mercredi 28 novembre 2012

Georges Steiner : poésie de la pensée .




Quatrième de couverture

Les praticiens l'ont toujours su. Dans toute philosophie, concédait Sartre, il y a «une prose littéraire cachée». Ce qu'on a moins élucidé, c'est la pression formatrice incessante des formes du discours, du style, sur les programmes philosophiques et métaphysiques. À quels égards une proposition philosophique, même dans la nudité de la logique de Frege, est-elle une rhétorique ? Peut-on dissocier un système cognitif ou épistémologique de ses conventions stylistiques, des genres d'expression qui prévalent ou sont contestés à l'époque ou dans le milieu qui sont les siens ? Dans quelle mesure les métaphysiques de Descartes, Spinoza ou Leibniz sont-elles conditionnées par les éléments constituants et l'autorité sous-jacente d'une latinité partiellement artificielle au sein de l'Europe moderne ? Quand, tels Nietzsche et Heidegger, le philosophe entreprend d'assembler une langue nouvelle, son idiolecte propre à son dessein est lui-même saturé par le contexte oratoire, familier ou esthétique. L'association étroite de la musique et de la poésie est un lieu commun, toutes deux partageant les catégories du rythme, du phrasé, de la cadence, de la sonorité, de l'intonation et de la mesure. «La musique de la poésie» est exactement cela. Y aurait-il, en un sens apparenté, «une poésie, une musique de la pensée» plus profonde que celle qui s'attaque aux usages extérieurs de la langue, au style ? Ces aspects de la «stylisation» de certains textes philosophiques, de l'engendrement de ces textes via des outils et des modes littéraires, George Steiner nous les restitue dans son souci d'«écouter plus attentivement».

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire