Alexandre et Bucéphale |
Je voudras devenir un de ceux-là
Qui passent dans la nuit sur des chevaux sauvages,
laissant flotter au vent de leur galop
les cheveux dénoués de leurs flambeaux.
Je voudrais être comme en barque, à la proue et dressé,
Grand , tel qu'un drapeau déployé;
sombre mais casqué d'or
changeant. Et en arrière,
dix hommes faits d'identiques ténèbres,
Avec des casques pareils au mien ;
Blancs comme verre, ou sombres, vieux , aveugles
Et l'un debout auprès de moi,
Du son de sa trompette élargirait l'espace,
Dans un fracas d'éclairs.
Il soufflerait autour de nous la froide solitude
que nous parcourons comme un songe bref.
Les maisons dépassées retombent à genoux,
les rues béent et biaisent,
les places reculent, mais nous prenons tout,
et nos chevaux bruissent comme une averse.
Rainer Maria Rilke "livre d'images" 1899-1905
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