samedi 29 septembre 2012

Les déluges en Grèce : Ogygès et Deucalion


Turner  :Déluge   vers   1805 

Le déluge   d’Ogygés

Du  nom  du  Roi  de  Thèbes  en  Béotie  ,  aurait   précédé  celui  de Deucalion .

Leon Comerre :Déluge (1890)

 

Déluge  de  Deucalion


Un soir, Lycaon, roi d'Arcadie, fut l'hôte de Zeus. Pour le mettre à l'épreuve Lycaon lui servit la chair de l'un de ses cinquante fils. Zeus s'en aperçut. Furieux et indigné, il quitta la table en la renversant et foudroya Lycaon ainsi que sa famille. Remonté dans les cieux, Zeus convoqua les siens, résuma la situation et jura sur le Styx de détruire le genre humain afin de préserver les nymphes, satyres et autres divinités secondaires. Après avoir d'abord pensé à foudroyer la Terre, il se ravisa, se souvenant que le destin du monde était de périr embrasé ; aussi préféra-t-il la noyer
Les flots envahirent la terre et emportèrent hommes, animaux et constructions. Certains tentèrent de se réfugier sur des hauteurs ou dans des barques. Même Les oiseaux ne trouvant plus de perchoir se noyèrent. Les nymphes de la mer pouvaient évoluer dans les maisons, parcs et jardins des villes. Les dauphins se heurtaient aux arbres des forêts.
La faim tiraillait les derniers survivants. Pourtant deux personnes survécurent, Deucalion et Pyrrha. En effet, Prométhée leur avait conseillé de construire une arche ou ils embarquèrent seuls. Après neuf jours et neuf nuits de dérive, ils accostèrent sur l'une des deux cimes du Mont Parnasse en Thessalie. À peine débarqués, il rendirent hommage aux nymphes de la montagne et à Thémis Zeus satisfait fit cesser le déluge. Notos retourna auprès de ses frères tandis que Poséidon déposa son trident et ordonna à Triton de souffler dans sa conque le signal de la retraite. Toutes les eaux se retirèrent et le monde réapparut. Deucalion et Pyrrha, qui se rendirent rapidement compte de leur solitude, décidèrent de se rendre sur les bords du Céphise afin d'y interroger les oracles. Là, ils se purifièrent et implorèrent Thémis dans son temple en lui demandant comment remédier aux dégâts subis par les mortels. La réponse fut surprenante : ils devaient s'éloigner du temple, la tête voilée et lancer en marchant les os de leur grand-mère. De quelle grand-mère pouvait-il bien s'agir ? Après mûre réflexion, il s'avéra que cette grand-mère n'était autre que la Terre, dont les os étaient les pierres. En suivant les conseils de Thémis, il s'exécutèrent.  Peu à peu, les pierres prirent forme humaine. Les pierres lancées par Deucalion engendrèrent des hommes, et celles lancées par Pyrrha, des femmes. Quant aux autres espèces, la Terre les engendra d'elle-même au fil du temps.

Turchi   Alessandro   Déluge

Le Déluge  de   Deucalion  dans  

les Métamorphoses  d’ Ovide

Livre I   ; v.257
[…]
Les dieux approuvent les paroles de Jupiter, ceux-ci par de bruyantes acclamations, et en excitant son courroux, ceux-là par un muet assentiment ; mais la perte du genre humain est pour tous un sujet de douleur. Que deviendra la terre, veuve de ses habitants ? Qui désormais brûlera l’encens sur leurs autels ? Va-t-il donc livrer le monde à la fureur des bêtes féroces ? Le souverain des Dieux se charge de pourvoir à tout : il fait cesser leurs demandes et leur inquiétude, en leur promettant une nouvelle race, différente de la première, et dont l’origine sera merveilleuse.
Déjà prêt à foudroyer toute la terre, il craint que tant de feux partout allumés n’embrasent la voûte des cieux, et ne consument l’axe du monde dans toute son étendue. Il se souvient que les Destins ont fixé dans l’avenir un temps où la mer et la terre et le palais des cieux seront dévorés par les flammes, où la machine merveilleuse du monde s’abîmera dans un vaste embrasement. Il dépose ses traits forgés de la main des Cyclopes, et choisit un autre genre de châtiment : il veut engloutir le genre humain sous les eaux, qui, de toutes les parties du ciel, se répandront en torrents sur la terre. Il enferme soudain dans les antres d’Éole l’Aquilon et tous les vents qui dissipent les nuages, et ne laisse que l’Autan en liberté. L’Autan vole, porté sur ses ailes humides : son visage terrible est couvert d’un épais et sombre nuage, sa barbe est chargée de brouillards, sur son front s’assemblent les nuées ; l’eau ruisselle de ses cheveux blancs, de ses ailes et de son sein. Dès que sa main a pressé les nuages suspendus dans les airs, un grand bruit se fait entendre, et des torrents de pluie s’échappent du haut des cieux. La messagère de Junon, parée de ses mille couleurs, Iris aspire les eaux de la mer et alimente les nuages. Les moissons sont renversées, les espérances du laboureur détruites sans retour, et, dans un instant, périt tout le fruit de l’année et de ses longs travaux. Les eaux qui tombent du ciel ne suffisent pas à la colère de Jupiter : le roi des mers, son frère, lui prête le secours de ses ondes. Il convoque les dieux des fleuves, et, dès qu’ils sont entrés dans son palais : « Qu’est-il besoin de longs discours ? dit-il. Il s’agit de déployer toutes vos forces : allez, ouvrez vos sources, renversez vos digues, et donnez carrière à vos flots déchaînés ». Il parle : on obéit, et les fleuves, forçant les barrières qui retiennent leurs eaux, précipitent vers la mer leur course impétueuse. Neptune lui-même frappe la terre de son trident : elle tremble, et les eaux s’élancent de leurs gouffres entr’ouverts. Les fleuves débordés roulent à travers les campagnes, entraînant ensemble dans leur course les plantes et les arbres, les troupeaux, les hommes, les maisons et les sanctuaires des dieux, avec leurs saintes images. Si quelque édifice reste encore debout et résiste à la fureur des flots, l’onde en couvre bientôt le faîte, et les plus hautes tours sont ensevelies dans un profond abîme. Déjà la terre ne se distinguait plus de l’Océan : la mer était partout, et la mer n’avait pas de rivages. L’un gagne le sommet d’une colline, l’autre se jette dans un esquif, et promène la rame dans le champ où naguère il conduisait la charrue. Celui-ci passe dans sa nacelle au-dessus de ses moissons ou de sa maison submergée ; celui-là trouve des poissons sur la cime d’un ormeau. Si l’ancre peut être jetée, c’est dans l’herbe d’une prairie qu’elle va s’arrêter ; les barques s’ouvrent un chemin sur les coteaux qui portaient la vigne ; les phoques monstrueux reposent dans les lieux où paissaient les chèvres légères. Les Néréides s’étonnent de voir au fond des eaux, des bois, des villes, des palais ; les dauphins habitent les forêts, et bondissent sur la cime des chênes qu’ils ébranlent par de violentes secousses. On voit nager le loup au milieu des brebis ; les flots entraînent les lions et les tigres farouches ; également emportés, les sangliers ne peuvent trouver leur salut dans leur force, ni les cerfs dans leur vitesse. Las de chercher en vain la terre pour y reposer ses ailes, l’oiseau errant se laisse tomber dans la mer. L’immense débordement des eaux couvrait les montagnes, et, pour la première fois, leurs sommets étaient battus par les vagues. La plus grande partie du genre humain périt dans les flots : ceux que les flots ont épargnés deviennent les victimes du supplice de la faim.
L’Attique est séparée de la Béotie par la Phocide, contrée fertile avant qu’elle fût submergée ; mais alors, confondue tout à coup avec l’Océan, ce n’était plus qu’une vaste plaine liquide. Là s’élève jusqu’aux astres un mont dont la double cime se perd au sein des nues : le Parnasse est son nom ; c’est sur cette montagne, seul endroit de la terre que les eaux n’eussent pas couvert, que s’arrêta la faible barque qui portait Deucalion et sa compagne. Ils adorent d’abord les Nymphes de Coryce, les autres dieux du Parnasse, et Thémis, qui révèle l’avenir, et qui rendait alors ses oracles en ces lieux. Jamais homme n’eut plus de zèle que Deucalion pour la vertu et pour la justice, jamais femme n’eut pour les dieux plus de respect que Pyrrha. Quand Jupiter a vu le monde changé en une vaste mer, et que de tant de milliers d’hommes, de tant de milliers de femmes qui l’habitaient, il ne reste plus qu’un homme et qu’une femme, couple innocent et pieux, il écarte les nuages, ordonne à l’Aquilon de les dissiper, et découvre la terre au ciel et le ciel à la terre.
Cependant le courroux de la mer s’apaise, le souverain des eaux dépose son trident et rétablit le calme dans son empire. Voyant, au-dessus des profonds abîmes, Triton, dont les épaules d’azur se couvrirent en naissant d’écailles de pourpre, il l’appelle et lui commande d’enfler sa conque bruyante, et de donner aux ondes et aux fleuves le signal de la retraite ; soudain, Triton saisit ce clairon creux et recourbé, qui va toujours s’élargissant par d’obliques détours, ce clairon terrible, qui, lorsqu’il sonne du milieu de l’Océan, fait retentirde sa voix les rivages où le soleil et se lève et se couche. Dès que la conque eut touché les lèvres humides du Dieu dont la barbe distille l’onde, et transmis en résonnant les ordres de Neptune, les flots de l’Océan et ceux des fleuves l’entendirent, et tous se retirèrent. Déjà la mer a retrouvé ses rivages ; les fleuves décroissent et rentrent dans leur lit, assez large pour les contenir tout entiers ; les collines semblent sortir des eaux, la terre surgit par degrés, et paraît s’élever à mesure que les eaux s’abaissent ; si longtemps cachés sous les flots, les arbres découvrent leurs têtes dépouillées de feuillage, et chargées encore de limon. Le monde était enfin rendu à lui-même. À l’aspect de cette solitude désolée, où règne un profond et morne silence, Deucalion ne peut retenir ses larmes, et, s’adressant à Pyrrha :
« Ô ma sœur ! ô ma femme ! s’écrie-t-il ; ô toi qui seule survis à la destruction de ton sexe, unis jadis par le sang, par une commune origine, et bientôt par l’hymen, que le malheur resserre aujourd’hui ces nœuds. Du couchant à l’aurore, le soleil ne voit que nous deux sur la terre ; nous sommes le genre humain, tout le reste est enseveli sous les eaux. Je n’ose même encore répondre de notre salut ; ces nuages suspendus sur nos têtes m’épouvantent toujours. Infortunée ! si le ciel t’eût sauvée sans me sauver, quel serait aujourd’hui ton destin ? Seule, qui t’aiderait à supporter tes alarmes ? qui consolerait tes douleurs ? Ah ! crois-moi, chère épouse, si la mer t’avait engloutie sans moi, je t’aurais suivie, et la mer nous eût engloutis tous les deux ! Ne puis-je, à l’exemple de Prométhée mon père, faire naître une nouvelle race d’hommes, et, comme lui, souffler la vie à l’argile pétrie de mes mains ? Nous sommes, à nous deux, les seuls débris de l’espèce humaine ; les dieux l’ont ainsi voulu ; ils ont sauvé en nous un modèle des hommes ». Il dit, et tous deux pleuraient, résolus d’implorer le secours des dieux, et de consulter l’oracle. Ils se rendent sur les bords du Céphise, dont les flots, limoneux encore, coulaient déjà dans leur lit ordinaire. Quand ils ont arrosé de son eau sainte leur tête et leurs vêtements, ils dirigent leurs pas vers le temple de la déesse ; le faîte était souillé d’une mousse fangeuse, et le feu des autels éteint. Dès que leurs pieds ont touché le seuil du temple, prosternés l’un et l’autre la face contre terre, ils baisent le marbre humide avec une sainte frayeur.
« Si les dieux, disent-ils, se laissent fléchir aux humbles prières des mortels, s’ils ne sont pas inexorables, apprends-nous, ô Thémis, quelle vertu féconde peut réparer la ruine du genre humain, et montre-toi propice et secourable au monde abîmé sous les eaux ». Touchée de leur prière, la déesse rendit cet oracle : « Éloignez-vous du temple, voilez vos têtes, détachez les ceintures de vos vêtements, et jetez derrière vous les os de votre aïeule antique ». Ils demeurent frappés d’un long étonnement. Pyrrha, la première, rompt le silence et refuse d’obéir aux ordres de la déesse ; elle la prie, en tremblant, de lui pardonner, si elle n’ose outrager les mânes de son aïeule en dispersant ses os. Cependant ils cherchent ensemble le sens mystérieux que cachent les paroles ambiguës de l’oracle, et les repassent longtemps dans leur esprit. Enfin, Deucalion rassure la fille d’Épiméthée par ces consolantes paroles : « Ou ma propre sagacité m’abuse, ou l’oracle n’a point un sens impie, et ne nous conseille pas un crime. Notre aïeule, c’est la terre, et les pierres renfermées dans son sein sont les ossements qu’on nous ordonne de jeter derrière nous ». Bien que cette interprétation ait ébranlé l’esprit de Pyrrha, son espérance est encore pleine de doute, ou bien le doute combat encore son espérance, tant il leur reste d’incertitude sur le sens véritable de l’oracle divin ! Mais que risquent-ils à tenter l’épreuve ? ils s’éloignent, et, le front voilé, laissant flotter leurs vêtements, selon le vœu de Thémis, ils marchent en jetant des cailloux en arrière. Ces cailloux (qui le croirait, si l’antiquité n’en rendait témoignage ?), perdant leur rudesse première et leur dureté, s’amollissent par degrés, et revêtent une forme nouvelle. À mesure que leur volume augmente et que leur nature s’adoucit, ils offrent une confuse image de l’homme, image encore imparfaite et grossière, semblable au marbre sur lequel le ciseau n’a ébauché que les premiers traits d’une figure humaine. Les éléments humides et terrestres de ces pierres deviennent des chairs ; les plus solides et les plus durs se convertissent en os ; ce qui était veine conserve et sa forme et son nom. Ainsi, dans un court espace de temps, la puissance des dieux change en hommes les pierres lancées par Deucalion, et renouvelle, par la main d’une femme, la race des femmes éteinte. C’est de là que nous venons : race dure et laborieuse, nous témoignons sans cesse de notre origine.
La terre enfanta d’elle-même et sous diverses formes les autres animaux. Quand les feux du soleil eurent échauffé le limon qui la couvrait et mis en fermentation la fange des marais, les germes féconds qu’elle renfermait dans son sein y reçurent la vie comme dans le sein d’une mère, se développèrent par degrés et revêtirent tons une forme différente. […]

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