mercredi 4 octobre 2017

Schopenhauer et la musique , Schubert fantasy D 940

Arthur  Schopenhauer

Portrait  par  Ludwig Sigismund  Ruhl 1815

[ La  musique ] n'est donc  pas comme les autres arts, une reproduction  des Idées, mais une  reproduction  de la volonté  au même  titre que les  idées elles-mêmes. C'est  pourquoi l'influence de la musique  est  plus  puissante  et plus  pénétrante que  celle  des autres  arts;  ceux-ci n'expriment  que   l'ombre, tandis  qu'elle  parle  de  l'être.
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Il est dans la nature de l'homme  de  former  des vœux,  de  les réaliser, d'en  former  aussitôt  de nouveaux et  ainsi  de suite,  indéfiniment;  il  n'est heureux  et calme  que  si  le passage  du   désir  à sa  réalisation  et celui  du  succès à un  nouveau  désir se  font  rapidement, car  le  retard de  l'une amène la souffrance,  et  l’absence  de l'autre  produit  une  douleur  stérile  , l'ennui. La  mélodie par essence  reproduit  tout   cela : elle erre  par  mille chemins, et s'éloigne  sans cesse du  ton  fondamental ;   elle ne va pas seulement  aux  intervalles harmoniques ,  la tierce ou  la quinte,   mais à  tous les autres degrés , comme la  septième dissonante et les intervalles  augmentés , et  elle   se termine  toujours  par  un  retour final   à  la  tonique;  tous ces écarts de la  mélodie représentent les formes diverses du  désir  humain et son  retour  à  un  son   harmonique, ou  mieux  encore  au  ton  fondamental  en  symbolise la  réalisation. Inventer  une mélodie, éclairer  par  là  le  fond  le  plus secret  de  la volonté et des sentiments  humains, telle  est l’œuvre  du  génie; ici  plus que  partout  il  agit  manifestement   en dehors de  toute  réflexion , de  toute intention   voulue. Comme  dans tous  les  arts  , ici  également, le concept  est  stérile. Le compositeur  nous révèle l'essence  intime  du  monde,  il se fait  l'interprète  de la sagesse  la plus  profonde, et dans  une   langue  que sa raison ne  comprend pas :  de  même  la somnambule dévoile, sous  l'influence  du  magnétiseur, des choses dont elle  n'a aucune  notion lorsqu'elle  est  éveillée.
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Ce rapport  étroit entre  la  musique  et  l'être  vrai  des choses nous explique  le fait suivant: si,  en  présence  d'un spectacle quelconque, d'une  action , d'un évènement, de quelque  circonstance , nous  percevons  les sons d'une musique appropriée, cette  musique  semble nous en  révéler  le sens le  plus  profond,  nous en  donner  l’illustration  la  plus exacte  et  la plus claire  .[...]  Elle explique  ce qu'il  y a  de  métaphysique   dans le  monde  physique, la chose  en soi  de chaque  phénomène. En conséquence le  monde pourrait être appelé une incarnation  de  la  musique  tout aussi  bien  qu'une incarnation  de   la volonté.;  nous comprenons  désormais,  comment  il  se fait  que la  musique  donne  directement  à  tout   tableau ,  à  toute  scène  de la vie ou du  monde  réel ,  un  sens  plus élevé .
Il  y a  dans  la  musique  quelque  chose  d'ineffable et  d'intime ;  aussi  passe-t-elle  près de nous  semblable  à  l'image d'un paradis  familier quoique éternellement   inaccessible; elle est  pour  nous ,  à  la fois  parfaitement intelligible et tout  à  fait  inexplicable;  cela tient à ce qu'elle nous  montre tous les  mouvements  de notre  être,  même les  plus cachés, délivrés désormais de cette réalité  qui  les   déforme  et  les  altère .
(Monde I,273.... )

Maria João Pires & Julien Libeer play Schubert Fantasy in F minor, op. 103 (live)

 Fantaisie ou  sonate  D894 et  D 940   par  david Fray 

(David Fray: Schubert piano music and duets from the album 'Fantaisie')

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