Nicola Benedetti - The Lark Ascending
Vaughan Williams
La nécessité de l'option me fut toujours intolérable; choisir m'apparaissait non tant élire, que repousser ce que je n'élisais pas .
Je comprenais épouvantablement l'étroitesse des heures, et que le temps n'a qu'une dimension; c'était une ligne que j'eusse souhaitée spacieuse, et mes desirs en y courant, empiétaient nécessairement l'un sur l'autre. Je ne faisais jamais que ceci ou que celà. Si je faisais ceci , celà m'en devenait aussitôt regrettable, et je restais souvent sans plus oser rien faire, éperdument et comme les bras toujours ouverts, de peur, si je les refermais pour la prise, de n'avoir saisi qu'une chose. L'erreur de ma vie fut dès lors de ne continuer logtemps aucuune étude, pour n'avoir su prendre mon parti de renoncer à beaucoup d'autres. N'importe quoi s'achetait trop cher à ce prix-là, et les raisonnements ne pouvaient venir à bout de ma détresse. Entrer dans un marché de délices, en ne disposant (grâce à Qui ? ) que d'une somme trop minime . En disposer! Choisir c'était renoncer pour toujours, pour jamais, à tout le reste et la quantité nombreuse de ce reste demeurait préférable à n'importe qu'elle unité.
De là me vint d'ailleurs un peu de cette aversion pour n'importe qu'elle possession sur la terre; la peur de n'aussitôt plus posseder que celà .
[...]
Heureux pensais-je , qui ne s'attache à rien sur la terre et promène une éternelle ferveur à travers les constantes mobilités.
[...]
André Gide les nourritures terrestres Livre quatrième .
Lark ascending 2010 |
Une journée défile, je la vois ponctuée des gestes et des heures.
RépondreSupprimerJe n'ai aucune prise dessus : on pourrait dire qu'elle m'étreint, comme si elle recouvrait le corps d'une carapace infranchissable.
Pendant le temps qu'il nous est donné, les choses à faire sont à inscrire à notre compte. On les accomplit, telles celles d'un rituel.
Il y a des actions répétitives : se dresser, se mouvoir, préparer à manger, relever son courrier, bref, accomplir mains gestes, même s'ils ne sont que de peu d'importance.
A l'inverse, ne pas les faire, ce serait se rendre inutile, dissoudre les possibles dans un espace sans limite :
laisser un lent fleuve s'écouler hors de notre portée .
A la façon d'un musique indienne qui échapperait aux barres de mesure, flottant hors du temps, hors du rythme ordonné et mesurable, hors de soi, en quelque sorte :
concernant la musique, toujours, je me rappelle d'une pochette de disque, illustrant une portée, comme si elle était faite d'un matériau inflammable.
Les cinq horizontales qui maintiennent les notes, brûlant et se recroquevillant... je me suis demandé ce que devenaient les notes : les croches et les blanches, les soupirs et les bémols......
est-ce que les notes chuteraient, n'étant plus tenues entre ces lignes, ou , au contraire, flotteraient et deviendraient indépendantes... , libérées de leur portée, comme nous pourrions l'être des heures...
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C'est une très belle réflexion sur les actions simples et ordinaires qui s'enrichissent du sens qu'elles donnent à la vie , une densité à l'existence, parce que s'y plier c'est accepter notre condition, accomplir la mission de tout homme de bien (au sens de Montaigne )participer à l'ordre du monde .Surtout si on y ajoute la valeur d'un rituel.
RépondreSupprimerTrop souvent on néglige ces choses pour courir vers d'autres plus lumineuses mais éphémères et illusoires.
Quant à la musique je vois le poète que tu es , s'accrochant aux notes qui lui échappent ,comme un essaim de joyeux bambins , essayant de les discipliner affectueusement pour leur rappeler leurs devoirs d'harmonie !! Tes pensées de ce jour étaient imprégnées de sagesse .
Nos heures oisives sont le plus souvent aussi peu productives que ces notes sans partitions :-)