jeudi 16 juin 2011

Le discours amoureux (Roland Barthes)

Canova Eros  et  Psyché



Roland Barthes  comme chacun sait a dressé la lexicographie du langage attaché au mythe de l’amour en puisant aussi bien, texte ou image, chez nos grands auteurs que chez l’amoureux ordinaire .
Je vous propose  quelques  fragments   des « Fragments du discours amoureux »:

 [...]
S’abîmer : Bouffée d’anéantissement qui vient au sujet amoureux , par désespoir ou par comblement . Chez Baudelaire
La bouffée d’abîme peut venir d’une blessure , mais aussi d’une fusion : nous mourons ensemble de nous aimer : mort ouverte , par dilution dans l’éther , mort close du tombeau commun. Baudelaire : la mort des amants.
L’absent :Je tiens sans fin à l’absent le discours de son absence ; situation en somme inouïe ; l’autre est absent comme référent, présent comme allocutaire . De cette distorsion singulière , nait une sorte de présent insoutenable ; je suis coincé entre deux temps , le temps de la référence et le temps de l’allocution : tu es parti(de quoi je me plains), tu es là (puisque je m’adresse à toi). Je sais alors ce qu’est le présent, ce temps difficile , un pur morceau d’angoisse.
L’absence est la figure  de la privation ; tout à la fois , je désire et j’ai besoin. Le désir s’écrase sur le besoin : c’est là le fait obsédant du sentiment amoureux .
L’absence de l’autre me tient la tête sous l’eau ; peu à peu, j’étouffe , mon air se raréfie : c’est par cette asphyxie que je reconstitue ma « vérité » et que je prépare l’Intraitable de l’amour. (un koan bouddhique)

Adorable : Ne parvenant pas à nommer la spécialité de son désir pour l’être aimé  le sujet amoureux aboutit à ce mot un peu bête : adorable !
Je rencontre dans ma vie des millions de corps ; de ces millions je puis en désirer des centaines ; mais de ces centaines, je n’en aime qu’un. L’autre dont je suis amoureux me désigne la spécialité de mon désir .

L’attente : L’être que j’attends n’est pas réel. .. »je le crée , je le recrée sans cesse à partir de ma capacité d’aimer , à partir du besoin que j’ai de lui « : l’autre vient là où je l’attends, là où je l’ai déjà crée. Et s’il ne vient pas  je l’hallucine : l’attente est un délire (Winnicott)
Suis-je amoureux ? oui puisque j’attends L’autre , lui n’attend jamais .L’identité fatale de l’amoureux n’est rien d’autre que : je suis celui qui attend .

Catastrophe : crise violente au cours de laquelle le sujet éprouvant la situation amoureuse comme une impasse définitive, un piège dont il ne pourra jamais sortir , se voit voué à une destruction totale de lui-même.

Jalousie : quand j’aime je suis très exclusif , refuser la jalousie c’est donc transgresser une loi (Freud)
Comme jaloux je souffre quatre fois !: parce que je suis jaloux, parce que je me reproche de l’être , parce que je crains que ma jalousie ne blesse l’autre, parce que je me laisse assujettir à une banalité : je soufffre d’être exclu, d’être agressif , d’être fou  et d’être commun.

Je t’aime : passé le premier aveu « je t’aime «  ne veut plus rien dire .

Je t’aime est sans emplois. Ce mot pas plus que celui d’un enfant , n’est pris sous aucune contrainte sociale ; ce peut être un mot sublime, solennel, léger ; ce peut être un mot érotique , pornographique . c’est un mot socialement baladeur .
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