mardi 15 mars 2011

Venise,Turner , Liadov, André Suarès....


Liadov - Prelude Op. 11, No. 1



On arrive  à  Venise comme, après  tous les méandres de l'insomnie, on finit  par  descendre  sur la plage  d'un songe. On  desespère  de  toucher  au  bonheur  .La ville  ne parait pas . Rien ne l'annonce. On  la cherche au  Levant.  On  s'attend  à  en voir  quelques  signes et sur le  ciel ,  flotter les pavillons de la chimère.  L'horizon  où  elle  se dérobe  est un  infini  muet, miroitant  et  désert . Parfois  on  a cru  découvrir une tour, un clocher  sur la plaine  marine;  mais on doute du  mirage  salin . Est-ce  la mer  ?  est-ce  la  terre  ferme? ou  plutôt  quel  mélange  fluide, quel  transparent  accord  des deux pâtes sur la palette  ?
Tout  est  ciel , c'est le  ciel  immense des  salines, une vasque de  rose  et d'azur  tendre, un océan de nacre , qu'irise ça  et là , quelque perle  de nuage. On  appelle la mer et on  l'a  au-dessus de soi, ce firmament  tranquille. Puis le  crépuscule  rougit. Une tache de  sang coule sur la voûte et s'étend  vers la  terre.  Venise n'apparait  toujours pas . Elle  est  là-bas ,  pourtant,  dans l'ombre lucide, d'un violet  si  délicat  et  si  languissant qu'on pense au  sourire de la  volupté douloureuse  . 
André Suarès,  Voyage  du  Condottière.

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