« Que serait un monde sans la musique ? », disait un certain… « Que serait un monde sans images, sans couleurs, sans les mots ? Que serait l’homme sans émotions ? Son cœur est un luth suspendu ; sitôt qu’on le touche, il résonne. » – de Béranger
lundi 28 novembre 2011
vendredi 25 novembre 2011
Le Soleil Noir -Barbara-
Le Soleil Noir -Barbara-
"Mais j'ai tout essayé , j'ai fait semblant de croire
Et je reviens de loin et le soleil est noir ..."
Pour ne plus, jamais plus, vous parler de la pluie,
Plus jamais du ciel lourd, jamais des matins gris, Je suis sortie des brumes et je me suis enfuie, Sous des ciels plus légers, pays de paradis, Oh, que j'aurais voulu vous ramener ce soir, Des mers en furie, des musiques barbares, Des chants heureux, des rires qui résonnent bizarres, Et vous feraient le bruit d'un heureux tintamarre, Des coquillages blancs et des cailloux salés, Qui roulent sous les vagues, mille fois ramenés, Des rouges éclatants, des soleils éclatés, Dont le feu brûlerait d'éternels étés, Mais j'ai tout essayé, J'ai fait semblant de croire, Et je reviens de loin, Et mon soleil est noir, Mais j'ai tout essayé, Et vous pouvez me croire, Je reviens fatiguée, Et j'ai le désespoir, Légère, si légère, j'allais court vétue, Je faisais mon affaire du premier venu, Et c'était le repos, l'heure de nonchalance, A bouche que veux-tu, et j'entrais dans la danse, J'ai appris le banjo sur des airs de guitare, J'ai frissonné du dos, j'ai oublié Mozart, Enfin j'allais pouvoir enfin vous revenir, Avec l'oeil alangui, vague de souvenirs, Et j'étais l'ouragan et la rage de vivre, Et j'étais le torrent et la force de vivre, J'ai aimé, j'ai brûlé, rattrapé mon retard, Que la vie était belle et folle mon histoire, Mais la terre s'est ouverte, Là-bas, quelque part, Mais la terre s'est ouverte, Et le soleil est noir, Des hommes sont murés, Tout là-bas, quelque part, Les hommes sont murés, Et c'est le désespoir, J'ai conjuré le sort, j'ai recherché l'oubli, J'ai refusé la mort, j'ai rejeté l'ennui, Et j'ai serré les poings pour m'ordonner de croire, Que la vie était belle, fascinant le hasard, Qui me menait ici, ailleurs ou autre part, Où la fleur était rouge, où le sable était blond, Où le bruit de la mer était une chanson, Oui, le bruit de la mer était une chanson, Mais un enfant est mort, Là-bas, quelque part, Mais un enfant est mort, Et le soleil est noir, J'entends le glas qui sonne, Tout là-bas, quelque part, J'entends le glas sonner, Et c'est le désespoir, Je ne ramène rien, je suis écartelée, Je vous reviens ce soir, le coeur égratigné, Car, de les regarder, de les entendre vivre, Avec eux j'ai eu mal, avec aux j'étais ivre, Je ne ramène rien, je reviens solitaire, Du bout de ce voyage au-delà des frontières, Est-il un coin de terre où rien ne se déchire, Et que faut-il donc faire, pouvez-vous me le dire, S'il faut aller plus loin pour effacer vos larmes, Et si je pouvais, seule, faire taire les armes, Je jure que, demain, je reprends l'aventure, Pour que cessent à jamais toutes ces déchirures, Je veux bien essayer, Et je veux bien y croire, Mais je suis fatiguée, Et mon soleil est noir, Pardon de vous le dire, Mais je reviens ce soir, Le coeur égratigné, Et j'ai le désespoir, Le coeur égratigné, Et j'ai le désespoir... |
mercredi 23 novembre 2011
La véritable histoire de Galatée (2)
Puis c'est chez Ovide que nous trouvons l'histoire de ses amours détaillée .
Poursuivie par le cyclope Polyphène c'est Acis qu'elle aime .
De dépit et de jalousie Polyphène tue le bel Acis . Les dieux toutefois le change en fleuve .
Une autre légende dit que c'est Galatée qui changea son bel amant en fleuve pour pouvoir se baigner dans ses eaux éternellement .....
Ottin :Polyphène surprenant Acis et Galatée (jardin du Luxembourg à Paris) |
Ovide Les Métamorphoses chant XIII
Un jour Galatée, pendant que Scylla lui nouait et dénouait ses beaux
cheveux, lui dit avec un long soupir : « Que tu es heureuse, ô Scylla !
tu n’as pas de sauvages amants ; tu peux impunément refuser leurs vœux ;
et moi, fille de Nérée et de la belle Doris, avec mes cinquante sœurs
pour appui, je n’ai pu échapper qu’à force de pleurs à l’amour d’un
Cyclope ». Les larmes étouffent sa voix ; Scylla les essuie de sa
blanche main, et console doucement la déesse :
« Parle-moi, ô compagne chérie, lui dit-elle : ne crains pas de dire à
ton amie la cause de ta douleur ». Galatée lui répond : « Acis était le
fils de Faune et de la nymphe Symæthis : il faisait le bonheur de son
père, de sa mère, et le mien surtout, car je l’aimais : il était beau,
il avait seize ans, et un léger duvet dessinait les doux contours de ses
joues. Je l’aimais, et le Cyclope me poursuivait de son amour. Si tu me
demandes quelle était dans mon âme la passion la plus vive, de ma haine
pour le Cyclope, ou de ma tendresse pour Acis, je crois qu’elles
étaient égales. 0 Vénus, que ta puissance est grande ! Ce géant
farouche, l’horreur des forêts, que nul n’avait pu voir impunément, le
contempteur de l’Olympe et des dieux, sent ce que c’est que l’amour :
épris de ma beauté, il brûle, il oublie son antre et ses troupeaux. Il
songe à sa figure ; il veut plaire : il peigne avec un râteau sa rude
chevelure, il coupe avec une faux sa barbe hérissée ; il se mire dans
les eaux, il compose ses traits farouches.Ce n’est plus ce géant féroce,
toujours altéré de sang et affamé de meurtre : les vaisseaux abordent
au rivage et le quittent sans péril. Cependant Télémus, porté sur les
côtes de la Sicile, Télémus fils d’Eurymidès, que les signes de l’avenir
n’avaient jamais trompé, va trouver sur l’Etna le terrible Polyphème :
« L’œil unique que tu as au milieu du front, Ulysse te le ravira, lui
dit-il. - Tu mens, méchant devin, un autre l’a déjà ravi », répond le
géant, avec un éclat de rire, et en se moquant de l’infaillible menace
de l’augure. Tantôt il parcourait, de ses pas gigantesques, le rivage
qui s’affaissait sous son poids, tantôt il allait, épuisé de fatigue, se
cacher dans son antre. Vois-tu ce cap élevé qui s’allonge au loin sur
les flots, et que la mer baigne de deux côtés ? C’est là qu’un jour le
Cyclope vint s’asseoir au milieu de ses brebis, qui le suivaient
d’elles-mêmes. Après avoir posé à ses pieds le pin qui lui servait de
bâton, et dont on aurait pu faire un mat, il prit une flûte formée de
cent roseaux, et les mers, les montagnes frémirent des sifflements
horribles qu’il en tira. Caché sous les flancs d’un rocher, je reposais
sur le sein de mon Acis ; et de loin, mon oreille recueillait ces
paroles, qui sont restées gravées dans ma mémoire :« 0 Galatée, tu es plus blanche qu’un beau lys, plus fraîche que les fleurs de la prairie, plus élancée que l’aune, plus brillante que le cristal, plus folâtre qu’un jeune chevreau, plus polie que le coquillage lentement usé par la vague, plus agréable que les rayons du soleil en hiver, et que l’ombre en été ; plus exquise que les fruits les plus exquis, plus noble que le haut platane, plus transparente que la glace, plus suave qu’un raisin mûr, plus douce que la crème et que le duvet du cygne, et, si tu ne fuyais pas toujours, plus belle qu’un frais jardin. Mais en même temps, ô Galatée, tu es plus sauvage que la génisse indomptée, plus dure que le chêne chargé d’ans, plus trompeuse que l’onde, que la branche de saule et le rameau flexible de la vigne, qui se dérobent sous la main, plus impassible que ces rochers, plus impétueuse que le torrent, plus fière que le paon dont on loue le plumage, plus irritante que la flamme, plus âpre que les ronces, plus farouche que l’ourse devenue mère, plus sourde que les profondeurs de l’Océan, plus cruelle que le serpent foulé par le pied du voyageur ; et, ce qui fait surtout ma douleur, plus agile que le cerf devant la meute aboyante, plus légère que l’aile du zéphyr. Ah ! si tu me connaissais, tu te repentirais d’avoir fui ; tu regretterais tes longs refus, tu ferais tout pour me retenir auprès de toi. J’ai sur le flanc de la montagne un antre creusé sous le rocher ; là, on ne sent ni la chaleur brûlante de l’été, ni les glaces de l’hiver : j’ai des arbres dont les branches plient sous les fruits ; j’ai de longues vignes aux raisins dorés, d’autres aux raisins colorés de pourpre : je t’en réserve les grappes. Toi-même, de tes mains tu iras cueillir la fraise parfumée, née à l’ombre des bois, les fruits d’automne du cornouillier, la prune au noir duvet, et celle, plus délicate, dont la couleur imite la cire nouvelle. Ni les douces châtaignes, ni les fruits les plus savoureux ne manqueront à mon épouse : tous les arbres serviront ses désirs. Ces troupeaux sont à moi : beaucoup d’autres errent dans les forêts et dans les vallées ; beaucoup reposent dans les antres de la montagne. Ne m’en demande pas le nombre, je l’ignore : c’est au pauvre qu’il convient de dénombrer son troupeau. Mes brebis sont belles ; mais viens en juger par toi-même : viens voir comme elles peuvent à peine soutenir leurs traînantes mamelles. Les jeunes agneaux sont dans de chaudes étables : d’autres sont remplies de jeunes chevreaux. J’ai toujours du lait blanc comme la neige : j’en garde une partie pour le boire ; je laisse l’autre s’épaissir en fromage. Près de moi, tu n’auras pas seulement de ces présents vulgaires, plaisirs si faciles à donner : des daims, des lièvres, des chevreaux, une paire de colombes, ou un nid enlevé sur la cime d’un arbre : j’ai trouvé, dans les montagnes, deux jeunes ours au long poil, qui pourront jouer avec toi : c’est à peine si tu sauras les distinguer, tant ils se ressemblent. Je les ai trouvés, et je me suis dit : je les garderai pour ma maîtresse. Viens, ô Galatée, lève ta belle tête au-dessus des flots d’azur ; viens et ne dédaigne pas mes présents. Je connais ma figure, je l’ai vue naguère dans une eau limpide, et son image m’a plu. Vois comme je suis grand ! Jupiter n’est pas plus grand dans le ciel ; car vous parlez toujours de je ne sais quel Jupiter, qui règne, dites-vous, sur le monde. Une épaisse chevelure domine mon large front, et, comme une forêt, ombrage mes épaules. Si mes membres sont hérissés de poils, crois-moi, ce n’est pas une laideur : la beauté de l’arbre est son feuillage ; la beauté du cheval, c’est la crinière qui ondoie sur son col impatient : l’oiseau a son plumage : la laine est l’honneur de la brebis : une barbe et des membres velus siéent à l’homme. Je n’ai qu’un œil au milieu du front ; mais on dirait un large bouclier : le soleil n’embrasse-t-il pas l’univers du haut des cieux ? Et pourtant le soleil n’a qu’un œil. C’est mon père qui règne sur vos humides demeures ; tu seras la belle-fille de Neptune. Prends pitié de moi, je t’en supplie ; écoute ma prière, car je n’ai jamais prié que toi.Je méprise Jupiter, son Olympe et sa foudre ; mais je tremble devant toi, ô fille de Nérée : ton courroux est plus terrible que son tonnerre. Je souffrirais moins vivement de tes mépris, si tu fuyais tout le monde, comme tu me fuis : mais pourquoi repousser le Cyclope, et chérir un Acis ? Pourquoi préférer à mes caresses les caresses d’Acis ? Eh bien ! qu’il se complaise en lui-même ; que toi aussi, pour ma douleur, ô Galatée, tu te complaises en lui ; mais qu’il me tombe un jour sous la main, et il sentira que ma force répond à ma taille. Je lui arracherai, tout vivant, les entrailles ; je lancerai ses membres déchirés à travers les champs, et jusque dans la mer où tu habites : oh ! ainsi, soyez-vous réunis ! car enfin je brûle, et la flamme irritée n’en est que plus vive et plus terrible : je brûle comme si l’Etna et tous ses feux étaient dans mon sein : et toi, ô Galatée, tu es sans pitié ! »
Après ces plaintes inutiles (j’observais tout), il se lève, et, comme un taureau furieux de la perte de sa génisse, il ne peut rester à la même place, il erre à travers les bois et les montagnes. Tout à coup, comme nous étions sans crainte et dans l’ignorance du péril, il m’aperçoit auprès d’Acis : « Je vous vois, s’écrie-t-il ; attendez, ce seront là vos dernières caresses ». Ce cri était terrible, comme celui d’un géant irrité ; l’Etna le répète avec horreur. Et moi, éperdue, je me précipite sous les flots : Acis fuyait : « A mon secours, Galatée, criait-il ; mon père, ma mère, à mon secours ! cachez-moi dans vos ondes, où je vais périr ! » Polyphème le poursuit ; il arrache le sommet d’une montagne et le lance ; et quoiqu’une extrémité de cette masse atteigne seule Acis, elle le couvre tout entier et l’écrase. J’ai fait pour lui tout ce que les destins permettaient, en lui donnant la forme et les attributs de son aïeul. Sous le roc qui l’avait écrasé, le sang coulait en flots de pourpre : et d’abord sa couleur commence à s’effacer ; c’est comme l’eau d’un fleuve, troublé par une orage ; peu à peu, c’est une source pure et limpide. Alors la pierre s’entr’ouvre ; de ses flancs surgit la tige vigoureuse de verts roseaux ; le flot s’ouvre, et s’échappe en bondissant du creux du rocher. Tout à coup, chose merveilleuse ! s’élève au milieu des eaux le buste d’un jeune homme : des cornes arment son front couronné de joncs flexibles : c’était Acis, mais plus grand, mais avec un teint verdâtre ; c’était Acis changé en fleuve ; et ces eaux ont conservé son nom ».
Galatée avait cessé de parler : les nymphes qui l’entouraient se séparent, et plongent sous l’eau profonde et calme.
mardi 22 novembre 2011
La véritable histoire de Galatée (1)
Gustave Moreau :Hésiode et la muse |
Comme on l'a vu Ovide n'a pas précisé le nom de la statue sculptée par Pygmalion . C'est un auteur de l'époque ,Thémiseul de Saint-Hyacinthe , qui baptisa Galatée la beauté féminine du marbre de Falconet .
Galatée naquit dans le fond mythologique grec au temps des Démons de la mer (pré-olympiens ) citée par Hésiode dans sa théogonie (VIIIème s avant JC) elle était une des Néréides comme Thétis , la mère d'Achylle et Amphitrite qui devint ensuite l'épouse de l'Olympien Poseidon dieu de la mer.
Théocrite poète bucolique grec (315- 250 av JC) nous raconte dans ses Idylles comment Polyphène le cyclope était amoureux d'elle et comment repoussé à cause de sa laideur il calmait ses ardeurs et son chagrin dans l'étude et le travail :
XIe IDYLLE
LE CYCLOPE (47)
Plaintes de Polyphème sur les rigueurs de
la nymphe Galatée. L'étude et le travail, seuls remèdes des passions.
Ô Nicias (48) ! Les Muses sont l'unique remède à l'amour. Ce
remède si doux, si efficace naît parmi les hommes, et cependant qu'il est
difficile à trouver ! Mais tu dois le connaître, toi l'ami d'Esculape, toi si
cher aux neuf sœurs.
Les Muses rendaient moins amers les tourments du célèbre Cyclope, lorsqu'il aimait Galatée, alors que sur ses joues brillaient à peine les premières couleurs d'un tendre duvet. Il ne chérissait pas les roses, les fruits, les cheveux bouclés ; mais les filles d'enfer rugissant dans son âme lui faisaient regarder d'un oeil de mépris le reste de la nature.
Souvent ses troupeaux retournaient seuls au bercail. Lui, errant dès l'aurore, sur le rivage couvert d'algue marine, il appelait Galatée, et portait dans son cœur le trait profond dont l'avait frappé la main redoutable de Vénus. Assis sur un rocher élevé, l'œil fixé sur la mer, pour adoucir ses peines il chantait :
Ô belle Galatée ! Pourquoi fuir l'amant qui t'adore ? Quand tu me regardes, tu es plus blanche que le lait, plus douce que l'agneau, plus légère que la génisse ; mais quand tu détournes de moi tes beaux yeux, oh ! alors tu deviens plus aigre que le fruit de la vigne sauvage.
Tu viens sur cette plage quand le sommeil clôt mes paupières ; mais aussitôt que mon œil s'ouvre à la lumière du jour, tu fuis comme la brebis fuit le loup sanguinaire.
Je commençai à t'aimer, jeune Nymphe, le jour où, pour la première fois, tu vins avec ma mère cueillir des hyacinthes sur la montagne ; moi je montrais le chemin.
Dès lors plus de repos pour moi, je ne puis plus vivre loin de ta présence, et cependant, Jupiter en est témoin, tu n'as nul souci de ma peine.
Je sais, ô la plus belle des Nymphes ! oui, je sais pourquoi tu me fuis ; c'est qu'un épais sourcil ombrageant mon front se prolonge de l'une à l'autre oreille ; c'est que je n'ai qu'un oeil et que mon nez élargi descend jusque sur mes lèvres.
Pourtant, tel que je suis, je pais mille brebis, je presse leurs mamelles et je bois leur lait délicieux ; l'été, l'automne, à la fin de l'hiver, toujours mes clayons sont pleins d'excellent fromage.
Nul Cyclope ne m'égale dans l'art de jouer du hautbois, et souvent toi que j'adore, toi qui es plus douce que la pomme vermeille, souvent je te célèbre dans mes chants pendant la nuit obscure.
Pour toi je nourris onze faons que décore un beau collier, et quatre petits ours ; mais viens auprès de moi, et tout ce que je possède, t'appartiendra.
Laisse la mer azurée se briser contre le rivage ; tes nuits seront plus douces passées à mes côtés dans ma grotte ; là, croissent le laurier et le cyprès, le lierre noirâtre et une vigne chargée des raisins les plus doux.
Ma grotte est arrosée d'une onde fraîche que me verse l'Etna de ses rochers couverts d'une neige éternelle ; elle me fournit une boisson digne des dieux ; qui peut, à tant d'avantages, préférer le séjour des flots bruyants ?
Mais si ta vue est blessée des longs poils dont ma peau se hérisse, j'ai du bois de chêne et un feu qui ne s'éteint jamais sous la cendre ; viens, et je suis prêt à tout souffrir, je te livre mon existence entière, et mon oeil unique, cet oeil qui m'est plus précieux que la vie.
Hélas ! pourquoi la nature m'a-t-elle refusé des nageoires ? j'irais à toi à travers les ondes, je baiserais ta main si tu me défendais de cueillir un baiser sur ta bouche.
Je voudrais te porter le lis éclatant et le rouge pavot, dont la feuille résonne sous les doigts ; mais l'été produit l'un, l'hiver voit croître l'autre.
Jeune Nymphe, si un étranger aborde vers ce rivage, je veux qu'il m'enseigne à plonger au fond des mers ; j'irai voir quel charme puissant vous retient sous les ondes, toi et tes compagnes.
Quitte les flots, ô Galatée ! et sur ce rocher puisses-tu, comme moi, oublier ton humble demeure. Viens garder les brebis auprès de Polyphème, viens les traire, et faire des fromages en mêlant au lait pur une acide liqueur.
Ma mère seule a causé tous mes maux ; c'est elle seule que j'accuse : jamais elle ne t'a parlé de mon amour, elle qui chaque jour me voyait dépérir ; mais à mon tour aussi, pour la tourmenter, je lui dirai : je souffre, oui, je souffre beaucoup.
Ô Cyclope, Cyclope ! où est donc la raison ? Ne ferais-tu pas mieux d'aller tresser le souple osier, couper le vert feuillage pour tes agneaux ? Trais la brebis qui vient près de toi ; pourquoi courir après celle qui fuit ?
Tu trouveras une autre Galatée moins rebelle à tes vœux et peut-être plus belle. Plusieurs jeunes Nymphes veulent, à l'ombre de la nuit, m'associer à leurs jeux ; elles rient, et leur joie est extrême quand je me prête à leurs danses folâtres ; ainsi on compte donc Polyphème pour quelque chose sur la terre !
C'était ainsi que par ses chansons, l'amoureux Cyclope soulageait ses peines cruelles, et son remède était plus puissant que s'il eût payé au poids de l'or les secrets du dieu d'Épidaure.
Les Muses rendaient moins amers les tourments du célèbre Cyclope, lorsqu'il aimait Galatée, alors que sur ses joues brillaient à peine les premières couleurs d'un tendre duvet. Il ne chérissait pas les roses, les fruits, les cheveux bouclés ; mais les filles d'enfer rugissant dans son âme lui faisaient regarder d'un oeil de mépris le reste de la nature.
Souvent ses troupeaux retournaient seuls au bercail. Lui, errant dès l'aurore, sur le rivage couvert d'algue marine, il appelait Galatée, et portait dans son cœur le trait profond dont l'avait frappé la main redoutable de Vénus. Assis sur un rocher élevé, l'œil fixé sur la mer, pour adoucir ses peines il chantait :
Ô belle Galatée ! Pourquoi fuir l'amant qui t'adore ? Quand tu me regardes, tu es plus blanche que le lait, plus douce que l'agneau, plus légère que la génisse ; mais quand tu détournes de moi tes beaux yeux, oh ! alors tu deviens plus aigre que le fruit de la vigne sauvage.
Tu viens sur cette plage quand le sommeil clôt mes paupières ; mais aussitôt que mon œil s'ouvre à la lumière du jour, tu fuis comme la brebis fuit le loup sanguinaire.
Je commençai à t'aimer, jeune Nymphe, le jour où, pour la première fois, tu vins avec ma mère cueillir des hyacinthes sur la montagne ; moi je montrais le chemin.
Dès lors plus de repos pour moi, je ne puis plus vivre loin de ta présence, et cependant, Jupiter en est témoin, tu n'as nul souci de ma peine.
Je sais, ô la plus belle des Nymphes ! oui, je sais pourquoi tu me fuis ; c'est qu'un épais sourcil ombrageant mon front se prolonge de l'une à l'autre oreille ; c'est que je n'ai qu'un oeil et que mon nez élargi descend jusque sur mes lèvres.
Pourtant, tel que je suis, je pais mille brebis, je presse leurs mamelles et je bois leur lait délicieux ; l'été, l'automne, à la fin de l'hiver, toujours mes clayons sont pleins d'excellent fromage.
Nul Cyclope ne m'égale dans l'art de jouer du hautbois, et souvent toi que j'adore, toi qui es plus douce que la pomme vermeille, souvent je te célèbre dans mes chants pendant la nuit obscure.
Pour toi je nourris onze faons que décore un beau collier, et quatre petits ours ; mais viens auprès de moi, et tout ce que je possède, t'appartiendra.
Laisse la mer azurée se briser contre le rivage ; tes nuits seront plus douces passées à mes côtés dans ma grotte ; là, croissent le laurier et le cyprès, le lierre noirâtre et une vigne chargée des raisins les plus doux.
Ma grotte est arrosée d'une onde fraîche que me verse l'Etna de ses rochers couverts d'une neige éternelle ; elle me fournit une boisson digne des dieux ; qui peut, à tant d'avantages, préférer le séjour des flots bruyants ?
Mais si ta vue est blessée des longs poils dont ma peau se hérisse, j'ai du bois de chêne et un feu qui ne s'éteint jamais sous la cendre ; viens, et je suis prêt à tout souffrir, je te livre mon existence entière, et mon oeil unique, cet oeil qui m'est plus précieux que la vie.
Hélas ! pourquoi la nature m'a-t-elle refusé des nageoires ? j'irais à toi à travers les ondes, je baiserais ta main si tu me défendais de cueillir un baiser sur ta bouche.
Je voudrais te porter le lis éclatant et le rouge pavot, dont la feuille résonne sous les doigts ; mais l'été produit l'un, l'hiver voit croître l'autre.
Jeune Nymphe, si un étranger aborde vers ce rivage, je veux qu'il m'enseigne à plonger au fond des mers ; j'irai voir quel charme puissant vous retient sous les ondes, toi et tes compagnes.
Quitte les flots, ô Galatée ! et sur ce rocher puisses-tu, comme moi, oublier ton humble demeure. Viens garder les brebis auprès de Polyphème, viens les traire, et faire des fromages en mêlant au lait pur une acide liqueur.
Ma mère seule a causé tous mes maux ; c'est elle seule que j'accuse : jamais elle ne t'a parlé de mon amour, elle qui chaque jour me voyait dépérir ; mais à mon tour aussi, pour la tourmenter, je lui dirai : je souffre, oui, je souffre beaucoup.
Ô Cyclope, Cyclope ! où est donc la raison ? Ne ferais-tu pas mieux d'aller tresser le souple osier, couper le vert feuillage pour tes agneaux ? Trais la brebis qui vient près de toi ; pourquoi courir après celle qui fuit ?
Tu trouveras une autre Galatée moins rebelle à tes vœux et peut-être plus belle. Plusieurs jeunes Nymphes veulent, à l'ombre de la nuit, m'associer à leurs jeux ; elles rient, et leur joie est extrême quand je me prête à leurs danses folâtres ; ainsi on compte donc Polyphème pour quelque chose sur la terre !
C'était ainsi que par ses chansons, l'amoureux Cyclope soulageait ses peines cruelles, et son remède était plus puissant que s'il eût payé au poids de l'or les secrets du dieu d'Épidaure.
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Site de Philippe Remacle
Odilon Redon: Polyphène et Galatée |
dimanche 20 novembre 2011
Pygmalion : Ovide Les Metamorphoses , livre X
Pygmalion par Girodet |
L'inspiration de Falconet et ce dont Diderot témoigne avec tant de talent ...
[...]
Toutefois les impures Propétides osent refuser leur encens à Vénus. Mais en butte au courroux de la déesse, les premières elles trafiquèrent, dit-on, de leurs corps et de leurs baisers. Femmes sans pudeur, leur front s’est endurci à la honte ; pierres, elles n’ont fait que changer d’endurcissement.
Témoin de leurs fureurs criminelles, et révolté des vices sans nombre qui dégradent le cœur des femmes, Pygmalion vivait libre, sans épouse, et longtemps sa couche demeura solitaire. Cependant son heureux ciseau, guisé par un art merveilleux, donne à l’ivoire éblouissant une forme que jamais femme ne reçut de la nature, et l’artiste s’éprend de son œuvre. Ce sont les traits d’une vierge, d’une mortelle ; elle respire, et, sans la pudeur qui la retient, on la verrait se mouvoir ; tant l’art disparaît sous ses prestiges mêmes. Ebloui, le cœur brûlant d’amour, Pygmalion s’enivre d’une flamme chimérique. Plus d’une fois il avance la main vers son idole ; il la touche. Est-ce un corps, est-ce un ivoire ? Un ivoire ! non, il ne veut pas en convenir. Il croit lui rendre baisers pour baisers ; tour à tour il lui parle il l’étreint ; il s’imagine que la chair cède à la pression de ses doigts ; il tremble qu’ils ne laissent leur empreinte sur les membres de la statue. Tantôt il la comble de caresses, tantôt il lui prodigue les dons chers aux jeunes filles, coquillages, pierres brillantes, petits oiseaux, fleurs de mille couleurs, lis, balles nuancées, larmes tombées du tronc des Héliades. Ce n’est pas tout, il la revêt de tissus précieux ; à ses doigts étincellent des diamants ; à son cou, de superbes colliers ; à ses oreilles, de légers anneaux ; sur sa gorge, des chaînes d’or qui pendent : tout lui sied, et nue, elle semble encore plus belle. Il la couche sur des carreaux que teint la pourpre de Sidon ; il l’appelle la compagne de son lit ; il la contemple étendue sur le duvet moelleux : il croit qu’elle y est sensible.
C’était la fête de Vénus. Cypre tout entière célébrait cette fameuse journée. L’or éclate sur les cornes recourbées des génisses au flanc de neige qui, de toutes parts, tombent sous le couteau ; l’encens fume : Pygmalion dépose son offrande sur l’autel, et debout, d’une voix timide : « Grands dieux, si tout vous est possible, donnez-moi une épouse... (il n’ose pas nommer la vierge d’ivoire) semblable à ma vierge d’ivoire ».
Vénus l’entend ; la blonde Vénus, qui préside elle-même à ses fêtes, comprend les vœux qu’il a formés ; et, présage heureux de sa protection divine, trois fois la flamme s’allume, trois fois un jet rapide s’élance dans les airs. Il revient, il vole à l’objet de sa flamme imaginaire, il se penche sur le lit, il couvre la statue de baisers. Dieux ! ses lèvres sont tièdes ; il approche de nouveau la bouche. D’une main tremblante il interroge le cœur : l’ivoire ému s’attendrit, il a quitté sa dureté première ; il fléchit sous les doigts, il cède. Telle la cire de l’Hymette s’amollit aux feux du jour, et, façonnée par le pouce de l’ouvrier, prend mille formes, se prête à mille usages divers. Pygmalion s’étonne ; il jouit timidement de son bonheur, il craint de se tromper ; sa main presse et presse encore celle qui réalise ses vœux. Elle existe. La veine s’enfle et repousse le doigt qui la cherche ; alors, seulement alors, l’artiste de Paphos, dans l’effusion de sa reconnaissance, répand tout son cœur aux pieds de Vénus. Enfin ce n’est plus sur une froide bouche que sa bouche s’imprime. La vierge sent les baisers qu’il lui donne ; elle les sent, car elle a rougi ; ses yeux timides s’ouvrent à la lumière, et d’abord elle voit le ciel et son amant. Cet hymen est l’ouvrage de la déesse ; elle y préside. Quand neuf fois la lune eut rapproché ses croissants et rempli son disque lumineux, Paphos vint à la lumière, et l’île hérita de son nom.
Tu naquis du même sang, ô malheureux Cinyre, toi que l’on eût compté entre les plus fortunés mortels, si tu n’avais pas éte père. [...]
Mais là est une autre histoire : Cinyre père de Myrrha et d' Adonis
Pygmalion et Galatée
Etienne Maurice Falconet
(1716-1791
Pygmalion au pied de sa statue , à l'instant où elle s'anime
Marbre: h: 0,835;l: 0,482; pr.:0.38 1761 Musée du Louvre
On doit le sujet à Ovide Les métamorphoses ( Livre X)
Pygmalion , petit fils du roi de Chypre ,ile vouée au culte de Vénus , vivait chaste et célibataire . Il sculpta en ivoire une femme dont il tomba amoureux . Le jour de la fête de la déesse il émit le voeu que son épouse soit semblable à la statue. A son retour chez lui caressant sa création comme il en avait l'habitude ,il s'aperçut que les dieux l' avaient exaucés et qu'elle était devenue un corps vivant.
En 1740 un auteur, Thémiseul de Saint Hyacinthe la prénomma Galatée (non précisé par Ovide ).
Et J.J. Rousseau retint ce prénom pour son Pygmalion . publié en 1771.
Présentée par Falconet au Salon de 1763 , Diderot en fit un précieux éloge qui est resté comme un morceau d'anthologie :
"O la chose précieuse que ce petit groupe de Falconet ! Voilà le morceau que j'aurais dans mon cabinet si je me piquais d'avoir un cabinet 5...°
Le groupe précieux dont je veux vous parler, il est assez inutile de vous dire que c'est le Pigmalion au pied da la statue qui s'anime... La nature et les grâces ont disposé de l'attitude de la statue. Ses bras tombent mollement à ses côtés. Ses yeux viennent de s'entrouvrir. Sa tête est un peu inclinée vers la terre, ou plutôt vers Pigmalion qui est à ses pieds. La vie se décèle en elle par un souris léger qui effleure sa lèvre supérieure. Quelle innocence elle a ! Elle en est à sa première pensée .. Son coeur commence à s'émouvoir ; mais il ne tardera pas à lui palpiter. Quelles mains, quelle mollesse de chair ! Non ce n'est pas du marbre Appuyez-y votre doigt et la matière qui a perdu sa dureté, cèdera à votre impression. ......combien de vérités sur ces côtes ! Quels pieds ! Qu'ils sont doux et délicats ! Un petit Amour a saisi une des mains de la statue, qu'il ne baise pas, qu'il dévore .Quelle vivacité , quelle ardeur . Combien de malice dans la tête de cet Amour ... Un genoux en terre, l'autre levé, les mains serrées fortement l'une dans l'autre, Pigmalion est devant son ouvrage et le regarde. Il cherche dans les yeux de la statue la confirmation du prodige que les dieux lui ont promis . O le beau visage que le sien ! O Falconet comment as-tu fait pour mettre dans un morceau de pierre blanche la surprise la joie et l'amour fondus ensemble. Emule des dieux , s'ils ont animé ta statue, tu en a renouvelé le miracle en animant le statuaire ....
Le faire du groupe est admirable. C'est une matière une , dont les statuaire a tiré trois sortes de chairs différentes . Celles de la statue ne sont point celles de l'enfant, ni celles-ci les chairs du Pigmalion..."
Pour admirer encore davantage , en détail :http://www.insecula.com/oeuvre/photo_ME0000033868.html
jeudi 17 novembre 2011
L'Amour au temps du Cholera , Garcia Marquez
"L'illusion est une erreur qui se nourrit de nos désirs " aurait dit en substance E Kant.
Le rêve ne répond pas fatalement à la définition de l'illusion et pourtant ils se nourrissent tous deux de nos désirs .
Le rêve ne répond pas fatalement à la définition de l'illusion et pourtant ils se nourrissent tous deux de nos désirs .
« …. Il numérota toutes ses lettres à partir du premier mois et commençait par un résumé des lettres précédentes , comme les feuilletons des journaux, par crainte que Fermina Daza ne s’aperçût pas qu’elles avaient une certaine continuité. Lorsqu’elles furent quotidiennes , il remplaça les enveloppes de deuil par des enveloppes longues et blanches, pour leur donner l’impersonnalité complice des lettres commerciales. Au début il était disposé à soumettre sa patience , à une épreuve plus grande encore, au moins tant qu’il ne constaterait pas qu’il perdait son temps avec la seule méthode différente qu’il avait pu inventer. Il attendit , en effet, sans les souffrances de toutes sortes que dans sa jeunesse l’espérance lui infligeait , mais avec au contraire l’entêtement d’un vieillard de pierre qui n’avait à penser à rien d’autre, n’avait plus rien à faire dans une compagnie fluviale voguant de son propre chef sous des vents favorables, et qui possédait de surcroît , l’intime conviction qu’il serait encore vivant et en pleine possession de ses facultés d’homme demain, après-demain , plus tard et toujours, lorsque Fermina Daza serait enfin convaincue que le seul remède à ses afflictions de veuve solitaire était de lui ouvrir toutes grandes le portes de sa vie .
En attendant il menait la même vie régulière et, prévoyant une réponse favorable, il entreprit une seconde rénovation de la maison afin qu’elle fut digne de celle qui aurait pu s’en considérer la reine et la maîtresse dès le jour où elle avait été achetée. Il retourna plusieurs fois chez Prudencia Pitre, ainsi qu’il se l’était promis, pour lui prouver qu’en dépit des déprédations de l’âge il pouvait l’aimer au grand jour et en plein soleil aussi bien que pendant ses nuits de vague à l’âme. Il continuait de passer devant la maison d’Andréa Varon et lorsqu’il ne voyait plus de lumière à la fenêtre de la salle de bains, il tentait de s’abrutir avec les extravagances de son lit , ne fût-ce que pour pas perdre la régularité de l’amour et rester fidèle à une autre de ses croyances, jamais démentie , que tant que l’on va le corps va….. »
Gabriel Garcia Marquez : L’amour au temps du choléra
Gerry ,Gus Van Sant
Sortie sur les écrans le 2002
Réalisation : Gus Van Sant
Scénario : Casey Affleck, MattDamon et Gus Van Sant
Acteurs principaux: : Casey Affleck , Matt Damon
Musique Sur un Thème d'Arvo Pärt : Spiegel im Spiegel
On peut le voir au premier degré et s’abandonner au charme d’une succession de paysages grandioses où se déroule l’histoire au rythme de la musique d’Arvo Pärt qui suggère si bien la contemplation.
Un plaisir des yeux et de l’oreille qui peut tout simplement nous combler.
Montagnes, rochers et déserts composent une minéralité sublime animée par la lumière qui module et transformes les surfaces en jouant du clair-obscur ou de l’éblouissement orchestrés par l’homme de l’art.
Mais le film se prête à bien d’autres regards par la manière minimaliste du réalisateur .
Gus Van Sant nous offre des décors somptueux , un rythme, ainsi qu’un couple d’acteurs , deux êtres à la fois différents et semblables qui simplement cherchent pour avancer . Où , vers quoi , pour quoi ? l’histoire ne le dit pas Au bout de l’aventure la mort pour l’un ; le regret , le remord pour l’autre ?
Pas de révolte , pas de cri, pas d’émotions pré-construites , obligées.
Chacun de nous peut y projeter ses propres interrogations, hasarder timidement des réponses ou avouer, dans une humilité mélancolique, son impuissance à démêler le sens de la vie ou la place de l’homme dans ce Tout démesuré ……
mardi 15 novembre 2011
lundi 14 novembre 2011
dimanche 13 novembre 2011
Lettres de Delft ...Vermeer de Delft
Liseuse à la fenêtre |
Jeune fille à la perle |
La lettre d'amour |
Femme lisant une lettre |
Vue de Delft (Un petit pan de mur jaune.....)
La mort de Bergotte
La mort de Bergotte
...Bergotte mourut dans les circonstances suivantes : une crise d'urémie assez légère était cause qu'on lui avait prescrit le repos. Mais un critique ayant écrit que dans la VUE DE DELFT de Vermeer ( prêté par le musée de La Haye pour une exposition hollandaise ), tableau qu'il adorait et croyait connaître très bien, un petit pan de mur jaune ( qu'il ne se rappelait pas ) était si bien peint qu'il était, si on le regardait seul, comme une précieuse oeuvre d'art chinoise, d'une beauté qui se suffirait à elle-même, Bergotte mangea quelques pommes de terre, sortit et entra à l'exposition. Dès les premières marches qu'il eut à gravir, il fut pris d'étourdissements. Il passa devant plusieurs tableaux et eut l'impression de la sécheresse et de l'inutilité d'un art si factice, et qui ne valait pas les courants d'air et de soleil d'un palazzo de Venise, ou d'une simple maison au bord de la mer. Enfin il fut devant le Vermeer qu'il se rappelait plus éclatant, plus différent de tout ce qu'il connaissait, mais où, grâce à l'article du critique, il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose, et enfin la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune. Ses étourdissements augmentaient ; il attachait son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu'il veut saisir, au précieux petit pan de mur. " C'est ainsi que j'aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleurs, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune. " Cependant la gravité de ses étourdissements ne lui échappait pas. Dans une céleste balance lui apparaissait, chargeant l'un des plateaux, sa propre vie, tandis que l'autre contenait le petit pan de mur si bien peint en jaune. Il sentait qu'il avait imprudemment donné la première pour le second. " Je ne voudrais pourtant pas, se dit-il, être pour les journaux du soir le fait divers de cette exposition." Il se répétait : "Petit pan de mur jaune avec un auvent, petit pan de mur jaune." Cependant il s'abattit sur un canapé....
( A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU - MARCEL PROUST: LA PRISONNIÈRE)
La femme à l'aiguière |
samedi 12 novembre 2011
Si je mourais là-bas, Apollinaire, Ferrat
Si je mourais là-bas
Si je mourais là-bas...http://wheatoncollege.edu/academic/academicdept/French/ViveVoix/Home.html
Si je mourais là-bas sur le front de l'armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l'armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur
Et puis ce souvenir éclaté dans l'espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l'étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l'espace
Comme font les fruits d'or autour de Baratier
Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants
Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l'onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L'amant serait plus fort dans ton corps écarté
Lou si je meurs là-bas souvenir qu'on oublie
- Souviens-t'en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d'amour et d'éclatante ardeur -
Mon sang c'est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie
Ô mon unique amour et ma grande folie
a nuit descend
n y pressent
n long destin de sang
Guillaume APOLLINAIRE, Poèmes à Lou (1947)
poème composé en janvier 1915
Je t'écris ô mon Lou 'Apollinaire
Je t'écris ô mon Lou de la hutte en roseaux
Où palpitent d'amour et d'espoir neuf coeurs d'hommes
Les canons font partir leurs obus en monômes
Et j'écoute gémir la forêt sans oiseaux
Il était une fois en Bohême un poète
Qui sanglotait d'amour puis chantait au soleil
Il était autrefois la comtesse Alouette
Qui sut si bien mentir qu'il en perdit la tête
En perdit sa chanson en perdit le sommeil
Un jour elle lui dit Je t'aime ô mon poète
Mais il ne la crut pas et sourit tristement
Puis s'en fut en chantant Tire-lire Alouette
Et se cachait au fond d'un petit bois charmant
Où palpitent d'amour et d'espoir neuf coeurs d'hommes
Les canons font partir leurs obus en monômes
Et j'écoute gémir la forêt sans oiseaux
Il était une fois en Bohême un poète
Qui sanglotait d'amour puis chantait au soleil
Il était autrefois la comtesse Alouette
Qui sut si bien mentir qu'il en perdit la tête
En perdit sa chanson en perdit le sommeil
Un jour elle lui dit Je t'aime ô mon poète
Mais il ne la crut pas et sourit tristement
Puis s'en fut en chantant Tire-lire Alouette
Et se cachait au fond d'un petit bois charmant
Un soir en gazouillant son joli tire-lire
La comtesse Alouette arriva dans le bois
Je t'aime ô mon poète et je viens te le dire
Je t'aime pour toujours Enfin je te revois
Et prends-la pour toujours mon âme qui soupire
Ô cruelle Alouette au coeur dur de vautour
Vous mentîtes encore au poète crédule
J'écoute la forêt gémir au crépuscule
La comtesse s'en fut et puis revint un jour
Poète adore-moi moi j'aime un autre amour
Il était une fois un poète en Bohême
Qui partit à la guerre on ne sait pas pourquoi
Voulez-vous être aimé n'aimez pas croyez-moi
Il mourut en disant Ma comtesse je t'aime
Et j'écoute à travers le petit jour si froid
Les obus s'envoler comme l'amour lui-même
Apollinaire, Poèmes à Lou
La comtesse Alouette arriva dans le bois
Je t'aime ô mon poète et je viens te le dire
Je t'aime pour toujours Enfin je te revois
Et prends-la pour toujours mon âme qui soupire
Ô cruelle Alouette au coeur dur de vautour
Vous mentîtes encore au poète crédule
J'écoute la forêt gémir au crépuscule
La comtesse s'en fut et puis revint un jour
Poète adore-moi moi j'aime un autre amour
Il était une fois un poète en Bohême
Qui partit à la guerre on ne sait pas pourquoi
Voulez-vous être aimé n'aimez pas croyez-moi
Il mourut en disant Ma comtesse je t'aime
Et j'écoute à travers le petit jour si froid
Les obus s'envoler comme l'amour lui-même
Apollinaire, Poèmes à Lou
Les lettres....c'était vous ..... Cyrano De Bergerac
Cyrano De Bergerac (1990) Cyrano's Death scene French with Engish subs (not very accurate)
......
ROXANE, debout près de lui
Chacun de nous a sa blessure : j'ai la mienne.
Toujours vive, elle est là, cette blessure ancienne,
Elle met la main sur sa poitrine.
Elle est là, sous la lettre au papier jaunissant
Où l'on peut voir encor des larmes et du sang !
Le crépuscule commence à venir.
Chacun de nous a sa blessure : j'ai la mienne.
Toujours vive, elle est là, cette blessure ancienne,
Elle met la main sur sa poitrine.
Elle est là, sous la lettre au papier jaunissant
Où l'on peut voir encor des larmes et du sang !
Le crépuscule commence à venir.
CYRANO
Sa lettre !... N'aviez-vous pas dit qu'un jour, peut-être,
Vous me la feriez lire ?
Sa lettre !... N'aviez-vous pas dit qu'un jour, peut-être,
Vous me la feriez lire ?
ROXANE
Ah ! vous voulez ?... Sa lettre ?
Ah ! vous voulez ?... Sa lettre ?
CYRANO
Oui... Je veux... Aujourd'hui...
Oui... Je veux... Aujourd'hui...
ROXANE, lui donnant le sachet pendu à son cou.
Tenez !
Tenez !
CYRANO, le prenant
Je peux ouvrir ?
Je peux ouvrir ?
ROXANE
Ouvrez... lisez !...
Elle revient à son métier, le replie, range ses laines.
Ouvrez... lisez !...
Elle revient à son métier, le replie, range ses laines.
CYRANO, lisant
"Roxane, adieu, je vais mourir !..."
"Roxane, adieu, je vais mourir !..."
ROXANE, s'arrêtant, étonnée
Tout haut ?
Tout haut ?
CYRANO, lisant
"C'est pour ce soir, je crois, ma bien-aimée !
"J'ai l'âme lourde encor d'amour inexprimée,
"Et je meurs ! jamais plus, jamais mes yeux grisés,
"Mes regards dont c'était..."
"C'est pour ce soir, je crois, ma bien-aimée !
"J'ai l'âme lourde encor d'amour inexprimée,
"Et je meurs ! jamais plus, jamais mes yeux grisés,
"Mes regards dont c'était..."
ROXANE
Comme vous la lisez,
Sa lettre !
Comme vous la lisez,
Sa lettre !
CYRANO, continuant
"...dont c'était les frémissantes fêtes,
"Ne baiseront au vol les gestes que vous faites
"J'en revois un petit qui vous est familier
"Pour toucher votre front, et je voudrais crier..."
"...dont c'était les frémissantes fêtes,
"Ne baiseront au vol les gestes que vous faites
"J'en revois un petit qui vous est familier
"Pour toucher votre front, et je voudrais crier..."
ROXANE, troublée
Comme vous la lisez, -- cette lettre !
La nuit vient insensiblement.
Comme vous la lisez, -- cette lettre !
La nuit vient insensiblement.
CYRANO
"Et je crie
"Adieu !..."
"Et je crie
"Adieu !..."
ROXANE
Vous la lisez...
Vous la lisez...
CYRANO
"Ma chère, ma chérie,
"Mon trésor..."
"Ma chère, ma chérie,
"Mon trésor..."
ROXANE, rêveuse
D'une voix...
D'une voix...
CYRANO
"Mon amour..."
"Mon amour..."
ROXANE
D'une voix...Elle tressaille.
Mais... que je n'entends pas pour la première fois !
Elle s'approche tout doucement, sans qu'il s'en aperçoive,
passe derrière le fauteuil se penche sans bruit, regarde la
lettre. -- L'ombre augmente.
Mais... que je n'entends pas pour la première fois !
Elle s'approche tout doucement, sans qu'il s'en aperçoive,
passe derrière le fauteuil se penche sans bruit, regarde la
lettre. -- L'ombre augmente.
CYRANO
"Mon coeur ne vous quitta jamais une seconde,
"Et je suis et serai jusque dans l'autre monde
"Celui qui vous aima sans mesure, celui..."
"Mon coeur ne vous quitta jamais une seconde,
"Et je suis et serai jusque dans l'autre monde
"Celui qui vous aima sans mesure, celui..."
ROXANE, lui posant la main sur l'épaule
Comment pouvez-vous lire à présent ? Il fait nuit.
Il tressaille, se retourne, la voit là tout près, fait un
geste d'effroi, baisse la tête. Un long silence. Puis, dans
l'ombre complètement venue, elle dit avec lenteur, joignant
les mains
Et pendant quatorze ans, il a joué ce rôle
D'être le vieil ami qui vient pour être drôle !
Comment pouvez-vous lire à présent ? Il fait nuit.
Il tressaille, se retourne, la voit là tout près, fait un
geste d'effroi, baisse la tête. Un long silence. Puis, dans
l'ombre complètement venue, elle dit avec lenteur, joignant
les mains
Et pendant quatorze ans, il a joué ce rôle
D'être le vieil ami qui vient pour être drôle !
CYRANO
Roxane !
Roxane !
ROXANE
C'était vous.
C'était vous.
CYRANO
Non, non, Roxane, non !
Non, non, Roxane, non !
ROXANE
J'aurais dû deviner quand il disait mon nom !
J'aurais dû deviner quand il disait mon nom !
CYRANO
Non ! ce n'était pas moi !
Non ! ce n'était pas moi !
ROXANE
C'était vous !
C'était vous !
CYRANO
Je vous jure...
Je vous jure...
ROXANE
J'aperçois toute la généreuse imposture
Les lettres, c'était vous...
J'aperçois toute la généreuse imposture
Les lettres, c'était vous...
CYRANO
Non !
Non !
ROXANE
Les mots chers et fous,
C'était vous...
Les mots chers et fous,
C'était vous...
CYRANO
Non !
Non !
ROXANE
La voix dans la nuit, c'était vous.
La voix dans la nuit, c'était vous.
CYRANO
Je vous jure que non !
Je vous jure que non !
ROXANE
L'âme, c'était la vôtre !
L'âme, c'était la vôtre !
CYRANO
Je ne vous aimais pas.
Je ne vous aimais pas.
ROXANE
Vous m'aimiez !
Vous m'aimiez !
CYRANO, se débattant
C'était l'autre !
C'était l'autre !
ROXANE
Vous m'aimiez !
Vous m'aimiez !
CYRANO, d'une voix qui faiblit
Non !
Non !
ROXANE
Déjà vous le dites plus bas !
Déjà vous le dites plus bas !
CYRANO
Non, non, mon cher amour, je ne vous aimais pas !
Non, non, mon cher amour, je ne vous aimais pas !
ROXANE
Ah ! que de choses qui sont mortes... qui sont nées !
-- Pourquoi vous être tu pendant quatorze années,
Puisque sur cette lettre où, lui, n'était pour rien,
Ces pleurs étaient de vous ?
Ah ! que de choses qui sont mortes... qui sont nées !
-- Pourquoi vous être tu pendant quatorze années,
Puisque sur cette lettre où, lui, n'était pour rien,
Ces pleurs étaient de vous ?
CYRANO, lui tendant la lettre
Ce sang était le sien.
Ce sang était le sien.
ROXANE
Alors pourquoi laisser ce sublime silence
Se briser aujourd'hui ?
Alors pourquoi laisser ce sublime silence
Se briser aujourd'hui ?
CYRANO
Pourquoi ?...
Pourquoi ?...
...
(Edmond Rostand)
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