LES AVEUGLES
Un poète lit ses
poèmes à des aveugles.
Il ne pensait pas
que ce serait si difficile.
Sa voix se trouble.
Ses mains tremblent.
Il ressent comment
chaque phrase
est soumise à
l’épreuve des ténèbres.
Le poème doit se
débrouiller tout seul,
sans lumières, sans
couleurs.
Dangereuse
expérience pour les étoiles du poème,
l’aube,
l’arc-en-ciel, l’inconsistance des nuages,
la lumière des
néons, le clair de lune
le scintillement
argenté du poisson dans l’eau.
le vol silencieux
de l’aigle dans ses hauteurs.
Le poète lit - il
est trop tard pour ne pas lire -
un enfant au pull
jaune dans une prairie verte,
les innombrales
toits rouges au fond de la vallée
le tourbillon des
numéros sur le maillot des joueurs
une femme
infiniment nue par la fente d’un porte.
Il voudrait bien
taire - mais c’est impossible -
la saints alignés
sur le porche de la cathédrale,
les verres du
microscope, le chatoiement d’une bague
le cinéma, les
miroirs, les portraits dans l’album.
Mais les aveugles
ont beaucoup de gentillesse,
de tact et
d’indulgence.
Ils écoutent,
sourient, et applaudissent.
Il y en a même un
qui vient trouver le poète
une livre à la main
ouvert à l’envers
pour lui demander
un autographe invisible.
CONVERSATION AVEC LA
PIERRE
Je frappe à la porte de la pierre
”C’est moi, laisse-moi entrer.
je viens te voir, te visiter
sentir ton souffle”
”Va-t-en, dit la pierre
Je suis fermée à clé.
Même brisée en morceaux
nous resterons toujours fermés,
même réduite en sable
nous ne laisserons entrer personne.”
Je frappe à la porte de la pierre.
”C’est moi, laisse-moi entrer.
Je viens par simple curiosité
et la vie est l’unique occasion.
Je voudrais seulement me promener dans ton palais
avant d’aller visiter la feuille et la goutte d’eau.
Je n’ai pas beaucoup de temps
car je n’ai qu’une vie.
- Je suis faite de pierre, dit la pierre.
Je dois rester sérieuse. Va-t-en,
tu vois bien que je n’ai pas les muscles du rire.
Je frappe à la porte de la pierre
- C’est moi, laisse-moi entrer.
On dit qu’il y a chez toi des grandes salles vides
majestueuses et sans bruit de pas
que personne n’a jamais vu.
Avoue que tu ne les connais pas toi-même.
-De grandes salles vides c’est vrai
mais il n’y a pas de place, dit la pierre.
Belles, peut-être
mais pas d’une beauté perceptible à tes sens.
Tu peux me savoir, mais jamais me connaître.
Tu me vois en apparence mais pas dans mon essence
Je frappe à la porte de la pierre
- C’est moi, laisse-moi entrer.
Je te promets de ne pas m’éterniser pas chez toi
ni prendre refuge
Je ne suis pas malheureuse et j’ai un domicile.
Et puis le monde vaut la peine qu’on y retourne.
J’entrerai chez toi et ressortirai les mains vides
sans toucher à rien.
Comme preuve de ma visite
j’écrirai seulement quelques mots
et d’ailleurs personne ne me croira.
- Tu n’entreras pas, dit la pierre.
Tu n’as pas le sens du partage
et aucun autre sens ne peut le remplacer
pas même la clairvoyance de l’au-delà.
Tu n’entreras pas,
tu ne connais pas le partage
tu n’en a qu’une image lointaine.
Je frappe à la porte de la pierre
- C’est moi, laisse-moi entrer.
Je ne peux pas attendre deux mille siècles
pour venir chez toi.
- Si tu ne me crois pas, dit la pierre
demande à la feuille, elle te dira la même chose,
et la goutte d’eau te dira comme la feuille.
Tu peux même demander à un cheveu de ta tête, si tu veux.
Tu me fais rire, tiens. D’un immense éclat de rire
comme si j’avais appris à rire.
Je frappe à la porte de la pierre
- C’est moi, laisse-moi entrer.
- Je n’ai pas de porte, dit la pierre.
Je frappe à la porte de la pierre
”C’est moi, laisse-moi entrer.
je viens te voir, te visiter
sentir ton souffle”
”Va-t-en, dit la pierre
Je suis fermée à clé.
Même brisée en morceaux
nous resterons toujours fermés,
même réduite en sable
nous ne laisserons entrer personne.”
Je frappe à la porte de la pierre.
”C’est moi, laisse-moi entrer.
Je viens par simple curiosité
et la vie est l’unique occasion.
Je voudrais seulement me promener dans ton palais
avant d’aller visiter la feuille et la goutte d’eau.
Je n’ai pas beaucoup de temps
car je n’ai qu’une vie.
- Je suis faite de pierre, dit la pierre.
Je dois rester sérieuse. Va-t-en,
tu vois bien que je n’ai pas les muscles du rire.
Je frappe à la porte de la pierre
- C’est moi, laisse-moi entrer.
On dit qu’il y a chez toi des grandes salles vides
majestueuses et sans bruit de pas
que personne n’a jamais vu.
Avoue que tu ne les connais pas toi-même.
-De grandes salles vides c’est vrai
mais il n’y a pas de place, dit la pierre.
Belles, peut-être
mais pas d’une beauté perceptible à tes sens.
Tu peux me savoir, mais jamais me connaître.
Tu me vois en apparence mais pas dans mon essence
Je frappe à la porte de la pierre
- C’est moi, laisse-moi entrer.
Je te promets de ne pas m’éterniser pas chez toi
ni prendre refuge
Je ne suis pas malheureuse et j’ai un domicile.
Et puis le monde vaut la peine qu’on y retourne.
J’entrerai chez toi et ressortirai les mains vides
sans toucher à rien.
Comme preuve de ma visite
j’écrirai seulement quelques mots
et d’ailleurs personne ne me croira.
- Tu n’entreras pas, dit la pierre.
Tu n’as pas le sens du partage
et aucun autre sens ne peut le remplacer
pas même la clairvoyance de l’au-delà.
Tu n’entreras pas,
tu ne connais pas le partage
tu n’en a qu’une image lointaine.
Je frappe à la porte de la pierre
- C’est moi, laisse-moi entrer.
Je ne peux pas attendre deux mille siècles
pour venir chez toi.
- Si tu ne me crois pas, dit la pierre
demande à la feuille, elle te dira la même chose,
et la goutte d’eau te dira comme la feuille.
Tu peux même demander à un cheveu de ta tête, si tu veux.
Tu me fais rire, tiens. D’un immense éclat de rire
comme si j’avais appris à rire.
Je frappe à la porte de la pierre
- C’est moi, laisse-moi entrer.
- Je n’ai pas de porte, dit la pierre.
LA GARE
Ma non-arrivée dans
la ville N
s'est passée à
l'heure ponctuelle
Je te l’avais
annoncé
par une lettre non
envoyée.
Tu as eu tout le
temps
de ne pas arriver à
l'heure
Le train est arrivé
quai trois
un flot de gens est
descendu.
La foule en sortant
emporta
l’absence de ma
personne
Quelques femmes
s’empressèrent
de prendre ma place
dans la foule
Quelqu'un que je ne
connaissais pas
courut vers une
d'entre elles
qui la reconnut
immédiatement.
Ils échangèrent un
baiser
qui n’était pas
pour nos lèvres.
Entre temps une
valise disparut
qui n'était pas la
mienne
La gare de la ville
N a passé
son examen
d’existence objective
Tout était
parfaitement en place
et chaque détail
avançait
sur des rails
infiniment bien tracés.
Même le rendez-vous
a eu lieu.
Mais sans notre
présence.
Au paradis perdu
de la probabilité
Ailleurs
ailleurs.
Combien résonnent
ces mots.
Il n'est guère facile de trouver des editions françaises de cette poétesse malgré la reconnaissance de son grand talent par un prix Nobel .Aussi ,j'’ai emprunté ici ces beaux poèmes
et je remercie
du partage .
Traduits du polonais par Aaron de Najran, merci à lui pour cette traduction ainsi que la
présentation de cette poètesse polonaise qui suit ces beaux poèmes!
présentation de cette poètesse polonaise qui suit ces beaux poèmes!
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