Les estampes du monde
flottant
Avec ses sujets essentiellement
profanes, elle apparaît au 17ème
siècle, se développe à l’époque Monoyama et au début de la période Edo. Sa technique est celle de la
gravure sur bois.
L’Ukiyo-e
Littéralement : " la peinture du
monde qui passe ", est
l’expression d’une classe de marchands,
de plus en plus influente et
d’une population urbaine croissante, deux classes éloignées de la culture
classique mais qui sentent l’opportunité
de s’imposer et cherchent
à communiquer et à valoriser
leurs activités par leurs
propres moyens .
Au 16ème siècle les
premières estampes apparaissent en noir et blanc, remplacées rapidement par les
estampes polychromes : différentes planches de bois sont utilisées pour ajouter
les couleurs une à une sur la feuille.
L’estampe qui correspond à une culture populaire est longtemps sous-estimée
dans son propre pays. Considérée comme
une forme d’artisanat fonctionnel elle
rencontre le mépris de la classe
impériale et de celle des samouraïs.
Elle sera revalorisée au XXème siècle , soutenue par le vieux continent .
Illustration : Courtisanes sous la véranda regardant la lune (Susuki
Harunobu XVII°s)
Technique
Elle
doit sa valeur artistique aux
talents conjugués de 4 maîtres :
l’artiste , le graveur , l’imprimeur et l’éditeur qui travaillent en
équipe comme dans la typographie européenne.
En principe il faut à un artiste 4 ans d’apprentissage
dans une école de peinture et 10
pour un graveur .
Matériaux
Papier fabriqué à la main à partir
de la
plante du mûrier.
Bois de cerisier pour les blocs de bois
taillés
Dans le souci du respect de la tradition
, les estampes continuent d’être exécutées généralement dans les
mêmes matériaux . Les teintures
végétales sont toutefois progressivement remplacées par des couleurs chimiques qui gardent leur éclat
contrairement aux anciens pigments, passant au fil du temps du fait de
l’humidité (les estampes anciennes pour cette raison présentent
rarement des couleurs vives) .
Illustration : Pluie nocturne sur le buisson de pawlonias à Akasaka
(Andô Hiroshige .de la série des cent sites d'Edo vers 1856-1859)
Historiquement
En 1853 , le japon représente la
dernière frontière à franchir pour
l’expansion coloniale en Asie, notamment
américaine.
Devant l’exemple de la Chine humiliée, le Japon n’est guère tenté par une
ouverture sur le monde occidental et la
politique du Sakoku s’y oppose.
L’isolationnisme prend fin à l’issue
d’une épreuve de force.
Les occidentaux qui ne connaissent
l’art japonais qu’à travers ses porcelaines et ses laques exportées de Nagasaki
, seul port ouvert sur le monde extérieur via la Cie
hollandaise des Indes occidentales sont immédiatement séduits par la
valeur des estampes japonaises .
Paradoxalement les estampes, toujours profanes , trouvent leur origine dans un contexte religieux .
Autrefois les fidèles avaient
l’habitude de ramener de leurs visites aux temples , des images ou des textes
d’abord de facture grossière puis de plus en plus artistique, reproductions
en série sur papier, nécessitant l’utilisation de blocs de bois (images stéréotypées et
particulières à chaque temple), bien
moins onéreuses que des peintures
ou calligraphies traditionnelles.
Les Thèmes
Souvent à fins publicitaires ou de propagande , elles s'inspirent de la vie quotidienne. Hokusai introduira les thèmes de la peinture traditionnelle réaffirmant
dans cette technique l’attachement aux choses de la nature, constante de l’esprit japonais .
Sont reproduites , des aventures
sentimentales , des rencontres amoureuses
, des figures représentant des
acteurs en vogue ou des courtisanes célèbres . L'estampe se fait
parfois chronique comportant finesse et humour.
Illustrations :
A gauche : Beauté (Hishigawa Moronobu , période Edo )
A gauche : Beauté (Hishigawa Moronobu , période Edo )
A droite : Courtisane portant un kimono orné
de plumes ( Kaigetsudo Ando , période
Edo)
L’Ukiyo
Le genre le plus connu en occident ,
vient du concept bouddhiste d’éphémère.
Le monde est guidé par le désir qui
entraîne l’attachement conduisant à une insatisfaction perpétuelle et donc à
l’impossibilité d’atteindre le salut .
Seul le détachement des biens , des
sentiments et des sensations du
monde conjugué à un effort constant vers la compréhension de
la réalité ultime peut conduire à
l’illumination .
Mais cet enseignement peut
amener à son contraire : si tout ce
qui est terrestre et matériel est
illusoire , pourquoi ne pas en profiter au maximum.
Cette conception trouve sa
place chez les nouvelles classes
influentes des commerçants et citadins
qui veulent pouvoir exprimer leur choix
pour cette conception nouvelle d’existence.
L’Ukiyo-e en fut l’instrument idéal
et indispensable afin de vanter ce que les villes pouvaient offrir de
plus agréable.
Les samouraïs réagirent
vigoureusement contre ce qu’ils percevaient comme une perte des valeurs
ancestrales, par des actes de censures de confiscation ou de destruction des œuvres .
Le dynamisme des nouvelles
tendances en imposant celles-ci , assura le développement et l’extension
de ce mode d’expression artistique .
Quelques noms
Hishikawa Moronobu (1615-1694)
Suzuki Harunobu (1725 –1770)
Kitagawa Utamaro (1753-1806)
Tôshûsai Sharaku (1770- 1825)
Il est intéressant de souligner le dynamisme
de l’art des estampes qui suit l’évolution de la société
japonaise. D’abord populaire et à
vocation fonctionnelle la qualité et le
savoir-faire lui conquièrent ses lettres
de noblesse pour le faire passer d’un art
mineur à celui d’ art véritable.
Avec l’ouverture au monde , les techniques évoluent comme les
couleurs qui d’une origine strictement végétale adoptent des composantes chimiques
A la fin du XIX ème siècle ,
l’estampe connaît une crise profonde , aggravée par l’apparition de la
photographie.
Le genre Ukiyo-e s’achève en 1912
avec la période Taishô.
Revalorisée en tant que technique artistique grâce au mouvement Shin Hanga (1) elle devient plus culturelle et
intellectuelle.
Abandonnant ses origines
populaires l’estampe devient un objet de
collection et un moyen raffiné
d’interpréter la réalité .
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Illustration
: Vue nocturne de la rue Qaruwaka,(Andô Hiroshige De la série
les cent sites d'Edo)
(1)Mouvement fondé par
l’éditeur Watanabe Shozaburô (1885-1962), la lumière
et la perspective s’ajoutent à la
technique traditionnelle .
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