jeudi 12 janvier 2012

Par les nuits d'été bleues où chantent les cigales ....

Magritte


Paul  Fort 
 La  grande  ivresse

Par les  nuits d’été  bleues  où  chantent les cigales, Dieu  verse  sur  la   France   une coupe  d’étoiles, le vent  porte à  ma lèvre  un   goût  du  ciel  d’été !  Je  veux  boire  à  l’espace  fraîchement  argenté.

L’air  du  soir est  pour  moi le  bord  de la coupe froide  où , les  yeux  mi-fermés  et  la  bouche  goulue,  je  bois ,  comme  le  jus pressé d’une  grenade, la  fraîcheur  étoilée  qui  se répand  des  nues.

Couché sur un gazon  où   l’herbe  est  encore  chaude de  s’être  prélassée  à  l’haleine  du  jour,  oh ! que  je  viderais, ce soir  , avec amour, la coupe immense  et  bleue  où  le  firmament rôde !

Suis-je Bacchus  ou  Pan ? Je m’enivre  d’espace ; et  j’apaise ma  fièvre à  la  fraîcheur  des nuits. La  bouche  ouverte  au  ciel  où  grelottent  les   astres, que le  ciel  coule en  moi ! Que je me  fonde en  lui !

Enivrés par l’espace et les cieux  étoilés,  Byron et  Lamartine, Hugo,  Shelley,  sont  morts.  L’espace   est  toujours là ; il  coule illimité ; à peine ivre  il   m’emporte,  et j’avais  soif  encore !

Paul Fort , Anthologie  de la poésie  symboliste  et décadente 





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