jeudi 7 juillet 2011

Paul Valéry: "Indicible correspondance, intime affinité....." (1)

Quand   Paul  Valéry  parle  d’architecture  , quand le  poète  unit   la  musique  et  la  pierre :
(1)

Italie


 Indicible correspondance, intime affinité
 
«  … D’abord  ,  elle   aura puisé  l’exacte  harmonie et  les magiques infinis où  les  rythmes  aboutissent,  dans les ondes  frissonnantes et profondes que les  grands  symphonistes  ont épandues, Beethoven ou  Wagner. Car  de  subtiles  analogies unissent l’irréelle  et  fugitive édification  des  sons, à  l’art  solide, par  qui  des  formes imaginaires sont  immobilisées au  soleil, dans le  porphyre. Le  héros, qu’il  combine  des octaves ou des perspectives, conçoit  en  dehors  du  monde…Il  assemble et  féconde ce qui  n’existe ni ailleurs,  ni  avant   lui , et  se plait  souvent à rejeter le  souvenir  précis de  la nature . Dans l’immortelle  nuit où  l’idée  , jaillissante  comme une eau  vive, se  livrera  vierge à l’architecture  de l’Avenir, quand libre des  choses  visibles et  des  types  exprimés, il aura  trouvé  le  symbole  et la  synthèse de l’univers intérieur qui  confusément l’inquiétait, lors  cette  volonté  et  cette pensée de musique  agrandie composera  sa  création  originale  comme une  haute  symphonie.

Abbaye San  Galgano  Italie

            "Ainsi se  manifestera l'indicible correspondance,  l'intime affinité qu'il faut discerner, sous des voiles habituels et  mensongers, entre deux incarnations de l'art, entre  la façade royale de Reims, et telle  page de  TannHaüser, entre  l'antique  magnificence d'un grand temple héroïque et tel suprême andante brûlant des flammes glorieuses .  "
Grèce

Un  jour le palais,  le sanctuaire érigera les  lueurs  de  ses frontons inconnus, proclamant  l’âme  vibrante  et   résonnante  de l’artiste. Lui n’aura  fait  que  pétrifier  et   fixer  dans la  durable ordonnance des matériaux la clarté céleste  et  les ombres  émues dont les mesures  et les  accords  des orchestres auront  confié l’immense  spectacle  de  son  cœur. !  Toute  sa pensée  sera reflétée  dans l’œuvre, et  sur la  façade  miraculeuse  il  y aura  des  tristesses  reposées et  de  brillants  sourires .

Mélancolies   et  sourires et  charmes insaisissables, le  créateur s’en  sera  abreuvé dans les fleuves spirituels dont nous avons parlé.
Car  les  cuivres  sont   resplendissants comme  des portes  d’or,  et les cordes  étirées sur les violons versent  avec une tendresse sacrée  l’ineffable  lumière  de  vitrail  qui  aime les  cœurs merveilleux des ciboires ;  car  les  orgues   liturgiques  creusent  pour le rêve  des  coupoles dans  des  saphirs et  d’énormes  dômes pleins de  tonnerre.  Mais les  flûtes s’élancent  comme  de  graciles  colonnettes, si  hautes  qu’un  vertige  les  couronne ; et  les  autres instruments et les  voix humaines  semblent   scintiller afin  d’illuminer  le  chœur  balsamique  et nocturne o ù  l’Être  souffrant  et  triomphant officie  pour la déplorable  foule !
Telles  sont  les magnificences  latentes   sous les mélodiques  formes , telles  sont les  richesses ouvertes  à  celui  qui  aura l’intelligence   mathématique […]
(Paul Valéry; Paradoxe sur l'architecte )
      
Grèce
 

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