En écho au beau poème de
René "Ciels amnésiques ....." inspiré par
une photo anonyme
…..
Quel regard oubliera
les ciels amnésiques
oublieux des brillances
Et du partage de la lumière ?
les ciels amnésiques
oublieux des brillances
Et du partage de la lumière ?
Quel cœur ne regretterait pas l’émotion de la palette délaissée
D’ un peintre au baroque monochrome
Qui n’aurait de symphonie
Qu’un gris ayant éteint toutes les couleurs
D’ un peintre au baroque monochrome
Qui n’aurait de symphonie
Qu’un gris ayant éteint toutes les couleurs
En dehors des saisons,
En dehors d’un avenir de lumière et fulgurance
Si aujourd’hui est semblable à demain…?
Comment continuer, à clore les yeux et l’âme
En dehors d’un avenir de lumière et fulgurance
Si aujourd’hui est semblable à demain…?
Comment continuer, à clore les yeux et l’âme
Sans l’exhaltation des possibles
Qui portent ce pas et le suivant *
La nuit juste avant la clairière
Vers de meilleurs lendemains?
Qui portent ce pas et le suivant *
La nuit juste avant la clairière
Vers de meilleurs lendemains?
RC 8 juin 2012
J’aimerais
revenir sur cette
passion du gris
qui nous inspira
sur un forum dédié
à Tolkien (2) … une
enrichissante et bien
agréable discussion à
propos de l’usage
de la couleur grise
et sur les
effets produits sur
les lecteurs du
S.D.A. et plus généralement
sur un procédé
poétique ou littéraire hautement suggestif ..
J’avais conservé
quelques unes de nos
contributions en vue d’une
synthèse plus élaborée
que bien entendu je n’ai jamais
réalisée et qui
pourtant me semblait
pleine de promesses
.
J’avais en fait
remarqué cette accumulation
de gris dans
l’ouvrage du professeur
d’ Oxford qu’on
ne saurait accuser
ni de faiblesse
de vocabulaire compte
tenu de son
érudition notamment dans
le domaine de la
linguistique ou de
la philologie , pas plus
qu’on ne pourrait l’accuser
de négligence ,
lui qui passa sa vie
a lire et
relire scrupuleusement ses
textes , cent fois remis
sur le métier afin d’en peser
chaque mot .
Or et me
prenant au jeu
j’avais relevé en
m’attardant seulement sur
quatre chapitres :
Chapitre VII :Le miroir de Galadriel : 24 pages, 9
occurrences de gris ,11 si on tient compte de Gandalf le Gris.
Chapitre VIII :L’Adieu
à la Lorien : 19 pages et 10 occurrences
Chapitre IX : Le grand fleuve : 26 pages et 10
occurrences
Chapitre X :La Dissolution de la communauté : 19
pages et seulement 2 occurrences
Rappelons : Dans le 1er de ces chapitres "le miroir de Galadriel" nous pénétrons
dans la Lorien . dernier refuge des
grands ElFes préservé
des agissements du Mal par
la puissance de
Galadriel et de
Celeborn . La lumière éclate partout, c’est une avalanche
de blanc, d’or et d’argent , un éblouissement !
Pour moi ces 9 ou 11 gris venaient tempérer la lumière,
modérer notre enthousiasme joyeux car
c’est dans un Eden menacé par les
ténèbres qui lentement et inexorablement s’insinuent que nous pénétrons. Ils sont
une invitation à nous rappeler que la Communauté apporte avec elle le
souci comme elle annonce
l’achèvement prochain du destin
des elfes.
Dans "l’Adieu à la Lorien" la répétition est flagrante
(10 occurrences pour 19 pages !) Nul doute qu’elle traduise avec
insistance, la mélancolie du départ et de
la séparation . Mais quel degré
d’ intensité commune ou permanente suggère ce coloris par
excellence indéfini ? Qu’est-ce, pour
chacun de nous, que
le gris d’une nuit
grise ? Est-elle d’un gris
profond , angoissant ou mystérieux, nostalgique
ou encore simplement vaguement triste ?
Même procédé dans le chapitre suivant "Le grand fleuve" mais avec moins
d’insistance ; ce n’est qu’un prolongement du chapitre précédent et le
sentiment de séparation s’estompe.
Chapitre X « La dissolution de la communauté « :
Ici nous ne trouvons que 2 occurrences pour 19 pages .
C’est évident l’auteur a repris en main la narration, nul
besoin de liberté pour le lecteur .
- Procedé
littéraire et aspect
suggestif
Par deux fois
j’ai retrouvé un
procédé littéraire qui lui ressemble
:
1 ) Chez l’Homère
de Pierre Carlier
qui fait une allusion
possible au procédé
littéraire à propos des
épithètes grecques réitérées dans
la poésie de
tradition orale : « « « « Faut-il attribuer ce style
formulaire à la pauvreté d’imagination du poète ou doit-on au contraire y voir
la marque d’une esthétique raffinée soucieuse de ménager de subtils
échos ? » » »
2) Et encore plus
éedifiant dans une
étude de E. Legouis (1)
sur la littérature
et l’usage du
mot " cler"
……
Legouis disons-le tout de suite préférait la poésie Anglaise née avec Chaucer plutôt
que l’Anglo-Saxonne et se plaisait à démontrer le positif que le franc-normand
avait apporté à la langue Anglaise.
En substance, il reprochait à l’anglo-saxon et aux textes
anciens cette austérité, ce pessimisme, ce scepticisme pour le bonheur
terrestre, exprimé dans une langue qu’il disait assombrie par l’accumulation
des consonnes, au détriment des voyelles sonores qui avait produit un lexique
empreint de tristesse et de mélancolie.
Selon lui, donc, les normands auraient apporté avec notre
vieux français , la lumière qui devait en quelques siècles illuminer la langue
et la poésie anglaise.
Je vous épargne la longue démonstration très imagée et
un peu emphatique.
Mais l’intérêt de ce texte ici, réside dans le fait
que cette lumière, cette clarté, Legouis l’attribuait à des expressions
colorées, à la prédominance des voyelles sonores et en particulier à un mot
dont il a relevé la redondance dans plusieurs textes de l’époque de référence
notamment dans La Chanson de Roland :
« « Le propre de la langue d’oil était en somme
moins la couleur que la simple lueur, la lumière blanche ou encore cette
transparence de l’eau de roche de la fontaine pure sur un lit de sable fin……..
« « Le mot « cler » (clair) qui exprime
cette sensation est en lui-même une véritable réussite et sa valeur a été si bien
sentie par nos vieux poètes qu’ils en ont fait leur vocable préféré, le mot qui
donne à leurs poèmes leur atmosphère.
C’est le mot de prédilection du chantre de Roland et il
serait curieux de compter les vers où il figure dans l’épopée faisant tableau par
l’heureuse place qu’il occupe »
(Suivent les vers de la Chanson de Roland qui contiennent ce
mot)
Legouis poursuit :
Cette même blancheur est partout dans Chrestien de Troyes
(4 vers de Chrétien)
« Or c’est de la perception de cette lueur et de
l’effort fait pour les reproduire que naitront les premiers beaux vers de la
langue Anglaise renouvelée du 14siècle. Il n’est pas seulement curieux, ;
il est hautement significatif d’y voir notre mot « cler » repris
alors et employé à peine moins copieusement (et pour des effets semblables )
qu’il l’avait été chez nous »
Et Legouis de citer moultes exemples pris chez Chaucer .
Il poursuit sa démonstration pour divers vocables ou
expressions qui par leur emploi répétitif créent l’atmosphère d’un texte.
La redondance de gris
agirait alors comme
la tonalité générale
d’un tableau, une peinture
d’atmosphère…. Mais de quelle type
d’atmosphère ?
Autant le mot
Clair (Cler) pris
pour exemple par
Legouis , est
précis , et « clair
« univoque , autant le
gris est vague
indéfini et incertain .
Emotions plurielles, ambiguité du gris, abstraction du gris ,notre part de subjectivité .
On s’entend généralement je pense sur les émotions caractéristiques imputées au gris :
D'abord , ce qu’il n’est
pas : il n’exprime jamais une
idée d’euphorie, de franchise, de netteté, de clarté, d’évidence.
Il produit plutôt une impression
de feutré , vaporeux , délicat
quand il s’inscrit
dans un registre d’harmonie et
de serenité .On
pense aussi à
tout ce que
cet adjectif peut traduire , d’inquietant,
d’angoissant ,de menaçant où il est
flou , incertain et mystérieux …
La symbolique « positive » comporte immédiatement
son corollaire tout aussi prégnant :le gris des « rôdeurs »,
n’est-il pas à la fois celui du secret,
de la dissimulation, le gris des Elfes évoque une forme d'élégance très
épurée, sobre, discrète et raffinée à la fois mais il trahit aussi leur
appartenance ambiguë au monde des hommes.
Pas plus de repères dans le livre où en l'absence de
référent unique , l’adjectif
qualifie une infinité
d’objets dont il
s’enrichit :
…..Des capes grises , des bateaux gris, des cordes grises ,
des flots gris, du bois gris …. un monde gris, un pays gris, une nuit grise...
Comment expliquer qu’un terme unique puisse véhiculer tant
d’émotions diverses, tant de
sentiments ?
Il me semble que dans
un premier temps,il agit essentiellement pour nous mettre
en situation, une situation où
notre esprit se
dispose à
accueillir un objet sur lequel
devra interviendra notre
propre imaginaire et il
ne prend sa signification que dans
un second temps attaché à un autre terme, à une autre
expression , à un autre
contexte, à une autre mémoire.
Il est ce à quoi chacun de nous apporte sa propre réponse ,
son degré d’intensité émotionnelle, peut-être « la part du
lecteur » !
Le gris serait alors notre instrument ou notre palette
personnels pour nous introduire activement
dans l’œuvre que nous propose
son auteur .
(1) Histoire de la littérature anglaise E. Legouis et L. Cazamian
(2) http://www.jrrvf.com/haut.shtml
(2) http://www.jrrvf.com/haut.shtml
Eh bien, quel billet passionnant ! Je vais le relire plusieurs fois pour bien l'assimiler. Merci mille fois.
RépondreSupprimerMerci Edith, En espérant qu'il ne manque pas trop de "clarté" ;-). Je l'ai un peu amputé car bien d'autres arguments pourraient être retenus sur cette couleur indécise . Je me souviens qu'un ami avait évoqué très joliment l'idée du Leitmotiv .
RépondreSupprimerDans sa gamme infinie c'est une couleur qui je crois intéresse tous ceux qui approchent la peinture , Tolkien était de ceux -là et par ailleurs , le langage ( plutôt la Langue) sa grande spécialité.