vendredi 10 juin 2011

Pablo Neruda le jeune provincial ....


Le Jeune provincial


  Je me souviens aussi qu'une fois, comme je cherchais les menus objets et les êtres minuscules de mon univers d'enfant, au fond de la maison, j'aperçus un trou dans une des planches de notre palissade. Je regardai par l'orifice et je vis un terrain pareil à celui de ma maison, inculte et livré à lui-même. Je reculai de quelques pas car j'avais la vague impression que quelque chose allait se passer. Soudain une main apparut. C'était la main fluette d'un enfant de mon âge. Lorsque je m'approchai la main avait disparu et à sa place il y avait une toute petite brebis blanche.
C'était une brebis de laine déteinte, un jouet dont les roues s'étaient échappées. Je n'avais jamais vu une brebis aussi jolie. Je rentrai à la maison et en ressorti avec un cadeau que je déposai au même endroit: une pomme de pin entr'ouverte, parfumée et balsamique, que j'adorais.
Je ne revis pas la main de l'enfant. Jamais je n'ai revu une brebis comme celle-là. Je la perdis dans un incendie. Maintenant encore, oui, aujourd'hui, quand je passe devant la boutique d'un marchand de jouets, je regarde furtivement l'étalage. C'est inutile. On n'a pas refait de brebis comme celle-là.


(J'avoue  que j'ai  vécu )

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