« Que serait un monde sans la musique ? », disait un certain… « Que serait un monde sans images, sans couleurs, sans les mots ? Que serait l’homme sans émotions ? Son cœur est un luth suspendu ; sitôt qu’on le touche, il résonne. » – de Béranger
samedi 31 décembre 2011
Et un poète dit ,Parle-nous de la Beauté. Et il répondit :
Où chercherez-vous la beauté et comment la trouverez-vous, si elle n'est elle-même votre chemin et votre guide ?
Et comment parlerez-vous d'elle, si elle n'est le fil qui tisse le chemin de vos paroles ?
*
Les affligés et les stigmatisés disent, " La beauté est bonne et douce.Comme une jeune mère intimidée par sa propre gloire, elle passe parmi nous."
Et les passionnés disent, Non, la beauté procède de la puissance et de la terreur.
Comme la tempète elle secoue la terre sous nos pieds, et le ciel au-dessus de nos têtes. "
*
Et les fatigués et les las disent, " La beauté est faite de doux murmures. Elle parle en notre esprit.Sa voix cède à nos silences, comme une lumière à peine visible qui vacille dans la peur de l'ombre. "
Et les impétueux disent, " Nous l'avons entendu crier à travers les montagnes,
Et avec ses cris viennent le bruit des sabots, et le battement des ailes et le rugissement des lions. "
*
La nuit les veilleurs de nos cités disent, " La beauté se lèvera à l'est avec l'aurore. "Et à midi, les travailleurs et les voyageurs disent, " Nous l'avons vue se pencher sur la terre des fenêtres du couchant. "
*
En hiver, ceux qui sont enneigés disent, " Elle viendra avec le printemps, bondissant sur les collines. "Et dans la chaleur de l'été, les moissonneurs disent, " Nous l'avons aperçue dansant avec les feuilles de l'automne, avec des flocons de neige dans ses cheveux. "
Toutes ces choses, vous les avez dites de la beauté,
Cependant , en vérité vous ne parlez pas d'elle, mais de vos besoins insatisfaits,
Et la beauté n'est pas un besoin mais une extase.
Elle n'est pas une bouche assoiffée, ni une main vide et tendue.
Mais plutôt un coeur embrasé et une âme enchantée.
Elle n'est pas l'image que vous voudriez voir ni le chant que vous voudriez entendre,
Mais plutôt une image que vous voyez bien que vous fermiez vos yeux, et un chant que vous entendez quand bien même vous bouchez vos oreilles.
Elle n'est pas la sève sous l'écorce desséchée, ni une aile attachée à une serre,
Mais plutôt un jardin pour toujours épanoui et une nuée d'anges à jamais en vol.
*
Peuple d'Orphalese, la beauté est la vie quand la vie dévoile sa face sacrée.Mais vous êtes la vie et vous êtes le voile,
La beauté est l'éternité se contemplant dans un miroir.
Mais vous êtes l'éternité et vous êtes le miroir.
Khalil Gibran : Le prophète , sur la beauté .
jeudi 29 décembre 2011
Equador Henri Michaux
Ecuador est le journal d'un voyage qu'Henri Michaux a entrepris à travers les Andes, les montagnes de l'équateur et les forêts du Brésil pour arriver , un an plus tard à l'embouchure de l'Amazone. A l'époque de ce voyage épuisant , l'auteur n'avait pas encore trente ans, n'avait guère publié que des plaquettes et avait le coeur malade. Dans ce récit publié en 1929 , apparaisssent déjà , ponctués de quelques uns des plus beaux poèmes d' Henri Michaux,, ces célèbres espaces du dedans, dont l'exploration donnera par la suite l'oeuvre étonnante que l'on connait .
Dimanche de Noël 1927
Paris
Voilà deux ans qu'il a commencé , ce voyage. On m'avait dit : " Je t'emmènerai . " Deux ans , une sorte de constipation et maintenant , c'est pour mardi matin. Je suis soumis toute la jouenée à une sorte de projection à distance. On cherche mon regard. Quel effort il me faut pour revenir à m oi, et, combien "impur" ce retour, comme quand on cède à une image de sexe dans la prière.
3 heures
Je n'ai écrit que ce peu qui précède et déjà je tue ce voyage.Je le croyais si grand. Non, il fera des pages, c'est tout.
Mardi. Dans l'Etoile du Nord , allant à Amsterdam, ville où je dois m'embarquer le lendemain à bord di Boskoop à destination de Guayaquil (Equateur ) via Panama.
17h301/2
Moi j'avais l'air d'un joueur malheureux. Cet éclair de joie dans l'oeil de mon ami ! On a fait ouvrir mes bagages mais non les siens. La douane, c'est comme le jeu. On veut croire à l'intrervention des puissances occultes. Elles auraient dit aux douaniers..."Laissez-le, celui-là est un homme à nous." Tandis que de moi ... Que pense-t-il donc qu'elles aient dit ? Peutêtre simplement qu'elles se sont tues à mon endroit...
Amsterdam, mercredi matin
Ah ce froid, il faut s'envelopper en soi, s'égaliser plutôt pour y bien résister.
Celui qui a sa plus grande force localisée dans sa tête, le coeur, la poitrine , les bras, n'est pas fait pour ce pays. Je n'ai pas assez de tenue devant ce froid. Pas encore assez homogène... - Et cette campagne flamande d'hier ! On ne peut la regarder sans douter de tout . Ces maisons basses qui n'ont pas osé un étage vers le ciel , puis tout à coup file en l'air un haut clocher d'église, comme s'il n'y avait que ça en l'homme qui pût monter, qui ait sa chance en hauteur.
Et maintenant ,écrire à I,P,H,...donner du mangeable à chacun.
Bonsoir , bonsoir messieurs .
A bord du Boskoop en mer
Voyons, trente ou trente et un jours en décembre? Est-ce depuis deux ou trois jours qu'on est en mer? Dans l'anticalendrier de la mer ? Pauvre journa ! D'ailleurs ce qui s'est passé tout à l'heure je ne le dirai pas. Mieux vaut lui couper tout de suite son avenir.
4ème jour de mer
16 heures.
Etre seul navire, très insolent et superbe sur le grand désert d'eau... Le vent vient à toute vitesse sur mon peu de cheveux qu'il secoue, puis repart à toute vitesse et moi je reste sur le pont. Vient encore ce vent contre ma tête, repart à toute vitesse , et Dieu sait quand il rencontrera encore un front et de qui pourrait bien être ce front et ce qu'on pourrait avoir à dire de nos deux fronts comparés. O navire-orgueil, Ôcapitaine-orgueil, passagers-orueil, vous qui ne vous mettez pas de plain-pied avec la mer...sauf toutefois au jour du naufrage...Ah, alors..enfin il s'enfonce , le navire, avec son jeu complet de mâts et s cheminée.
[...]
A 2 heures p.m.
Le moteur s'est arrêté. On a été pris dans les lames. On a été bord sur bord, à croire qu'on allait être renversé. Les officiers étaient inquiets. Moi, ça m'a remis tout à fait. Très bien , Atlantique, tu sais secouer , et te montrer grand .
Il y a quelques minutes, j'étais large. Mais écrire, écrire : tuer, quoi.
Dans nos bagages rien que des livres modernes et non choisis.
Cette bande d'impressionnistes...écrivant genre d'étincelles, ou genre enveloppement humide, ou genre travaux d'aiguilles... Ce style à trace d'images, à trace de merveilles, à trace d'émotion , à trace de miracles, à trace de génie, à trace d'humeur, à trace d'études , à traces de tout. Un insuppportable bazar où l'on ne trouve pas de pain.
Et ce voyage , mais où est-il ce voyage ?
[...]
Ecuador
Journal de voyage
Dimanche de Noël 1927
Paris
Voilà deux ans qu'il a commencé , ce voyage. On m'avait dit : " Je t'emmènerai . " Deux ans , une sorte de constipation et maintenant , c'est pour mardi matin. Je suis soumis toute la jouenée à une sorte de projection à distance. On cherche mon regard. Quel effort il me faut pour revenir à m oi, et, combien "impur" ce retour, comme quand on cède à une image de sexe dans la prière.
3 heures
Je n'ai écrit que ce peu qui précède et déjà je tue ce voyage.Je le croyais si grand. Non, il fera des pages, c'est tout.
Mardi. Dans l'Etoile du Nord , allant à Amsterdam, ville où je dois m'embarquer le lendemain à bord di Boskoop à destination de Guayaquil (Equateur ) via Panama.
17h301/2
Moi j'avais l'air d'un joueur malheureux. Cet éclair de joie dans l'oeil de mon ami ! On a fait ouvrir mes bagages mais non les siens. La douane, c'est comme le jeu. On veut croire à l'intrervention des puissances occultes. Elles auraient dit aux douaniers..."Laissez-le, celui-là est un homme à nous." Tandis que de moi ... Que pense-t-il donc qu'elles aient dit ? Peutêtre simplement qu'elles se sont tues à mon endroit...
Amsterdam, mercredi matin
Ah ce froid, il faut s'envelopper en soi, s'égaliser plutôt pour y bien résister.
Celui qui a sa plus grande force localisée dans sa tête, le coeur, la poitrine , les bras, n'est pas fait pour ce pays. Je n'ai pas assez de tenue devant ce froid. Pas encore assez homogène... - Et cette campagne flamande d'hier ! On ne peut la regarder sans douter de tout . Ces maisons basses qui n'ont pas osé un étage vers le ciel , puis tout à coup file en l'air un haut clocher d'église, comme s'il n'y avait que ça en l'homme qui pût monter, qui ait sa chance en hauteur.
Et maintenant ,écrire à I,P,H,...donner du mangeable à chacun.
Bonsoir , bonsoir messieurs .
A bord du Boskoop en mer
Voyons, trente ou trente et un jours en décembre? Est-ce depuis deux ou trois jours qu'on est en mer? Dans l'anticalendrier de la mer ? Pauvre journa ! D'ailleurs ce qui s'est passé tout à l'heure je ne le dirai pas. Mieux vaut lui couper tout de suite son avenir.
4ème jour de mer
16 heures.
Etre seul navire, très insolent et superbe sur le grand désert d'eau... Le vent vient à toute vitesse sur mon peu de cheveux qu'il secoue, puis repart à toute vitesse et moi je reste sur le pont. Vient encore ce vent contre ma tête, repart à toute vitesse , et Dieu sait quand il rencontrera encore un front et de qui pourrait bien être ce front et ce qu'on pourrait avoir à dire de nos deux fronts comparés. O navire-orgueil, Ôcapitaine-orgueil, passagers-orueil, vous qui ne vous mettez pas de plain-pied avec la mer...sauf toutefois au jour du naufrage...Ah, alors..enfin il s'enfonce , le navire, avec son jeu complet de mâts et s cheminée.
[...]
A 2 heures p.m.
Le moteur s'est arrêté. On a été pris dans les lames. On a été bord sur bord, à croire qu'on allait être renversé. Les officiers étaient inquiets. Moi, ça m'a remis tout à fait. Très bien , Atlantique, tu sais secouer , et te montrer grand .
*
Je viens de jouer... comme ça dilate...Excellent contre la pétrification qui est tout l'écrivain.Il y a quelques minutes, j'étais large. Mais écrire, écrire : tuer, quoi.
*
Mais où est -il donc ce voyage ?
*
Dans nos bagages rien que des livres modernes et non choisis.
Cette bande d'impressionnistes...écrivant genre d'étincelles, ou genre enveloppement humide, ou genre travaux d'aiguilles... Ce style à trace d'images, à trace de merveilles, à trace d'émotion , à trace de miracles, à trace de génie, à trace d'humeur, à trace d'études , à traces de tout. Un insuppportable bazar où l'on ne trouve pas de pain.
Et ce voyage , mais où est-il ce voyage ?
[...]
mercredi 28 décembre 2011
La mort en direct
La mort en direct
de Bertrand Tavernier
1980
Musique de Antoine Duhamel
Un film qui ne se raconte pas , alors simplement un extrait du commentaire de David Rault sur Amazon:
Extrapolation terriblement visionnaire des excès et débordements de ce qui ne s'appelait pas encore la télé-réalité, La Mort en direct est un réquisitoire contre le voyeurisme, pour la liberté ; une histoire d'amour sombre, teintée de fantastique ; un drame social comme Tavernier sait parfaitement les peindre. Le duo étonnant Romy Schneider/Harvey Keitel fonctionne parfaitement, la fragilité de l'une contrebalançant la force et le désarroi grandissant de l'autre, face à une situation irréelle et bouleversante. Du grand cinéma. --David Rault
Quelques images supplémentaires quand même :
"Qu'est-ce qui est le plus dur Catheriene : subir une déception ou décevoir ? " |
Qu'est-ce qu'un rêve ? |
lundi 26 décembre 2011
Brahms concerto pour piano n°2 mouvements 2, 3 et 4
Richter / Chicago - Brahms Piano Concerto No. 2 Mvt 2 (3/5)
Richter / Chicago - Brahms Piano Concerto No. 2 Mvt 3 (4/5)
Richter / Chicago - Brahms Piano Concerto No. 2 Mvt 4 (5/5)
Richter / Chicago - Brahms Piano Concerto No. 2 Mvt 1 part 1(1/5)
Concerto pour Piano n ° 2 1er mouvement
1er mvt 1/5
Richter / Chicago - Brahms Piano Concerto No. 2 Mvt 1 part 2 (2/5)
Severed Garden by Jim Morrison The Doors
Un nouvel adagio à ajouter à "ma collection ...
via Almasoror que je remercie pour son énergie , son audace , son absence de préjugés , son ouverture d'esprit , son humour, son amour du beau etc....
Un grand sourire à Almasorror
Severed Garden by Jim Morrison The Doors
dimanche 25 décembre 2011
Le Silence : Bergman , Brahms , Richter ....
The Silence - Bergman / Piano Concert nº 2 - Brahms
Le Silence
Ingmar Bergman
(Suède 1963 )
Anna et Esther, deux soeurs, rentrent en Suède après un voyage à l'étranger. Elles sont accompagnées de Johan le fils d'Anna . A la suite d'un malaise d'Esther, elles font halte dans une ville inconnue, dont les habitants parlent une langue qui leur est tout à fait étrangère. Dès lors, Esther et Anna sont confrontés au silence de l'incommunicabilité .
Le Silence est parfois considéré comme faisant partie d'une trilogie réunissant également " A travers le miroir" et les Communiants" et baptisée la trilogie de l'absence de Dieu. Après avoir rmpu avec la foi dans les deux précédentes oeuvres , le cinéaste explore dans le silence les moyens d'échapper à la solitude. Un film au climat oppressant, magnifiquement inyerprété .
samedi 24 décembre 2011
Joyeux Noël, Buon natale ...
La tradition jusqu'au bout !!!!
O Tannenbaum. Tradicional alemán.
Les Anges dans nos campagnes -- Cântico natalino da França
vendredi 23 décembre 2011
Profession de foi ....: Mouloudji : Autoportrait 1970
Mouloudji : Autoportrait 1970
"Athée oh! Grâce à Dieu .... "
jeudi 22 décembre 2011
Adagio J.S. Bach, Claude Roy : Sais-tu si nous sommes encore loin de la mer ?
Adagio Bach
Lorsque la terre respire celà s'appelle le vent
L'eau qui devient homme celà s'appelle le sang
L'enfant buissonnier charmeur de sauterelles
couché à la perpendiculaire de la canicule blanc-bleu
l'ébouriffé à plat ventre sur l'été-feu du causse
colle l'oreille à la terre étouffée d'août
au-dessus de la dalle quaternaire sous les couches du temps
L'enfant curieux écoute aux portes de la terre
L'eau lisse au fil aveugle du grand fond
la coureuse hors soleil
l'eau tisse sa voix d'eau sourde
menu clapotis des mille pas nus
Pieds nus de l'eau nue l'eau toujours ressourcée
eau battante eau vivante eau fine qui glisse
dans la nuit de la grande aoorte souterraine
dans la veine qui ralentit un peu
à l'arrivée dans la grotte estomac -de- la- terre
L'enfant étonné écoute l'eau
et le silence entre les stalactites
que font en battant dans le noir hypofgée
les ailes du paillon aveugle des cavernes
nommé Triphosa dubitata
L'oeil du coeur en s'ouvrant et fermant
fut la source d'où naquit le cycle des temps
Claude Roy
de son recueil "Sais-tu si nous sommes encore loin de la mer ? "(Epopée cosmogonique, géologique, hydraulique, philosophique et pratique en douze chants et en vers )
Lorsque la terre respire celà s'appelle le vent
L'eau qui devient homme celà s'appelle le sang
L'enfant buissonnier charmeur de sauterelles
couché à la perpendiculaire de la canicule blanc-bleu
l'ébouriffé à plat ventre sur l'été-feu du causse
colle l'oreille à la terre étouffée d'août
au-dessus de la dalle quaternaire sous les couches du temps
L'enfant curieux écoute aux portes de la terre
L'eau lisse au fil aveugle du grand fond
la coureuse hors soleil
l'eau tisse sa voix d'eau sourde
menu clapotis des mille pas nus
Pieds nus de l'eau nue l'eau toujours ressourcée
eau battante eau vivante eau fine qui glisse
dans la nuit de la grande aoorte souterraine
dans la veine qui ralentit un peu
à l'arrivée dans la grotte estomac -de- la- terre
L'enfant étonné écoute l'eau
et le silence entre les stalactites
que font en battant dans le noir hypofgée
les ailes du paillon aveugle des cavernes
nommé Triphosa dubitata
L'oeil du coeur en s'ouvrant et fermant
fut la source d'où naquit le cycle des temps
Claude Roy
de son recueil "Sais-tu si nous sommes encore loin de la mer ? "(Epopée cosmogonique, géologique, hydraulique, philosophique et pratique en douze chants et en vers )
Chopin - Adagio _ Moïse Alfred de Vigny
Chopin - Adagio153
Moïse
Le soleil prolongeait sur la cime des tentes
Ces obliques rayons, ces flammes éclatantes,
Ces larges traces d'or qu'il laisse dans les airs,
Lorsqu'en un lit de sable il se couche au désert.
La pourpre et l'or semblaient revêtir la campagne.
Du stérile Nébo gravissant la montagne,
Moïse homme de Dieu, s'arrête et sans orgueil,
Sur le vaste horizon promène un long coup d'oeil.
Il voit d'abord Phasga, que des figuiers entourent;
Puis au-delà des monts que ses regards parcourent,
S'étend tout Galaad, Ephraïm, Manassé,
Dont le pays fertile à sa droite est placé;
Vers le Midi , Juda grand et stérile , étale
Ses sables où s'endort la mer occidentale;
Plus loin dans un vallon que le soir a pâli,
Couronné d'Oliviers , se montre Nephtali;
Dans des plaines de fleurs magnifiques et calmes
Jericho s'aperçoit, c'est la ville des palmes;
Et prolongeant ses bois des plaines de Phogor
Le lentisque touffu s'étend jusqu'à Segor.
Il voit tout Canaan et la terre promise,
Où sa tombe, il le sait, ne sera point admise.
Il voit ; sur les Hébreux étend sa grande main ,
Puis vers le haut du mont il reprend son chemin .
_____
Or, des champs de Moab couvrant la vaste enceinte,
Pressés au large pied de la montagne sainte,
Les enfants d' Israël s'agitaient au vallon
Comme les blés épais qu'agite l' aquilon.
Dès l'heure où la rosée humecte l'or des sables
Et balance sa perle au sommet des érables,
Prophète centenaire , environné d'honneur,
Moïse était parti pour trouver le seigneur.
On le suivait des yeux aux flammes de sa tête,
Et , lorsque du grand mont il atteignit le faîte
Lorsque son front perça le nuage de Dieu
Qui couronnait d'éclairs, la cîme du haut lieu,
L'encens brûla partout suur les autels de pierre,
Et six cent mille hébreux , courbés dans la poussière
A l'ombre du parfum par le soleil doré,
Chantèrent d'une voix le cantique sacré;
Et les fils de Lévi , s'élevant sur la foule,
Tels qu'un bois de cyprès sur le sable qui roule,
Du peuple avec la harpe accompagnant les voix,
Dirigeaient vers le ciel l'hymne du Roi des Rois.
_______
Et debout devant Dieu , Moïse ayant pris place,
Dans le nuage obscur lui parlait , face à face .
Il disait au Seigneur : " Ne finirai-je pas ?
Où voulez-vous encore que je porte mes pas?
Je vivrai donc toujours puissant et solitaire?
Laissez-moi m'endormir du soleil de la terre._
Que vous ai-je donc fait pour être votre élu?
J'ai conduit votre peuple où vous avez voulu.
Voilà que son pied touche à la terre promise.
De vous à lui , qu'un autre accepte l'entremise,
Au coursier d' Israël qu'il attache le frein ;
Je lui lègue mon livre et la verge d'airin.
____
Pourquoi vous fallut-il tarir mes espérances
Ne pas me laisser homme avec mes ignorances,
Puisque du mont Horeb jusques au mont Nebo
Je n'ai pas pu trouver le lieu de mon tombeau?
Hélas, vous m'avez fait sage parmi les sages !
Mon doigt du peuple errant a guidé les passages .
J'ai fait pleuvoir le feu sur la tête des rois;
L'avenir à genoux adorera mes lois ;
Des tombes des humains j'ouvre la plus antique,
La mort trouve à ma voix une voix prophétique ,
Je suis très grand , mes pieds sont sur les nations,
Hélas ! Je suis Seigneur , puissant et solitaire,
Laissez-moi m'endormir du soleil de la terre !
____
Hélas ! je sais aussi tous les secrets des cieux,
Et vous m'avez prêté la force de vos yeux.
Je commande à la nuit de déchirer ses voiles;
Ma bouche par leur nom à compter les étoiles,
Et, dès qu'au firmament mon geste l'appela,
Chacune s'est hâtée, en disant : Me voilà.
J'impose mes deux mains sur le front des nuages
Pour tarir dans leurs flancs la source des orages;
J'engloutis les cités sous les sables mouvants;
Je renverse les monts sous les ailes du vent;
Mon pied infatigable est plus fort que l'espace;
Le fleuve aux grandes eaux se range quand je passe,
Et la voix de la mer se tait devant ma voix.
Lorsque mon peuple souffre, ou qu'il lui faut des lois,
J'élève mes regards , votre esprit me visite;
La terre alors chancelle et le soleil hésite,
Vos anges sont jaloux et m'admirent entre eux._
Et cependant Seigneur , je ne suis pas heureux;
Vous m'avez fait vieillir puissant et solitaire
Laissez-moi m'endormir du sommeil de la terre.
____
Sitôt que votre souffle a rempli le berger,
Les hommes se sont dit : il nous est étranger ;
Et leurs yeux se baissaient devant mes yeux de flammes,
Car ils venaient ,hélas ! d'y voir plus que mon âme.
J'ai vu l'amour s'éteindre et l'amitié tarir,
Les vierges se voilaient et craignaient de mourir.
M'enveloppant alors de la colonne noire,
J'ai marché devant vous , triste et seul dans ma gloire,
Et j'ai dit dans mon coeur : Que vouloir à présent ?
Pour dormir sur un sein mon front est trop pesant,
Ma main laisse l'effroi sur la main qu'elle touche,
L'orage est dans ma voix, l'éclair est sur ma bouche;
Aussi, loin de m'aimer, voilà qu'ils tremblent tous,
O Seigneur , j'ai vécu puissant et solitaire,
Laissez-moi m'endormir du sommeil de la terre .
____
Or, le peuple attendait, et, craignant son courroux,
Priait sans regarder le mon du Dieu jaloux;
Car s'il levait les yeux , les flancs noirs du nuage ,
Roulaient et redoublaient les foudres de l'orage,
Et le feu des éclairs, aveuglant les regards,
Enchainait tous les fronts courbés de toutes parts,
Bientôt le haut du mont reparut sans Moïse.--
Il fut pleuré. -- Marchant vers la terre promise,
Josué s'avançait pensif et pâlissant,
Car il était déjà l'élu du Tout-Puissant .
Alfred de Vigny ,1822
Moïse Michel Ange |
Un petit bonjour d'Elena ...avec Chopin
Ne croyez pas que j'aie oublié Elena ! Tous les trésors du monde n'y parviendraient pas !!
Au contraire ils me la rappellent à chaque instant :-)
Mais c'est un bon jour pour l'évoquer et danser avec son fantôme .
Evgeny Kissin. Chopin, Valse n°7 Op. 64 N°2.
mardi 20 décembre 2011
dimanche 18 décembre 2011
Cioran : Les grandes nations , les grands peuples ..et les autres
Cioran : La tentation d'exister
Petite théorie du destin
Cioran n'épargne personne , il griffe , il égratigne , dans une volonté de lucidité qui ressemble bien au desespoir inconsolable d'un absolu impossible mais il sait aussi retourner favorablement la malédiction de l'histoire en auréolant les vaincus , les perdants de défauts admirables .
D'ailleurs jusqu'à présent nous n'avons pas vu l'ombre d'un vainqueur , si ce n'est la marche inexorable du temps qui règle aussi bien le sort des civilisations .que le destin des hommes .
Le philosophe de Rembrandt |
"Comment croire aux philosophies quand on sait de quels regards pâles elles sont le reflet ? L'habitude du raisonnement et de la spéculation est l'indice d'une insuffisance vitale et d'une déterioration de l'affectivité .
Pensent avez méthode ceux là seuls qui , à la faveur de leurs déficiences parviennent à s'oublier , à ne plus faire corps avec leurs idées : la philosophie apanage d'individus et de peuples biologiquement superficiels ."
C'est Cioran, le philosophe, qui le dit ..
Les grandes nations et les grands peuples
Musée de l'Hermitage Saint Petersbourg |
La Russie : Les personnages de Dostoievski la mettent sur le même pied que Dieu , puisque le mode d'interrogation appliqué à celui-ci , ils l'étendent à celle-là : faut-il croire à la Russie ? Faut-il la nier ? existe-t-elle réellement ou n'est -elle qu'un pretexte ? S'interroger de la sorte c'est poser en termes théologiques un problème local . Mais justement , pour Dostoievski, la Russie , loin d'être un problème local , est un problème universel , au même titre que l'existence de Dieu .
L'Escurial de Madrid De Philippe II |
L'Espagne : C'est le mérite de l' Espagne de proposer un type de developpement insolite , un destin génial et inachevé. (On dirait un Rimbaud incarné dans une collectivité )....
Et les "petits peuples" , les autres les Roumains par exemple puisque Cioran nous parle de lui
Château de Bran ( http://exporoumanie.free.fr/bran1.htm) |
Etre français est une évidence : on n'en souffre ni on ne s'en réjouit ; on dispose d'une certitude qui justifie la vieille interrogation : "Comment peut on être Persan ? "
Le paradoxe d'être persan (en l'occurrence roumain ) est un tourment qu'il faut savoir exploiter , un défaut dont on doit tirer profit ...... Gardons nous pourtant de trop nous plaindre : n'est-il pas réconfortant de pouvoir opposer aux désordres du monde la cohérence de nos misères et de nos défaites ? Et n'avons -nous pas , face au dilettantisme universel, la consolation de posséder , en matière de douleurs, une compétence d'écorchés et d'érudits ?
samedi 17 décembre 2011
Sibelius : Symphony N° 3 (mvt. II)
Un morceau qui m'enchante !... Le thème en est probablement tiré de mélodies populaires . Danses paysannes autour de feux de l'été, , cortège de noces ou simple promenade bucolique sur des sentiers pierreux ? La simplicité en est émouvante à cause sans doute de cette gaîté qui se fond dans la mélancolie .... comme tout regard lucide sur l'existence dont on accueille les joies qu'on sait si éphémères .
Sibelius : Symphony N° 3 (mvt. II)
Renoir : chemin montant dans les Hautes herbes |
Cioran , Sur une civilisation essoufflée :Décadence de l'Occident, vacuité vaine, mais la Musique !!!
Cioran : la tentation d'exister
chapitre 2
Sur une civilisation essoufflée
(Sur la décadence de l'Europe )
(Sur la décadence de l'Europe )
vendredi 16 décembre 2011
Apocalyptica - Seeman
jeudi 15 décembre 2011
Héautontimoroumenos...Cioran, Baudelaire
C'est Cioran qui me ramène encore une fois à Baudelaire ..
Une pierre dans mon jardin contre mon universalisme
"Que l'homme n'aime rien et il sera invulnérable" Tchouang-Tse , la sagesse asiatique indienne ou chinoise , autant qu'elle peut nous paraitre juste et ideale est inaccessible à l'occidental façonné dans l'esprit de révolte et pour qui soufrir est la seule modalité d'acquérir la sensation d'exister .
"Le taoisme m'apparait comme le premier et le dernier mot de la sagesse: j'y suis pourtant réfractaire, mes instincts le refusent, comme ils refusent de subir quoi que ce soit, tant pèse sur nous l'hérédité de la rébellion ."
"....Or il faut bien l'avouer : nous avons le phénomène dans le sang. Nous pouvons le mépriser ou l'abhorrer , il n'en est pas moins notre patrimoine, notre capital de grimaces , le symbole de notre crispation ici-bas. Race de convulsionnaires, au centre d'une farce aux dimensions cosmiques, nous avons imprimé à l'univers les stigmates de notre histoire et, cette illumination qui convie à périr tranquillement, nous n'en serons jamais capables. C'est par nos oeuvres ce n'est pas par nos silences , que nous avons choisi de disparaitre : notre avenir se lit dans le ricanement de nos figures, dans nos traits de poètes meurtis et affairés. Le sourire de Bouddha , ce sourire qui surplombe le monde , n'éclaire point nos visages. A la limite nous concevons le bonheur; jamais la félicité, apanage de civilisations fondées sur l'idé&e de salut, sur le refus de savourer ses maux, de s'y delecter ; mais sybarites de la douleur, rejetons d'une tradition masochiste, qui de nous balancerait entre le Sermon de Bénarès et l'Heautontimoroumenos , "Je suis la plaie et le couteau ", voilà notre absolu , notre éternité....."
Cioran : la Tentation d'exister
(1956)
(1956)
1er chapitre : " Penser contre soi "
"Que l'homme n'aime rien et il sera invulnérable" Tchouang-Tse , la sagesse asiatique indienne ou chinoise , autant qu'elle peut nous paraitre juste et ideale est inaccessible à l'occidental façonné dans l'esprit de révolte et pour qui soufrir est la seule modalité d'acquérir la sensation d'exister .
"Le taoisme m'apparait comme le premier et le dernier mot de la sagesse: j'y suis pourtant réfractaire, mes instincts le refusent, comme ils refusent de subir quoi que ce soit, tant pèse sur nous l'hérédité de la rébellion ."
"....Or il faut bien l'avouer : nous avons le phénomène dans le sang. Nous pouvons le mépriser ou l'abhorrer , il n'en est pas moins notre patrimoine, notre capital de grimaces , le symbole de notre crispation ici-bas. Race de convulsionnaires, au centre d'une farce aux dimensions cosmiques, nous avons imprimé à l'univers les stigmates de notre histoire et, cette illumination qui convie à périr tranquillement, nous n'en serons jamais capables. C'est par nos oeuvres ce n'est pas par nos silences , que nous avons choisi de disparaitre : notre avenir se lit dans le ricanement de nos figures, dans nos traits de poètes meurtis et affairés. Le sourire de Bouddha , ce sourire qui surplombe le monde , n'éclaire point nos visages. A la limite nous concevons le bonheur; jamais la félicité, apanage de civilisations fondées sur l'idé&e de salut, sur le refus de savourer ses maux, de s'y delecter ; mais sybarites de la douleur, rejetons d'une tradition masochiste, qui de nous balancerait entre le Sermon de Bénarès et l'Heautontimoroumenos , "Je suis la plaie et le couteau ", voilà notre absolu , notre éternité....."
L'enfer : Bouguereau |
L'héautontimorouménos
A J. G. F.
Je te frapperai sans colère
Et sans haine, comme un boucher,
Comme Moïse le rocher !
Et je ferai de ta paupière,
Pour abreuver mon Saharah,
Jaillir les eaux de la souffrance.
Mon désir gonflé d'espérance
Sur tes pleurs salés nagera
Comme un vaisseau qui prend le large,
Et dans mon coeur qu'ils soûleront
Tes chers sanglots retentiront
Comme un tambour qui bat la charge !
Ne suis-je pas un faux accord
Dans la divine symphonie,
Grâce à la vorace Ironie
Qui me secoue et qui me mord ?
Elle est dans ma voix, la criarde !
C'est tout mon sang, ce poison noir !
Je suis le sinistre miroir
Où la mégère se regarde.
Je suis la plaie et le couteau !
Je suis le soufflet et la joue !
Je suis les membres et la roue,
Et la victime et le bourreau !
Je suis de mon coeur le vampire,
- Un de ces grands abandonnés
Au rire éternel condamnés,
Et qui ne peuvent plus sourire !
Je te frapperai sans colère
Et sans haine, comme un boucher,
Comme Moïse le rocher !
Et je ferai de ta paupière,
Pour abreuver mon Saharah,
Jaillir les eaux de la souffrance.
Mon désir gonflé d'espérance
Sur tes pleurs salés nagera
Comme un vaisseau qui prend le large,
Et dans mon coeur qu'ils soûleront
Tes chers sanglots retentiront
Comme un tambour qui bat la charge !
Ne suis-je pas un faux accord
Dans la divine symphonie,
Grâce à la vorace Ironie
Qui me secoue et qui me mord ?
Elle est dans ma voix, la criarde !
C'est tout mon sang, ce poison noir !
Je suis le sinistre miroir
Où la mégère se regarde.
Je suis la plaie et le couteau !
Je suis le soufflet et la joue !
Je suis les membres et la roue,
Et la victime et le bourreau !
Je suis de mon coeur le vampire,
- Un de ces grands abandonnés
Au rire éternel condamnés,
Et qui ne peuvent plus sourire !
Ch. Baudelaire : les fleurs du mal LXXXIII
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