L’Enfant
et la rivière de Henri Bosco
Un récit poétique comme
défini par la 4e de couverture :
L’âme
se manifesta vers minuit.
Elle
marcha le long du rivage, écarta un buisson et descendit la grève.
Elle m’y apparut, comme une petite blancheur. Cette blancheur erra
un moment, puis s’approcha de l’eau.
C’est
alors que je perdis la tête. Je détachai la barque du mouillage, et
tout doucement, à la perche, je la poussai. Elle m’obéit et se
mit à glisser sur l’eau noire.
« Voilà
peut-être l’une des reconquêtes du xxe
siècle, cette liberté poétique, cette remontée à la source des
symboles et des images ! » — J. Steinmann, Éditons
Gallimard (1953)
Henri Bosco né en 1888 à
Avignon, de souche provençale et italienne, mort en 1976.
L’enfant et la rivière
est de 1945. Henri
Bosco sur Wikipédia.
Ce
que m’apprend Wikipédia : Henri Bosco est un des écrivains
favoris de Gaston
Bachelard, qui le cite fréquemment dans ses œuvres pour
commenter ses images et ses métaphores, notamment dans La
Flamme d’une chandelle.
Les deux auteurs ont entretenu une correspondance.
Je me suis précipitée sur
La Flamme d’une chandelle pour découvrir que
ce livre est effectivement dédicacé à Henri Bosco.
Le récit poétique, tout
imprégné de la magie de l’eau, des lieux humides, des îles, des
marais, aurait pu me mener directement à Bachelard et à sa
Poétique des eaux dormantes. Pourquoi cette dédicace pour ce
livre consacré à l’imaginaire du feu ?
En fait, les rêveries que
partageaient le philosophe et le romancier sont bien plus vastes et
ne se limitent ni à l’eau ni au feu, mais bien aux
quatre éléments !
Ainsi, les deux enfants du
roman, en escapade, ont trouvé refuge sur une île et tels des
Robinsons, prélèvent à la nature leur repas quotidien :
Dès
lors nous menâmes une vie passionnante. Nous avions dans nos mains
la nourriture ! Quelle nourriture ! Car ce n’était pas
là un aliment banal, acheté, préparé, offert par d’autres
mains, mais notre nourriture à nous, celle que nous avions pêchée
nous-mêmes, et qu’il nous fallait nettoyer, assaisonner, cuire
nous-mêmes.
Or,
les pouvoirs secrets de cette nourriture donnent à celui qui la
mange, de miraculeuses facultés. Car elle unit sa vie à la nature.
C’est pourquoi entre nous et les éléments naturels un merveilleux
contact s’établit aussitôt. L’eau,
la terre, le feu et l’air nous furent révélés.
L’eau
qui était devenue notre sol naturel : nous habitions sur
l’eau ; nous en tirions la vie.
La
terre, à peu près invisible, mais qui tenait les eaux entre ses
bras puissants.
L’air
d’où viennent les vents, les oiseaux, les insectes.
L’air
où les nuages circulent si légèrement. L’air paisible et
orageux. L’air où s’étendent la lumière et l’ombre. L’air
où se forment les présages.
Le
feu, enfin, sans quoi la nourriture est inhumaine. Le feu qui
réchauffe et rassure. Le feu qui fait le campement. Car sans le feu
il manque un génie à la halte. Elle n’a plus de sens. Elle perd
tout son charme ; elle n’est plus une vraie halte, avec son
repas chaud, ses causeries, son loisir entre deux étapes, ses rêves
et son sommeil bien protégé.
Jusqu’à
ce jour, je ne connaissais pas le feu, le vrai feu, le feu de plein
air. Je n’avais jamais vu que des feux apprivoisés, des feux
captifs dans un fourneau, des feux obéissants, qui naissent d’une
pauvre allumette, et auxquels ont ne permet pas toutes les flammes.
On les mesure, on les tue, on les ressuscite et, pour tout dire, on
les avilit. Ils sont uniquement utiles. Et si l’on pouvait s’en
passer, pour chauffer et cuire, on n’en verrait plus chez les
Hommes. Mais là, en plein vent, au milieu des roseaux et des saules,
notre feu fut vraiment le feu, le vieux feu des camps primitifs.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire