jeudi 7 février 2019

L'estampe japonaise


Les estampes du  monde flottant




Avec ses sujets  essentiellement profanes, elle  apparaît au 17ème siècle, se développe  à l’époque  Monoyama et au début de la  période Edo. Sa technique est celle de la gravure sur bois.
L’Ukiyo-e
Littéralement : " la peinture du  monde qui  passe ", est l’expression d’une classe de marchands,  de plus en plus influente  et d’une population urbaine croissante, deux classes éloignées de la culture classique mais  qui sentent l’opportunité de s’imposer  et  cherchent  à communiquer et à valoriser  leurs activités  par leurs propres  moyens .
Au  16ème siècle les premières estampes apparaissent en noir et blanc, remplacées rapidement par les estampes polychromes : différentes planches de bois  sont utilisées pour  ajouter  les couleurs une à une sur la feuille.
L’estampe qui correspond à une culture populaire est longtemps sous-estimée dans son  propre pays. Considérée comme une forme d’artisanat  fonctionnel  elle  rencontre le mépris  de la classe impériale et de celle des samouraïs.
Elle sera revalorisée au XXème siècle , soutenue par le vieux continent .
Illustration : Courtisanes sous la véranda regardant la lune  (Susuki Harunobu XVII°s)
 
Technique
Elle  doit  sa valeur artistique aux talents conjugués de 4 maîtres :  l’artiste , le graveur , l’imprimeur et l’éditeur qui travaillent en équipe comme dans la typographie européenne.
En  principe il  faut à un artiste 4 ans d’apprentissage dans  une école de peinture et 10 pour  un graveur .
 
Matériaux
Papier fabriqué à la main  à partir de  la  plante du mûrier.
Bois de cerisier  pour les blocs de bois taillés
Dans le souci du respect de la tradition  , les estampes continuent d’être exécutées généralement dans  les  mêmes matériaux   . Les teintures végétales sont toutefois progressivement remplacées par des  couleurs chimiques qui gardent leur éclat contrairement aux anciens pigments, passant au fil du temps du fait de l’humidité (les estampes anciennes pour cette raison  présentent rarement  des couleurs vives) .
  Illustration : Pluie nocturne  sur le buisson de pawlonias à Akasaka (Andô Hiroshige .de la série  des cent sites d'Edo vers 1856-1859)
Historiquement
En  1853 , le japon représente la dernière frontière à franchir  pour l’expansion coloniale en Asie,  notamment américaine.
Devant l’exemple de la Chine humiliée, le Japon n’est guère tenté  par une  ouverture sur le monde occidental et la  politique du  Sakoku s’y oppose.
L’isolationnisme prend fin  à l’issue d’une épreuve de force. 
Les  occidentaux qui ne connaissent l’art japonais qu’à travers ses porcelaines et ses laques exportées de Nagasaki ,  seul port  ouvert sur le monde extérieur via la Cie hollandaise des Indes occidentales sont  immédiatement séduits par la valeur des estampes japonaises .
 
Paradoxalement  les estampes,  toujours profanes , trouvent  leur origine dans un contexte religieux .
 Autrefois les fidèles avaient l’habitude de ramener de leurs visites aux temples , des images ou des textes d’abord de facture grossière puis de plus en plus artistique,  reproductions  en série sur  papier, nécessitant l’utilisation  de blocs de bois (images stéréotypées et particulières  à chaque temple), bien moins onéreuses que  des peintures ou  calligraphies traditionnelles.
 
Les Thèmes
Souvent à fins publicitaires ou de propagande ,  elles  s'inspirent de la vie quotidienne.  Hokusai introduira  les thèmes de la peinture traditionnelle réaffirmant dans cette technique l’attachement aux choses de la  nature, constante de l’esprit japonais .
 Sont reproduites , des aventures sentimentales , des rencontres amoureuses  , des figures  représentant des acteurs en vogue ou des courtisanes célèbres  . L'estampe se fait  parfois  chronique comportant finesse et humour.


      
Illustrations :
 A gauche : Beauté (Hishigawa Moronobu , période Edo )
 A droite :  Courtisane  portant  un kimono  orné de plumes ( Kaigetsudo Ando , période Edo)                                                       
L’Ukiyo
 Le genre le plus connu en occident , vient du concept bouddhiste  d’éphémère.
Le  monde est guidé par le désir qui entraîne l’attachement conduisant à une insatisfaction perpétuelle et donc à l’impossibilité d’atteindre le salut .
Seul le détachement des biens  , des sentiments et des sensations du  monde  conjugué  à un effort constant vers la compréhension de la réalité  ultime peut conduire à l’illumination .
 Mais cet enseignement peut amener  à son contraire : si tout ce qui est terrestre et matériel est  illusoire , pourquoi ne pas en profiter au maximum.
Cette conception trouve sa  place  chez les nouvelles classes influentes des commerçants et  citadins qui veulent pouvoir exprimer  leur choix pour cette conception nouvelle d’existence.  L’Ukiyo-e en fut l’instrument idéal  et  indispensable afin de  vanter ce que les villes pouvaient offrir de plus agréable.
Les  samouraïs réagirent vigoureusement contre  ce qu’ils  percevaient comme une perte des valeurs ancestrales, par des actes de censures de confiscation ou de destruction  des œuvres .
Le dynamisme  des nouvelles tendances  en imposant celles-ci ,  assura le développement et l’extension de  ce mode d’expression artistique  .
                        
Quelques noms
 
Hishikawa Moronobu (1615-1694)
Suzuki Harunobu (1725 –1770)
Kitagawa Utamaro (1753-1806)
Tôshûsai Sharaku (1770- 1825)
 
Il est  intéressant de souligner  le dynamisme  de  l’art des  estampes qui suit l’évolution de la société japonaise. D’abord populaire  et à vocation fonctionnelle la qualité  et le savoir-faire lui conquièrent  ses lettres de noblesse pour le faire passer d’un art  mineur à celui d’ art véritable.
Avec l’ouverture au  monde  , les techniques évoluent comme les couleurs  qui  d’une origine strictement végétale  adoptent des composantes chimiques
A la fin du XIX ème siècle ,  l’estampe connaît une crise profonde , aggravée par l’apparition de la photographie.
Le genre Ukiyo-e s’achève en  1912 avec la période Taishô.
Revalorisée en tant que technique artistique grâce au  mouvement Shin  Hanga (1) elle devient plus culturelle et intellectuelle.
Abandonnant  ses origines populaires  l’estampe devient un objet de collection et un moyen raffiné  d’interpréter la réalité .
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  Illustration  :  Vue nocturne de la rue  Qaruwaka,(Andô Hiroshige De la série  les cent sites d'Edo) 

  (1)Mouvement fondé  par l’éditeur  Watanabe  Shozaburô (1885-1962), la  lumière  et la perspective  s’ajoutent à la technique traditionnelle .

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