Extraits des Cahiers d'études romanes : Les Dialoghi con Leucò de Cesare Pavese,une mythologie fondée sur l’homme
Résumé:Les Dialoghi con Leucò sont un exemple significatif de la façon de Cesare Pavese d’entendre le mythe et de s’y rapporter. Rédigés entre 1945 et 1947, année de publication, ces dialogues représentent la proposition de la part de l’auteur d’une mythologie fondée sur l’homme, le seul être qui, gardant en soi la force primordiale du germe mythique, est capable de lutter pour gagner des marges de liberté au-deçà du cercle opprimant du destin. Dans l’intention de créer un antidote aux ravages de la Seconde Guerre mondiale, Pavese parvient à la fois à l’exorcisation de ses propres mythes personnels, en les encadrant dans la Mythologie (grecque et pré-grecque), et à la création d’une allégorie des capacités intrinsèques de l’homme de réaliser sa liberté à travers le souvenir, moyen de connaissance, et la parole. Ainsi la forme dialogique devient l’expression formelle de la philosophie sous-tendue au contenu de Leucò qui promeut le pouvoir salvateur du discours de l’homme vers l’homme.
[...] L’acceptation de fond de la fabula du mythe est aussi révélée par les brèves notes qui introduisent chaque dialogue : le narrateur, qui est vraisemblablement Pavese lui-même, car il n’y a pas d’éléments qui nous amènent à considérer l’auteur et le narrateur comme deux figures distinctes, esquisse le mythe auquel le dialogue fait référence, en faisant des remarques généralement ironiques et de nature métalittéraire, suivies parfois par des observations montrant qu’il croit vraiment aux événements décrits : par exemple, on peut lire à propos du dialogue qui a pour protagonistes Achille et Patrocle (I due), « Superfluo rifare Omero. » (« Inutile de réécrire Homère. »). Mais juste après, considérant la matière du récit – le dialogue en question – comme un événement réellement advenu, le narrateur ajoute : « Noi abbiamo voluto semplicemente riferire un colloquio che ebbe luogo la vigilia della morte di Patroclo. » (« Nous avons simplement voulu rapporter un dialogue qui eut lieu la veille de la mort de Patrocle. »). On se rend donc bien compte que Pavese voulait représenter sur la page écrite sa propre croyance dans les mythes, sa propre aspiration à créer un rapport authentique avec le mythe (à la façon grecque) qui correspondait à l’ambition formelle de créer des “rapports imaginatifs” entre les objets de l’écriture et la réalité proprement dite qu’il choisit de représenter, en éliminant toute ornementation gratuite et tous jeux rhétoriques. Ainsi le choix de s’occuper du mythe s’est présenté comme inévitable : c’était l’initiative nécessaire en ce qu’elle lui a fourni le moyen d’expression idéal pour aboutir à une poétique du symbole..[...]
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Parlano Achille e Patroclo
N'ayant pas trouvé d'édition bilingue, la traduction est très approximative mais j'aime particulièrement ce passage ou Cesare Pavese , joue avec la nature du souvenir mise en abîme dans sa narration du mythe homérique .
Achille : Patroclo, perché noi uomini diciamo sempre per farci coraggio : "Ne ho visto di peggio" quando dovremmo dire : "il peggio verrà. Verrà un giorno che saremo cadaveri" [...] Stasera so che dopotutto non c'è differenza tra noialtri e gli uomini vile. E questo peggio vien per ultimo, viene doppo ogni cosa , e tu tappa la bocca come un pugno di terra. E sempre bello ricordarsi : "Ho visto questo , ho patito quels'altro" ma non è iniquo che propiri la cosa più dura non la potremo ricordare ?
Patrocle , pourquoi nous les hommes, disons-nous toujours pour nous donner du courage "N'en n'avons -nous pas connu de pire" quand nous devrions dire "Le pire est à venir, viendra un jour où nous serons des cadavres" . [...] Ce soir je sais que après tout , il n'y a pas de différence entre nous autres et les homes lâches .
Pour tous, il est quelque chose de pire . Et ce pire vient à la
fin , vient après toute chose et te jette face contre terre .Et il est toujours bon de se rappeler : "J'ai vu ceci , j'ai enduré cela" mais ,'est-il pas injuste que précisément la chose la plus dure nous ne puissions nous en souvenir ?
[...]
Patroclo :[...]Achille, quando torneremo in campo ?
[...] Achille quand retournerons nous au combat?
[...] Achille quand retournerons nous au combat?
Achille :Torneremo, sta' certo. Un destino ci aspetta. Quando vedrai le navi in fiamme, sarà l'ora.
Nous y retournerons sois -en certain. Le destin nous attend. Quand tu verras les bateaux en flammes , ce sera l'heure
Nous y retournerons sois -en certain. Le destin nous attend. Quand tu verras les bateaux en flammes , ce sera l'heure
Patroclo : A questo punto?
A ce moment ?
A ce moment ?
Achille : Perche ? Ti spavetta ? Non ne hai visto di peggio?
Pourquoi ? Tu as peur ? N'en as-tu pas vu de pire ?
Pourquoi ? Tu as peur ? N'en as-tu pas vu de pire ?
Patroclo: Mi mette la smania. Siamo qui per finirla. Magari domani .
Je suis impatient Nous sommes ici pour en finir .Demain peut-être .
Je suis impatient Nous sommes ici pour en finir .Demain peut-être .
Achille: Non aver fretta , Patroclo. Lascia dire "domani" agli dei. Solamente per loro quel che è stato sarà.
Ne sois pas pressé Patrocle.Laisse dire aux dieux "demain" . Seulement pour eux ce qui a été sera.
Ne sois pas pressé Patrocle.Laisse dire aux dieux "demain" . Seulement pour eux ce qui a été sera.
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