Charles François Daubigny Bord de mer (1873) |
I
Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu , vive clarté de nos étés trop courts !
J'entends déjà tomber avec des choc funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.
Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.
J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe;
L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.
Il me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? - C'était hier l'été ; voici l'automne !
II
J'aime de vos longs yeux la couleur verdâtre .
Douce beauté , mais tout aujourd'hui m'est amer,
Et rien, ni votre amour , ni le boudoir, ni l'âtre ,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer .
Et pourtant aimez-moi, tendre coeur ! Soyez mère,
Même pour un ingrat, même pour un méchant ;
Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère
D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant.
Courte tâche ! La tombe attend ; elle est avide !
Ah! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,
Goûter, en regrettant l'été blanc et torride,
De l'arrière-saison le rayon jaune et doux !
Les fleurs du mal, Spleen et idéal.
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