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jeudi 29 septembre 2011

Hymnes à la nuit de Novalis


Friedrich  : Nuit de  lune  avec bateaux sur la Baltique
Hymnes à  la  nuit  
de  Novalis  

III

"[...... ] Souvenirs et regrets confluèrent  dans un  monde nouveau,  insondable. C'est ainsi  que tu me  subjuguas,  ô extase  de la Nuit, endormissement  du  ciel. Le site  se souleva doucement, et mon  esprit planait au-dessus, délivré  par une nouvelle aisance.  Le tertre  funéraire devint  nuage de poussière - à travers le  poudroiement, je vis les traits  transfigurés de la  Bien-Aimèe. Léternité reposait  dans   ses  yeux.  Je lui  pris les mains, et nos larmes formèrent  un  lien  étincelant, indissoluble. Des  millénaires passèrent, s'éloignant  comme une suite d'orages. A son cou, je versais  des pleurs  délicieux devant  cette  vie  neuve. Ce  fut  le premier, l'unique rêve,  et c'est depuis lors  que j'éprouve une foi  éternelle, inébranlable,  en  le  firmament  de la  Nuit et sa  clarté qui  l'illumine, la  Bien-Aimée..

mercredi 23 mars 2011

Melancolie / Malinconia (2) Steiner/ Schelling, Mendelssohn

Perlman and Barenboim-Mendelssohn Concerto E Minor(1)





On n'échappe pas  à la  Mélancolie !

Caspar David  Friedrich  Moine  au bord  de la mer

Telle est la tristesse inséparable de toute vie finie, […] une tristesse […]qui jamais ne devient effective et sert à donner la joie éternelle de la surmonter. De là viennent le voile d’affliction qui s’étend sur toute la nature, la mélancolie profonde et inaltérable de toute vie.
Il n’y  donc de vie qu’en la personnalité : or toute personnalité repose sur un fond obscur, qui doit aussi servir de fond à la connaissance.

(Schelling, De l’essence de la liberté humaine) 

 
Schelling parmi d’autres , attache à la vie humaine une tristesse foncière, inéluctable. Plus particulièrement, cette tristesse est le fond obscur auquel s’ancrent la conscience et la connaissance. Et ce fond obscur doit être en vérité la  base de toute perception, de tout processus mental . La pensée est rigoureusement indissociable d’une « inaltérable et profonde mélancolie. ». La cosmologie actuelle offre une analogie à la croyance de Schelling. Celle du « bruit de  fond », des longueurs d’onde  cosmique fuyantes mais incontournables, qui  sont les vestiges du Bing Bang », de l’avènement de l’être.  Dans toute pensée selon Schelling, ce rayonnement primitif, de cette » matière obscure »,  est une tristesse , une affliction (Schwermut),  qui est aussi créatrice. L’existence de l’homme, la vie de l’intelligence signifie une expérience de cette mélancolie et la capacité vitale de la surmonter . Nous sommes pour ainsi dire créés « attristés ». Dans cette notion,  il y a sans conteste, ou presque, le « bruit de fond » des relations bibliques, causales, entre l’acquisition illicite du savoir, de la discrimination analytique, et le bannissement de l’espèce humaine de toute innocente félicité.  Un  voile de tristesse (tristitia) recouvre le passage, si positif soit-il, de l’homo à l’homo sapiens.  La pensée est porteuse d’un legs de culpabilité.
[…] Nous pouvons l’espace d’un instant retenir notre souffle. Que nous puissions retenir  notre pensée  est loin d’être évident…[…] . La  vraie cessation de pulsation de la pensée  … c’est la mort.
D’où l’idée en partie gnostique, que Dieu seul peut se détacher de sa  propre pensée en un hiatus essentiel à l’acte de création.
Mais revenons  à Schelling et à l’affirmation qu’une tristesse nécessaire, un voile de mélancolie  s’attache au processus  même de la pensée, à la perception cognitive. Pouvons-nous essayer d’en éclaire quelques raisons ?  sommes-nous en droit de demander pourquoi  la pensée  humaine ne devrait être joie ?








lundi 14 mars 2011

The Ancient mariner , Samuel Taylor Coleridge



 
Caspar David  Friedrich


 "The Rime of the Ancient Mariner Parts 1 & 2" by Samuel Taylor Coleridge (poetry reading) 





[….] 

Assis  sur une pierre, l’Invité des Noces
Ne peut faire autrement , certes, que d’écouter ;
Et voici ce que dit tout d’abord ce vieil homme,
Le Matelot  à l’œil brillant : 

« Le navire , sous les vivats, sortit du  port :
D’un cœur allègre nous laissâmes
Filer derrière nous, l’église, la colline,
Et jusqu’au  faite enfin de la tour  du fanal, 

Le soleil, au début, se levait sur  bâbord ;
Du sein de  l’onde surgissant !
Et il resplendissait : puis le soir, sur tribord,
Il s’abîmait dans l’océan. 

De plus en plus haut il s’élevait chaque jour,
Jusqu’à ce qu’il  planât,  à midi, sur le mât… »

[....]
Et  voilà ce que dit ensuite ce vieil  homme,
Le matelot  à l’œil brillant. 

« Alors  le souffle de la tempête surgit,
Et il se révéla tyrannique et puissant ;
Ce souffle nous frappa de ses ailes battantes
Et il nous pourchassa jusque loin vers le Sud. 

Les mâts penchés, la proue s’engageant sous les lames,
Tel celui,  poursuivi de coups et de huées,
Et qui, droit devant lui, fonce,  tête baissée,
Ainsi dérivait le navire, la tempête
Mugissait, vers le sud  toujours  nous fuyions. 

Bientôt vinrent ensemble  et la brume  et la  neige ;
Il fit un  froid prodigieux ;
Et,  plus haut que le mât, autour  de nous flottèrent
De monstrueux glaçons, verts comme  l’émeraude. 

Les falaises de neige, à travers les rafales,
Sur les bords renvoyaient une clarté sinistre ;
Point ne rencontrions forme humaine ou de bête, --
La glace, de tous côtés  nous entourait. 

La glace était ici, la glace était là-bas,
La glace s’étendait, livide, à l’infini ;

Elle craquait, criait, et grondait et  hurlait, --
Tels les bruits qu’on entend lorsqu’on s’évanouit ! 

Au bout d’un certain temps parut un  Albatros ;
Vers nous  l’oiseau venait à travers le brouillard ;
Et comme si c’eût été  une âme chrétienne,
Au nom du Seigneur Dieu nous le hélâmes tous . 

Il mangea  des mets qu’il  n’avait  jamais  mangés,
Et autour du vaisseau  rôda son vol lunaire :
La banquise s’ouvrit dans  un bruit de tonnerre ;
Le sage timonier nous  lança droit dedans ! 

Car  un bon vent du sud de l’arrière soufflait ;
L’Albatros nous suivit,
Et,  dès lors, chaque jour, pour manger ou  par jeu,
Il  venait  au premier appel du  matelot ! 

Dans  la brume ou  la nue, sur le mât et sur  les
Haubans, durant neuf soirs, il se percha ; tandis que
Tout au long des  nuits, perçant la blanche fumée,
Froidement scintillait  le blanc  clair de Lune. » 

« Que Dieu te sauve, vieux Marin,
De ces démons qui de la sorte te tourmentent !
Mais toi,  pourquoi me regarder ainsi ? » --D’un coup
D’arbalète, notre  Albatros, je l’abattis.  

[…]

(Traduction  de  Henri Parisot , illustrations de  Gustave  Doré)





"La glace était ici, la glace était là-bas,
La glace s’étendait, livide, à l’infini ;"

vendredi 18 février 2011

Leopardi : l'Infinito


 

Schubert Sonate pour arpeggione et piano D.821 Ⅱ.Adagio Queyras/Tharaud

 
Ils ne  se  connaissaient pas depuis  très  longtemps... Elena  toujours en  quête  de plaisirs esthétiques, l’esprit  déjà   tourné  vers l’  Italie, eut  l’idée  de  lui  demander  une  ouverture  sur  la poésie   italienne  où elle  avait   le  sentiment  d'une faible représentation  dans le  courant  romantique.
 Il  lui  ouvrit  la Grande  Porte , celle  de  Léopardi 
De  ce jour  allaient  se  fondre  dans  les sonorités mélodieuses   de  la  langue  italienne ,  son  amour  et le poète définitivement  associés et  vibrant  dans  toutes les  fibres  de son être.
Son premier   regard    s’arrêta  sur un  court  poème   où les mots  déjà  en  français comblaient  ses  goûts  pour  le   lyrisme  et  ses  aspirations  au sublime ; en  italien  c’était « musique » : ample  adagio dans  une  gamme  resserrée   alternativement ,  tendue, ascendante,  attirée  vers   des sommets  lumineux et prisonnière de sa condition terrestre :    un  promeneur  solitaire   arpentant  la campagne  entre ciel  et  terre , poème  s'achevant  sur  ce  vers magnifique  :

E il  naufragar m’è dolce in questo  mare./ Et  dans  ces  eaux il m’est  doux de  sombrer .



Canti :  XII
L’infinito
 Sempre  caro mi  fu quest’ermo colle,
E questa  siepe,  che da tanta parte
Dell’ultimo orizzonte il  guardo esclude.
Ma sedendo e  mirando , interminati
Spazi di  là da  quella, e  sovrumani
Silenzi,  e profondissima  quiete
Io nel  pensier mi fingo ; ove per  poco
Il cor  non  si  spaura. E come  il  vento
Odo  stormir  a  queste  piante, io  quello
 Infinito silenzio a questa  voce
Vo comparando : e mi  sovvien l’eterno,
E le  morte  stagioni, e la presente
E viva, e il suon  di  lei. Cosi  tra  questa
Immensità s’annega il  pensier  moi :
E il  naufragar m’è dolce in questo  mare.

Chant   :  XII
L’infini
Toujours tendre me  fut  ce  solitaire mont,
Et  cette  haie qui ,  de tout bord  ou  presque,
Dérobe aux  yeux,  le lointain  horizon.
Mais couché là  , et regardant, des espaces 
 Sans limites au-delà  d’elle, de surhumains
Silences, un  calme  on  ne peut  plus profond
Je forme  en mon  esprit,  où peu  s’en  faut
Que le cœur  ne défaille. Et  comme j’ois le vent
 Bruire parmi  les feuilles, cet
Infini  silence-là et  cette  voix,
Je les compare :  et l’éternel, il me  souvient,
Et  les mortes saisons, et la présente
Et  vive, et  son  chant.
 Ainsi par  cette immensité ma pensée  s’engloutit :
Et  dans  ces  eaux il m’est  doux de  sombrer .