Magritte |
Paul Fort
La grande
ivresse
Par les nuits d’été bleues
où chantent les cigales, Dieu verse
sur la France une coupe
d’étoiles, le vent porte à ma lèvre
un goût du
ciel d’été ! Je
veux boire à l’espace fraîchement
argenté.
L’air du soir est
pour moi le bord
de la coupe froide où , les yeux
mi-fermés et la
bouche goulue, je
bois , comme le jus
pressé d’une grenade, la fraîcheur
étoilée qui se répand
des nues.
Couché sur un gazon
où l’herbe est
encore chaude de s’être
prélassée à l’haleine
du jour, oh ! que
je viderais, ce soir , avec amour, la coupe immense et
bleue où le
firmament rôde !
Suis-je Bacchus
ou Pan ? Je m’enivre d’espace ; et j’apaise ma
fièvre à la fraîcheur
des nuits. La bouche ouverte
au ciel où
grelottent les astres, que le ciel
coule en moi ! Que je
me fonde en lui !
Enivrés par l’espace et les cieux étoilés,
Byron et Lamartine, Hugo, Shelley, sont
morts. L’espace est
toujours là ; il coule
illimité ; à peine ivre il m’emporte,
et j’avais soif encore !
Paul Fort , Anthologie de la poésie symboliste et décadente
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