que  c'est  l'affaire à  la suite  de  quoi plus rien  n'arrive  aux  autres..

D'abord  c'est  l'angoisse, la surprise de la  venue
Du  mystère  et  de l'absence  de ta  vie  racontée
Puis l'horreur  du  cercueil,  visible  et matériel,
Et les hommes en  noir  qui  exerce  le  metier  d'y  assister
Puis la  famille  qui  veille , inconsolable  et  racontant  des blagues,
Se lamentant au  milieu  des dernières nouvelles de la presse du  soir
Intersectionnant  l'afflictin  de  ta mort avec le  crime  de dernière heure,
Et  toi  simple  cause  fortuite d'une  telle assemblée de pleureuses et  de pleureurs,
Toi  véritablement mort,  bien  plus mort  que  tu ne l'escomptes..
Bien  plus mort   ici-bas  que tu  ne l'escomptes
Même  si  tu  es  bien  plus  vivant   dans l'au-delà.

Puis le  cotège noir  jusqu'à  la  sépulture ou à la tombe,
Et  puis le  début  de la mort  de  ta mémoire.
 Il  ya  d'abord  en tous un soulagement
De la tragédie  quelque  peu  ennuyeuse  que tu  sois mort...
Puis la conversation  se   fait  de jour  en  jour  plus  légère
Et  la  vie  de  tous les jours  reprend le  rythme  de  ses jours...

Puis lentement  tu  es oublié.
Tu n'es  ressouvenu  qu'à deux  dates  anniversairement  :

Quand   ça  fait  des années  que  tu  es né , quand  ça fait  des  années que tu  es mort.
Rien  d'autre,  rien  d'autre,  absolument  rien   d'autre.
Deux fois par an  on  pense à toi.
Deux fois par  an ceux  qui  t'ont  aimé soupirent pour toi
Et une  fois  ou  l'autre   ils soupirent  si  par hasard  on  parle  de toi..

Dévisage-toi  à  froid, et  dévisage  à  froid ce que nous sommes...
Si tu  veux  te  tuer ,  tue-toi...

Ne nourris  ni scrupules  moraux, ni craintes  d'inteligence !...
Quels  scrupules ou craintes , la mécanique  de la  vie   nourrit-elle ?
Quels  scrupules  chimiques l'impulsion  qui engendre
Les  sèves, et la  circulation du  sang,  et  l'amour ,  nourrit-elle ? 
Quelle  mémoire  des  autres le  rythme  joyeux de la vie  garde-t-il ?

Ah pauvre vanité  de chair et  d'os  appelée  homme,
Ne vois-tu  pas que  tu n'as  absolument  aucune  importance ?

Tu es important pour  toi,  parce que c'est  toi que tu  sens.
Tu es  tout  pour toi, parce que  pour  toi  tu es l'univers,
Et  l'univers lui-mêzme  et les  autres
Sont les satellites  de  ta  subjectivité objective.
Tu es  important pour toi  parce que  toi  seul  est important pour  toi.
Et  si tu es  ainsi,  ô mythe,  que  crois-tu  que les  autres  sont  ?

Tu as  comme  Hamlet, l'effroi de l'inconnu ?
Mais  qu'est-ce  qui  est  connu  ?  qu'est-ce que tu  connais,
Pour nommer  inconnu  une  chose en  particulier?
Tu as,  comme  Falstaff , l'amour  graisseux de la  vie?
Si donc tu  l'aimes matériellement ,  aimes-la  encore  plus matériellement:
Fais de  toi  une part  charnelle  de la  terre  et  des choses  !
Disperse-toi système  physico- chimique
De  cellules nocturnement   conscientes,
A  travers  la nocturne  conscience de   l'inconscience  des  corps,
A travers la  grande  couverture qui  ne-recouvre-rien  des  apparences,
A travers l'être  et  le  chiendent  de la prolifération des  êtres,
A travers le  brouillard  atomique  des choses,
A travers les parois  tourbillonnantes
Du  vide  dynamique  du  monde...
[...]

Aussi  d'après un poème  de   Alvaro  de  Campos  : " La lettre  d'amour"  chanson poétique   de  Roberto Vecchioni (en  italien) la lettere d'amore

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