Le Néolithique
La révolution néolithique ou la naissance des inégalités
Avec J.P.Demoule
Avec la révolution industrielle , la "révolution néolithique " est une des ruptures fondamentales de l'histoire humaine. La domestication des animaux et des plantes offre aux communautés humaines, qui vivaient jusque là de chasse et de cueillette, les moyens d'un essor démographique sans précédent, et désormais incontrolé.
Apparu de manière indépendante en plusieurs points du monde, ce phénomène se diffuse en Europe par le Proche-Orient, à partir de 6500 avant notre ère.
La France , ultime péninsule de l'Eurasie, sera néolithisée par des migrants arrivant par le nord et par des marins-paysans colonisant peu à peu les rives de la Méditerranée.
La position particulière de la France , explique les témoignages paroxystiques que sont les grands dolmens funéraires des bords de l'Atlantique, érigés au moment où apparaissent dans toute l' Europe les premiers symptômes d'inégalité sociale et de violences instituée.
S'appuyant sur les données issues des grandes fouilles préventives des vingt dernières années , cet ouvrage fait la synthèse sur cette "révolution" encore mal connue en France.
 |
| Diffusion de la révolution néolithique en Europe |
Témoignages par les poteries
Fragment de poterie de la culture impressa (environ 5600 av jc )
Vase décor cordial
 |
| Frontbrégoua, vase cardial. © Jean Courtin |
Poterie décor Rubané
Décor principal en chevrons et motifs de remplissage et de bordure exécutés avec un instrument à plusieurs dents
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:LBK-Pottery.jpg
____
Représentation de l'humain au néolithique
la femme "en nudité " aux traits sexuels acccusés , figuratif privilégié des sociétés du néolithique du Proche - Orient à l' Atlantique . |
| Culture de Halaf en Syrie (VIè millénaire bp ) |
 |
| Culture de Lengyel (site de Strelice en Moravie 1ère moitié du Vè millénaire bp) |
 |
| Culture de Vinça (Kosovo) 4500 av jc |
Ces représentations presque exclusivement féminines laisseront supposer aux périodes suivantes un progressif retournement des symboles ( premières représentations masculines en position d'orant "en nudité" )
Revolution néolithique au proche orient
 |
| Tello (Irak , culture d' Obeid vers 4500 av jc) Figure en terre cuite Si cette période voit l'essor d'une architecture et d'une économie pré-urbaines, les représentations féminines poursuivent les traditions antérieures. La tête , ici manquante, est souvent en forme de lézard ou "ophidienne" |
Les représentations successives de la déesse Inanna (Uruk ) témoignent de l'évolution des schémas spirituels :
peu à peu la déesse en position de pouvoir (le pied posé sur un animal puissant lion, Taureau ) s'efface devant les représentations masculines , d'abord en couple, (déesse + orant) puis parèdre du dieu tutélaire. La figuration féminine perd sa nudité . Peu à peu la figure masculine , de la représentation exclusive d'in dieu , passe à la représentation du roi .
Première cité de la Mésopotamie Ur (Our)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ur_(M%C3%A9sopotamie)
 |
| http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Standard_of_Ur_901bis.jpg |
oscillation et urbanisation:
Dans le déroulement de l'histoire de cette première cité on assiste à la naissance d'une ville à la faveur de la sédentarisation , de l'agriculture et de l'élevage . Le développement démographique crée les besoins d'organisation de gestion et de contrôle , avec pour corollaires l'émergence des d'institutions de pouvoirs civils renforcées par le pouvoir religieux .Les cités états entre en concurrence , c'est l'apparition des premières guerres , les inégalités sociales s'étirent jusqu'à l'effondrement (provisoire ) des nouvelles sociétés .
expansion en Europe
Les besoins d'expansion de ces sociétés nouvelles entraînent la "colonisation" de l'Europe où les ressources naturelles d'un climat tempéré aux tendances plus froides , freinaient ce processus de développements : Groupements humains dispersés par le maintien de l'économie de chasseurs-cueilleurs et réunis au centre de villages plus ou moins sédentaires . La propagation de la révolution néolithique (économie et politique) s'y fait plus lentement .
Mise en perspective par J.P.Demoule p.78
Je vous propose ce long extrait qui me parait particulièrement interessant : ne faut-il pas se pencher sur notre histoire pour essayer de comprendre le présent ?
Il y a douze mille ans notre planète était parcourue par de petits groupes d'homo sapiens, vivant de chasse , de pêche et de cueillette, le plus souvent nomades et ne dépassant pas chacun quelques dizaines d'individus. Ils cohabitaient avec d'innombrables espèces animales et végétales. Leurs habitations et leurs tombes ne révèlent aucune différence sociale importante , ce que confirment les ethnologues au vu des derniers groupes nomades qu'ils ont pu encore observer. Une violence ponctuelle est parfois constatée , mais reste très marginale.
Douze millénaires plus tard, la même planète compte plusieurs milliards d'homo sapiens , au milieu d'une biodiversité en constante régression .La violence intra et inter-communautaires est partout et plus de 30 millions d'humains ont péri dans divers conflits armés depuis la dernière guerre mondiale officielle. L'inégalité économique et sociale est ascendante, non seulement entre pays riches et pays pauvres mais surtout au sein d'une même société , y compris la nôtre.
Que s s'est-il passé ? La question est d'autant plus légitime que le système socio-économique désormais dominant est présenté souvent dans son idéologie officielle, comme un système "naturel" dont il suffirait de laisser agir les lois " naturelles " pour que les richesses soient , sinon également, du moins " équitablement " partagées.. Ce serait là l'effet de " la main invisible du marché "du premier théoricien du libéralisme économique , Adam Smith . Mais , comme toutes les autres idéologies, que ce soient celles des anciens systèmes communistes ou bien de la plupart de religions, il semble que ce bonheur soit pour (beaucoup) plus tard !
On a vu que les premières inégalités apparaissent au cours du Néolithique, mais qu'ensuite leur rythme de développement diffère selon les régions et même qu'il est parfois soumis à des régressions. Ainsi les grandes agglomérations du Levant, avec leurs imposants sanctuaires ornés et leur murs d'enceinte sont victimes d'u premier effondrement interne 7000 ans avant notre ère. Les cultures qui leur succèdent ont une apparence plus modeste,mais pour que leurs villages continuent à ne pas dépasser quelques centaines d'habitants, elles doivent alors s'étendre indéfiniment dans l'espace Ainsi seront colonisées la Mésopotamie avec la culture de Halaf, puis la Turquie avec celle de Hacilar et enfin l'Europe...
[...]....
C'est au bout de deux millénaires, vers 4500 que notre continent est entièrement recouvert par la colonisation néolithique, mais d'une manière encore très lâche. C'est pourquoi les premières manifestations d'inégalités se produisent , on l'a vu, dans les zones de plus grand stress territorial : dans les Balkans, là ou le peuplement est le plus ancien , donc le plus dense,et sur les bords de l'Atlantique, là où on ne peut pas aller plus loin et, dans les deux cas au bord d'une mer, lieu de limites mais aussi d'échanges éventuels . Les manifestations d'inégalités y sont très différentes.
Sur les rives de l' Atlantique , les monuments funéraires mégalithiques mobilisent les énergies pour le transport et l’érection de ces constructions inutiles et visibles , où sont enterrées les élites nouvellement apparues (à rapprocher du phénomène des pyramides égyptiennes ?) Les pratiques funéraires sont complexes. [...]
Sur les rives de la mer Noire à Varna et ailleurs , les chefs sont inhumés dans de simples tombes mais ils emportent avec eux des richesses considérables ....,objets issus de techniques très élaborées....
[...]
Progrès techniques et manipulation de l'imaginaire
En résumé ces progrès techniques ont pour objectif d'accroître la productivité de ces sociétés chalcolithiques aussi bien agricoles(araire, traction animale ) qu’artisanales dans un contexte de croissance démographique exponentielle. Mais ces nouvelles techniques ne sont pas seulement utilitaires Elles sont largement partie prenante de ce que l’ethnologue Maurice Godelier a appelé des " manipulations de l'imaginaire ". En effet la plupart des premières productions métallurgiques ne sont d'aucune utilité pratique :l'or bien sûr mais le cuivre également , matériau trop mou tant qu'il ne sera pas, jusqu'à l'âge du bronze, allié avec de l'étain. Les objets de métal sont donc des purs marqueurs de prestiges et de pouvoir tout comme les longues lames de silex bulgares, les plus longues jamais produites au monde ... trop fragiles pour être utilisées et ne portant d'ailleurs aucune traces d'usure.
Il en va de même pour l'érection des dolmens et menhirs qui a mobilisé des énergies considérables pour tailler, transporter puis dresser ces dalles de plusieurs dizaines de tonnes .
Ainsi des personnages ont été capables de contraindre ou convaincre ,des membres de leur communauté de fournir ces efforts immenses, sinon disproportionnés, pour des productions dont ils ne pouvaient retirer aucun avantage matériel direct. Ils ont su les persuader que l'avantage était de l'ordre du symbolique, de l’immatériel, sans doute associé à des bienfaits généraux (prospérité des récoltes, ordre du cosmos ..) certains peu tangibles (bonheur dans l'au-delà).
[....] avec les premières inégalités sociales , la violence semble s'institutionnaliser......
Résistances et servitudes volontaires
[...]A ce stade , si l'histoire est d'abord faite de facteurs économiques et politiques, deux énigmes subsistent en terme de psychologie sociale . Qu'est-ce qui pousse dans des sociétés encore peu complexes, certains individus à vouloir dominer les autres. ? S'agit-il seulement d'un trait de la nature humaine, ce qui serait une explication ni très riche ni très satisfaisante ? Mais surtout qu'est-ce qui fait que le reste de la société accepte ce pouvoir naissant, qui est rationnellement contraire à son intérêt ? C'est déjà le problème que posait e n France en 1576 , Etienne de La Boétie dans son Discours de la servitude volontaire. Il ne voyait que deux explications à cette servitude volontaire : l'habitude ou le fatalisme, qui fait que l'on trouve naturel l'ordre des choses et inconcevable qu'il y en ait un autre - (par exemple de nos jours l'économie de marché globalisée)- ,habitude renforcée par la religion dit-il explicitement; et un intérêt matériel illusoire , dans lequel les hommes oublient en fait que leurs gains matériels ne doivent rien au tyran mais seulement à leur propre travail . Il suffirait donc de ne plus rien donner au tyran pour qu'il s'effondre.
Après un demi-millénaire de pensée rationnelle, il ne semble pas que, à l'échelle de l'humanité mondialisée, ni la réflexion ni la réalité aient beaucoup progressé...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire