Diderot par Van Loo |
" IL n'y a qu'une vertu, la justice; qu'un seul devoir celui de se rendre heureux ; qu'un corollaire, de ne pas se surfaire la vie et de ne pas craindre la mort ".
(Diderot )Ce qu'en dit Roger Pol Droit
Diderot l'enchanteur
(préface du Monde philosophique)
....Voilà en quoi , philosophiquement , diderot est un enchanteur : il réanime le monde, lui rend une sensibilité que l'on croyait effacée par la science. Au "désenchantement du monde" qu'entraine le déclin des croyances religieuses, il répond par une animation universelle de toutes les molécules, une vie partout présente.
Un maître à vivre
La plus grande singularité de Diderot est sans doute d'être moral et esthète en matérialiste. Ce n'est ni simple ni habituel. La difficulté vient du fait que si nous ne sommes que des amas de molécules inertes, on ne sait sur quoi fonder la dignité humaine, la nécessité de la respecter. Elle se pose encore au biologiste et au physicien contemporain : d'où provient la régle qui régente la relation entre deux êtres humains, s'ils ne sont en fait que deux brouillards de particules? Les normes esthétiques paraissent aussi mal en point que celles de l'éthique : sur quoi se fonde la beauté quand tout, de l'oeuvre comme du spectateur, est seulement agencement de matière ?
Le matérialisme semble donc saper dans leur principe l'éthique et l'esthétique. Ce n'est évidemment qu'une première impression . Les penseurs des lumières se sont tous diversement employés à la dissiper. Diderot y parvient avec une grâce qu'on ne trouve chez aucun autre, faisant découler la morale de la nature, la piété filiale des relations familiales, les vertus de la sensibilité inhérente à la matière. L'émotion esthétique est elle aussi un reflet de la nature , renforcé par le spectacle de la vertu.
S'il ne fallait retenir qu'une seule phrase dans l'océan de toutes celles écrites par Diderot on devrait choisir les dernières de Eléments de physiologie. Ce livre athée , intégralement matérialiste , se termine en effet par cette triple recommandation :" IL n'y a qu'une vertu, la justice; qu'un seul devoir celui de se rendre heureux ; qu'un corollaire de ne pas se surfaire la vie et de ne pas craindre la mort " . Cette sagesse s'appuie sur la conviction qu'il existe comme une grammaire spontanée des relations humaines et du rapport à soi-même.
De ce point de vue, cet enchanteur est aussi un maître à vivre. Il enseigne que le corps est habité de sentiments, la matière traversée d'émotions, la pensée composée aussi de passions. Une leçon qu'on ne répètera jamais trop.
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