mardi 10 avril 2012

Le violon



Niccolò Paganini - Cantabile - Leonid Kogan, violon



Je ne pense pas   vous   avoir  raconté  ici  l'aventure  de   ce  violon...

L'histoire  ne  dit  pas  par  quel  hasard   il  était  venu    s'échouer dans  la  boutique  d'un   brocanteur  du   boulevard  Magenta à  Paris pas plus  que  par  quel  hasard , la première  entreprise   avec laquelle   je  pris   contact  avec la vie   de  salarié avait  des  bureaux  sur  ce même  boulevard.
 Mais  ce  qui   suivit  est  bien  naturel   , chaque matin  et  chaque soir   je  passais  devant la  vitrine  du  marchand  d'antiquités où  semblait  s'ennuyer  à  mourir (tout  comme  moi  )  un  petit  violon   poussiéreux.
Evidemment ,  n'ayant  connu  jusque  là  que   quelques  expériences  peu  convaincantes  avec  le  piano , j'ignorais  tout  du  toucher  des  cordes  et  des  épreuves  qui  m'attendaient  pour  en  tirer  les  plus modestes accords  supportables. Qu'importe, à  la fin  de  ce   premier   mois  de   dur  labeur  , je  touchais  ma  première  paie  et l'échangeais  immédiatement contre  l'instrument   qui  échappa  ainsi  à  son mouroir....

Naturellement   je  fus  bien  incapable de  le  faire  chanter malgré  l'euphorie  qu'aurait   dû  lui  inspirer   sa   libération et  comme  d'autres   préoccupations   envahirent   alors,  et mon   temps  et mon  esprit  je  rangeais  l'ingrat  soigneusement  dans  son   écrin et  l'écrin  dans ma chambre sans  toutefois  jamais  le perdre  de  vue  ...  ou  beaucoup  plus  tard  ...Il  m'accompagna dans  tous mes  déménagements  et  toutes mes  existences  .

Quand ma  fille  fut  en  âge   de commencer  à  jouer  d'un   instrument   je  le  lui  confiai  avec  toute  la  solennité   de  l'objet   sacré dans l'espoir  de la tenter  . La musique  la  tenta  effectivement   mais  elle  choisit  le piano. Ma fille eut  des  enfants  et  j'eus   la  chance  de  les  garder  . Souvent  désoeuvrés  ou  lassés  d'autres  jeux  , je  leur  confiais   mon violon . Bien  des cordes  ont  claqué  , les  archets   à force  de  se prendre  pour  des épées  ressemblèrent  vite  à  des  queues   de  cheval  ébourriffées , une  des "lames  d'ailleurs fut   brisée " et  pas  d'elfes  pour  recoller  les morceaux  . Cependant ils  étaient  "relativement  soigneux"   et le  violon exerçait  sur  eux  une  magie  apaisante .
Quelques  années  de  plus   et  le  plus  grand  s'est   aussi  mis   à  la musique  .. il  a   aussi  choisi  le  piano  .  Le  second  enfin  se  décida  pour le  violon  mais  mon instrument  favori  avait  mauvaise mine ,  on  lui en  choisit  un   plus  guilleret  .
Il  est  donc resté  dans   sa boîte,  tout  froissé   , peut  être  un  peu   vexé ..
 Mais  l'an  passé   ma fille,   pour  mon  anniversaire , m'a  réservé une merveilleuse   surprise :  elle  l'avait  fait  remettre  en  état  !!!   "un  joli  petit  Mirecourt"   avait  déclaré  le  luthier .

Il  peut  encore  chanter   mais  il  restera  fragile. Je  pense  que  son  destin   était  non  pas  de   jouer mais  de   transmettre  le  gôut  de  la musique .  

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