Rodin : la danaïde |
Je dormais dans le flanc massif de la montagne....
Ses tiédeurs m'enivraient. Auprès de mon sommeil
Sourdait l'ardent effort des fleurs vers le soleil.
Rien ne troublait la paix large de la montagne..
Je dormais. Je semblais un astre dans la nuit,
Et l'ondoyant avril que l'amour accompagne
Tremblait divinement sur l'or de la campagne,
Sans rompre mon attente obscure dans la nuit.
Blancheur inviolée au fond de l'ombre éteinte,
J'ignorais le frisson du nuage, et le bruit
Des branches et des blés sous le vent qui s'enfuit
En sifflant.. je dormais au fond de l'ombre éteinte,
Lorsque tu m'arrachas à mon calme éternel,
Ô mon maître ! ô bourreau dont je porte l'empreinte !
Dans la douleur et dans l'effroi de ton étreinte,
Je vécus, je perdis le repos éternel...
Je devins la statue au front las, et la foule
Insulte d'un regard imbécile et cruel
Ma froide identité sans geste et sans appel,
Pâture du regard passager de la foule.
Et je suis la victime orgueilleuse du temps,
Car je souffre au-delà de l'heure qui s'écoule.
Mon angoisse domine altièrement la houle
Gémissante qui meurt dans l'infini du temps.
Je te hais , créateur dont la pensée austère
A fait jaillir mon corps en de fiévreux instants,
Et dont je garde au coeur les rêves sanglotants ...
Je connais les douleurs profondes de la terre,
Moi qui suis la victime orgueilleuse du temps .
(Evocations )
un peu " en opposition avec la statue de Rodin, si fluide, qui ne parait elle, pas "contrainte"
RépondreSupprimerCe que j'aime particulièrement chez Rodin et c'est ici le cas , ce que j'ai essayé de traduire dans cette association du poème et de la Danaïde , c'est le lien que le sculpteur met en évidence entre la creation humaine et son origine matérielle , la sculpture et son bloc de marbre .
RépondreSupprimerOn pourrait disserter longtemps sur les intentions métaphysiques des deux artistes ;-) Où se situe le plus le souffle de vie ?
Effectivement cette interprétation offre un autre éclairage... je trouve que l'opposition avec le "matériel", se révèle particulièrement chez Michel-Ange avec ses "esclaves", où il laisse volontairement une partie inachevée, comme prisonnière de la pierre
RépondreSupprimerConnais-tu :"Oedipe sur la route" d'Henry Bauchau ?
RépondreSupprimerL'épisode de la vague m'avait beaucoup frappée surtout par cette idée absente d'intention métaphorique (à mon sens ) évoquant la pré-existence dans la falaise , de la vague que sculpterait Oedipe . Sa communion avec la roche , par tous les sens à l'exception de la vue (autre point à creuser surement),son dialogue avec la matière que pénètrent les rêves ;-- les rêves d'ailleurs n'émanent-ils pas de la roche dont ils seraient l'âme ?--sont d'une grande puissance poétique ...
http://unsognoitaliano.blogspot.fr/2012/05/oedipe-sur-la-route-dhenry-bauchau.html