lundi 16 janvier 2012

Le Crabe Tambour





Auteur  et  réalisateur :  Pierre  Schoendoerffert ,  roman 1976 ,  film  1977 
Distribution 
Jean  Rochefort  :  Le  Pacha
Claude  Rich :  Pierre   le  médecin  de  bord 
 Jacque  Perrin :  Willsdorff alias  Le  Crabe- tambour
Jacque   Dufilho :  l'officier  mécanicienf
Odile Versois   et  Aurore Clément 

Musique  Philippe Sarde  



Sur le  fond  des évènements   historiques  de la  décolonisation française  , guerre d’Indochine  jusqu’à  Dien Bien  Phu en mai   1954  , guerre  d’Algérie qui  s’est  terminée   par le  Putsch  d’Alger   appelé  encore   le  Putsch  des  généraux  en  Avril   1961 et   à  l’issue  duquel   De Gaulle   déclarera  l’indépendance  de  l’Algérie , le  destin de quelques hommes  unis  par  leur   milieu  social  ,  leurs   racines , leurs  idéaux  et  l’amitié mais  que les  évènements  vont néanmoins  séparer  , prisonniers  de leurs  convictions  personnelles  et   des  choix   auxquels  ils sont  les confrontés par    les circonstances  .

« La  rectitude  de  nos  choix   c’est  souvent le choix  entre un bien  et un  autre  bien «   
      
On  ne  reprochera  pas  à  P.  Shoendoerffer  d’avoir  choisi  ses  héros  dans   un  milieu  qui est le  sien  et  pas   forcément  le  nôtre  mais  dans celui-ci , comme  ailleurs,  les  hommes  doivent  faire face  aux  dilemmes  de  cette  rectitude  du  choix  quand   il  s’agit  d’opter   entre un  bien  et un  autre  bien , où   la  vertu   s’oppose   à une  autre  vertu   :  loyauté à  fidélité , courage  à  pitié, Honneur  à  humilité  .
La   valeur  de l’homme  ne  se  définit pas   par  la place  que  son  destin   lui  fixe  , par le  sort  que les  circonstances   lui  reservent  parfois  en le  broyant.,  mais  bien   plutôt  par  sa  résistance   et  sa  capacité à  rester  fidèle  à  lui-même sans  trahir  ses  engagements  .
Il  est  difficile  de  sortir  intact  d’un tel  combat   et   le compromis  tempère  le  plus souvent  nos  ambitions  d’un  absolu  inaccessible  en  lui substituant   une retraite  honorable  .

L’auteur  et réalisateur  Schoendorffer  a choisi  pour   illustrer  ce  drame de l’ ideologie  3  figures  humaines  particulièrment   significatives respectables  et   attachantes  trois  hommes de  valeur  égale dominés  dans le  film   par   la stature   du   Pacha,  le commandant  du  Jauréguiberry    admirablement  incarné par   Jean Rochefort  .

« Je suis  déjà  mort  une  fois  « 



Idéalement  puisque  dans le  film  nous ne  le  voyons  que  dans   ce  rôle   d’ Officier  de  la Marine  Française à l’existence  vouée    exclusivement  à  son  commandement , au  bateau  et  à  son  équipage,  mais  avant  tout à  la  Marine   Française  et à  la République  ( Impossible  de ne pas songer  à Grandeur  et  Servitude   miltaire  de   notre  grand  poète   A. De  Vigny) ,  cet homme   de  devoir et  d’orgueil  n’ a  failli  qu’une  fois  dans  sa  vie  .  Et   sur  cette  passerelle   du  Jauréguberry     où  i l assure  sa  dernière mission  c’est  pour   rencontrer  la  mort  une  seconde   fois  et rendre les  armes  à  son  juge  implacable qu’il  vient  encore défier dans  cet   enfer  sublime  de l’Atlantique  Nord  .

Pierre (Claude Rich  ), le médecin  du  bord  , connait  lui  aussi   celui  qui hante   les   bancs   de  Terreneuve  sur son  chalutier  devenu   légendaire pour  les  marins  internationaux qui  croisent  dans  ces   eaux  maudites  afin d’  assurer  leur  subsistance   dans  un des plus  durs  métiers du monde.   IL  a  peint   son  bateau  Le Chamrock de  Fécamp . Sa  proue  porte   les  yeux   des    dragons  asiatiques  perçant     le  brouillard  et  les brumes  qui  ,  en hiver durant le s campagnes  de pêche ,  fondent  la mer   et  le  ciel  dans  une  grisaille   opaque  glaciale et humide chargée  de  sel  et   d’embruns.  
Il  a  connu  Willsdorff ,  le  Crabe-Tambour, au  Vietnam  , tous deux  amoureux de  ce pays  , tous  deux  convaincus  de  leur  devoir   et  de  la légitimité de leur  présence   bénéfique,  à leurs  yeux  . La vraie  vie  était  là-bas   et quand   la  France   a  dû  abdiquer après   Dien  Bien  Phu en  1954, ils  avaient promis  de  tout  quitter...



« Adieu  vieille  europe  que le  diable   t’emporte «

Mais  Pierre   n’est  ni  parti  plus  loin, ni  encore  moins resté .  Pierre a abandonné  le   Vietnam   est  rentré dans le  rang  et  il  a continué d’exercer  sa profession  de médecin   militaire   là  où  la   France  le  lui commandait  . 
Il  sait  aussi   que  sa  rencontre  avec le   Charomk   rouvrira  quelque blessure  d’une  promesse non  tenue , i l devra  aussi  rendre   des  comptes  .mais son    role  humanitaire   qu’il  doit  à  sa   profession , le  dispense  d’amertume   sans  gommer pourtant toute   la nostalgie  d’un  engagement   à demi   respecté   .



Quel est  donc ce  diable   au  sobriquet  de   Crabe-tambour qu’ils redoutent   et qu’ils poursuivent  ? ….. leur  conscience  . 
Il  avait   l’habitude  de porter  la  sienne  dans  ses bras  ,  un  chat  noir  dont il  ne se  séparait  jamais  
«  c’est  ma  conscience  disait - il , vous voyez  elle  est noire ,   mais   bien moins jolie  à  regarder ... et comme vous voyez aussi  , elle  est  incorruptible"



Le charisme dont le pare  Schoendoerffer  nous  fait penser  à  l’un  de  ces  êtres lumineux qui  vous brûlent lorsque vous les  approchez  de trop   près  .  Un  Rimbaud ,  exigeant  ,  intransigeant  , aventurier par  soif  de  vivre  et  de  tout  goûter , mais  brûlant  d’un ideal  au regard  duquel   ils  ne supportent  pas  de  compromis  en  particulier  lorsqu’il   vous  a élu  parmi   ses  amis  .
 Le monde  est leur monde  et ils  dictent leurs  règles .Ils  exigent  de vous la perfection  , celle   de  leur   ideal sous peine  de  déchéance.  Aveuglés  par leur  soif  d’absolu ils  font  de   vos  faiblesses   une  faute . et  peuvent  frapper  à mort  ceux qui  les  aiment .



Ajoutons   un  dernier acteur   omniprésent :  la  mer  .
La mer  dans   sa beauté la plus cruelle  de  l’Atlantique  Nord  . C’est  dans  ce  film  que  j’ai   vu la meilleure  representation  de  son  immensité et  de  sa puissance   . Que  ce soit  lorsque  l’étrave  du navire   fend  les lames dans  des gerbes  d’ecume   ,  ou  quand la houle soulève    mollement   ces  énormes masses  liquides  alourdies par le  gel de l’antartique  . Vaste  plaine  infinie   toujours  en  mouvement , ou deferlantes  coiffées  d’écume  au-dessus   d’abîmes  mouvants menaçant   le bâtiment   « il  souffre  «  dit  le  commandant   quand   le  fer    gémit  sous les  coups  de  boutoirs  .
L’analogie   entre  le combat   qui  se  joue  sur  l’eau  et  les  états  d’âmes  des protagonistes  est  trop  évidente  pour   la commenter  .
Pour l' anecdote , on  verra     le  tableau   de  Van  de Velde  si  souvent   derrière   le  commandant  et   son livre  de  chevet , un  livre  de  Conrad  .


 Il faudrait  aussi   parler  de Dufilho   le  sage  ou  le  fou  , fou  comme  le  rhéteur  de  son village  bigouden  dont   il  aime  emprunter les   fables  pour  tourner  en  dérision   les  drames   qui   hantent  le  carré  des  officiers .


"Qu'est-ce  qu'il  y  a  donc là-haut  pour  agiter  ainsi  le  coeur  de l'homme  ?  ... Rien." 





1 commentaire:

  1. Admirable découverte. Nous attendons les insensés. www.jeunesseoblige.com

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