Enée portant anchise (Le Bernin) |
Mon premier livre de Michel Onfray
commençait par cette courte préface en prélude aux chapitres d'une philosophie poétique sur la matière et le temps et par laquelle il dédie à son père dans un envoi portant le titre "Fidélités", cette aventure intellectuelle que je qualifierais de mystique si je n'avais peur de le trahir .
"Depuis sa naissance le 29 janvier 1920, jamais mon père n'a quitté Chambois, son village natal normand; jamais il n'a manifesté de désirs , d'envies , de souhaits; jamais je ne l'ai entendu récriminer ou se révolter contre son sort ; jamais je ne l'ai surpris dans la convoitise ; jamais il n'a maudit sa condition d'ouvrier agricole qui l'a condamné au dénuement ; jamais je ne l'ai vu dans le ressentiment à l'endroit du monde comme il va et qui l'a fait modeste , sans grade, sans voix, tacituren comme le sont viscéralement les gens de la terre, épuisés au travail, fatigués , éreintés.
Au milieu d'un champ où nous plantions des pommes de terre, sous le gazouillis d'alouettes époumonées, je lui avais demandé quelle destination il élirait si d'aventure un magicien se penchait sur son destin pour rendre possible ce voyage idéal. Il m'avait répondu : "au pôle Nord." J'avais à peine dix ans, l'âge vers lequel il m'avait désigné, une nuit d'été, devant la porte de la maison où nous habitions, la présence scintillante de l'étoile polaire qui ne se couche pas, reste fixe dans le ciel et sert aux navigateurs pour ne jamais perdre leur cap.
Pour ses quatre-vingts ans, je lui fis cadeau de ce voyage en Terre de Baffin , au delà du cercle polaire - au pôle Nord. Ces pages en racontent la partie émergée.
A mon père , donc .
Très beau...
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