Un faisceau de liens tissés dans l'errance selon la fantaisie des dieux qui préside au destin des mortels ...
« Que serait un monde sans la musique ? », disait un certain… « Que serait un monde sans images, sans couleurs, sans les mots ? Que serait l’homme sans émotions ? Son cœur est un luth suspendu ; sitôt qu’on le touche, il résonne. » – de Béranger
mardi 27 décembre 2016
Chopin pour un anniversaire
Chopin concerto pour piano n°1 en mi mineur opus 11 mvt 2 Romanze, larghetto
dimanche 18 décembre 2016
lundi 28 novembre 2016
Cesare Pavese : Ulysse et Calypso (Odisseo e Calipso)
Un autre des dialogues « Dialoghi con Leuco ».
Ici, Calypso demande à Ulysse de choisir entre l'éternité avec elle et son retour à Ithaque.
Attention : On ne peut pas dire qu'il s'agisse d'une traduction, je n'ai pas assez la maîtrise de la langue italienne mais c'est plutôt ce que la lecture de ce texte m'a inspiré, le sens que je lui ai donné. J'ai essayé de restituer les images qui sont nées de cette lecture, en cherchant le reflet d'une langue dans une langue différente, l'insistance particulière de formes poétiques, comme l'horizon, le silence, le destin, l'île cernée par l'horizon qui l'isole du reste du monde, les barrières que dressent les rochers pour séparer le réel et les songes. L'image aussi du temps qui fuit, figuré par son ensevelissement dans la terre où fond le souvenir de tout ce qui a été et ne reviendra pas car c'est la loi naturelle à laquelle même les dieux sont soumis et qu'ils acceptent dans un instant d'éternité.
Calypso : Ulysse, ce n'est pas si différent. Toi comme moi tu veux t'arrêter sur une île. Tu as vu et souffert toute chose. Je te dirai peut-être un jour ce que j'ai enduré. Tous deux nous sommes las d'un grand destin. Pourquoi continuer ? Que t'importe que cette île ne soit pas celle que tu cherchais ? Ici il n'arrive jamais rien. C'est un peu de terre et un horizon. Tu peux vivre ici toujours.
Ulysse : Une vie immortelle ?
Calypso : Immortelle, qui accepte l'instant présent. Qui ignore demain. Si cette idée te plaît, dis-le. Si seulement tu en es là.
Ulysse : Je croyais immortel celui qui ne craint pas la mort.
Calypso : Plutôt celui qui n'espère pas vivre. Certes, presque comme toi. J'ai beaucoup souffert comme toi. Mais pourquoi cette impatience de t'en retourner chez toi ? Tu es encore inquiet. Pourquoi les discours te poussent-ils à braver tout seul les écueils ?
Ulysse : Si demain je partais, serais-tu heureuse ?
Calypso : Tu veux en savoir trop mon cher. Nous parlons d'une vie immortelle. Mais si tu ne renonces pas à tes souvenirs et à tes rêves, si tu ne renonces pas à l'impatience et si tu n’acceptes pas les limites de l'horizon, tu n'échapperas pas au destin qui t'est réservé.
Ulysse : On parle toujours d’accepter un horizon. À quelle fin ?
Calypso : Se poser et ne plus questionner, Ulysse.
Mais t'es-tu jamais demandé pourquoi nous aussi nous cherchons le sommeil ? T'es-tu jamais demandé où vont les anciens dieux que le monde a oubliés ? Pourquoi s'enfoncent-ils dans le temps comme les pierres dans la terre ? Eux aussi pourtant sont éternels. Et qui suis-je, moi ? Qui est Calypso ?
Ulysse : Je t'ai demandé si tu es heureuse ?
Calypso : Ce n'est pas la question. Jusqu'à l'air de cette île déserte, qui maintenant vibre des rugissements de la mer et des cris des oiseaux, est trop vide. Dans ce vide il n'y a pas de place pour le regret. Mais sens-tu aussi certains jours, dans le silence en suspension, comme l'empreinte d'anciennes existences et de présences disparues ?
Ulysse : Donc toi aussi tu parles d'écueils à braver ?
Calypso : C'est une sorte de silence. Une chose lointaine et pratiquement effacée. Ce qui a été ne sera jamais plus. Dans le vieux monde des dieux, quand ma volonté présidait au destin, on m'a donné des noms effrayants, Ulysse. La terre et la mer m'ont obéi, puis je me suis fatiguée ; le temps a passé, j'ai voulu ne plus évoluer. Certains d'entre nous ont résisté à de nouveaux dieux tandis que d'autres se sont éloignés dans le temps ; tout évoluait mais aboutissait à la même chose ; ça ne valait pas la peine de vouloir à nouveau contester le destin. Alors j'ai connu mon horizon et compris pourquoi les anciens dieux s'étaient résignés devant nous.
Ulysse : Mais n'étaient-ils pas immortels ?
Calypso : Et je le suis Ulysse. Je n'espère pas vivre et je n'espère pas mourir. J'accepte l'instant, le présent. [Vous mortels, vous attendez quelque chose de pareil, la vieillesse et le regret.] Pourquoi ne veux-tu pas te poser avec moi sur cette île ?
Ulysse : Je le ferais, si je croyais que tu étais résignée. Mais toi aussi qui a été la maîtresse de toutes ces choses, tu as besoin de moi, d'un mortel qui t'aide à supporter.
Calypso : C'est un bien réciproque Ulysse. Il n'y a pas de vrai silence si on ne le partage pas.
Ulysse : N'en n'as-tu pas assez que je sois avec toi depuis tous ces jours ?
Calypso : Tu n'es pas comme moi Ulysse. Tu n'acceptes pas l'horizon de cette île. Et tu n'échappes pas au regret.
Ulysse : Ce que je regrette est cette part de moi-même, comme toi ton silence. Qu'as-tu perdu de toi le jour où la terre et la mer ont cessé de t'obéir. Tu t'es sentie seule et fatiguée et tu as renoncé à tes pouvoirs. Rien ne t'a été enlevé. Ce que tu es, c'est toi qui l'as voulu.
Calypso : Ce que je suis est presque rien. Presque mortelle, presque une ombre, comme toi. C'est un long sommeil commencé, on ne sait quand et tu es entré dans mon sommeil comme un rêve. Je crains l'aube, le réveil ; si tu t'en vas c'est le réveil.
Ulysse : C'est toi la déesse qui parles ?
Calypso : Je crains le réveil comme tu crains la mort. Voilà, alors j'étais morte, maintenant je le sais. Il ne restait de moi sur cette île que la voix de la mer et du vent. Oh ! Ce n'était pas souffrance. Je dormais. Mais quand tu es entré dans mon rêve tu portais une île en toi.
Ulysse : Depuis trop de temps je la cherche. Tu ne sais pas ce que c'est que d'apercevoir une terre, de scruter de tous ses yeux et chaque fois d'être déçu. Je ne peux pas accepter et ne plus chercher.
Calypso : Et pourtant Ulysse, vous les hommes vous dites qu'il ne faut pas chercher à retrouver ce qui a été perdu. Le passé ne revient jamais. Rien n’arrête la marche du temps. Toi qui as vu l'Océan, les monstres, l'Élysée, crois-tu que tu pourras reconnaitre les maisons, tes maisons ?
Ulysse : Toi-même tu as dit que je portais l'île en moi.
Calypso : Oh oui ! Mais changée, perdue, un silence. L'écho de la mer dans les rochers, un peu de fumée. Avec toi personne ne pourra partager. Les maisons seront pareilles au visage d'un vieillard. Tes paroles auront un sens différent des leurs. Tu seras plus seul qu'en mer.
Ulysse : Au moins je saurai que je dois m’arrêter.
Calypso : Ça n'en vaut pas la peine Ulysse. Celui qui ne s’arrête pas maintenant, immédiatement ne s'arrêtera jamais plus. Ce que tu fais, tu le feras toujours. Tu dois briser une fois le destin. Tu dois sortir du chemin et te laisser fondre dans le temps.
Ulysse : Je ne suis pas un immortel.
Calypso : Tu le seras si tu m'écoutes. Qu'est-ce que la vie éternelle sinon accepter l'instant qui vient, l'instant qui va. L'ivresse, le plaisir et la mort n'ont pas d'autre but. N'est-ce pas jusqu'à présent ce que fut ton errance inquiète.
Ulysse : Si je le savais je me serais déjà arrêté. Mais tu oublies une chose.
Calypso : Dis-moi.
Ulysse : Ce que je cherche, je l'ai dans le cœur, comme toi.
04/12/2016
04/12/2016
vendredi 25 novembre 2016
mardi 15 novembre 2016
Inverno Fabrizio de Andre
Ma tu che vai ma tu rimani
Ma tu che fai perche rimani
Sale la nebbia sui prati bianchi
come un cipresso nei camposanti
un campanile che non sembra vero
segna il confine fra la terra e il cielo.
Ma tu che vai, ma tu rimani
vedrai la neve se ne andrà domani
rifioriranno le gioie passate
col vento caldo di un’altra estate.
Anche la luce sembra morire
nell’ombra incerta di un divenire
dove anche l’alba diventa sera
e i volti sembrano teschi di cera.
Ma tu che vai, ma tu rimani
anche la neve morirà domani
l’amore ancora ci passerà vicino
nella stagione del biancospino.
La terra stanca sotto la neve
dorme il silenzio di un sonno greve
l’inverno raccoglie la sua fatica
di mille secoli, da un’alba antica.
Ma tu che stai, perché rimani?
Un altro inverno tornerà domani
cadrà altra neve a consolare i campi
cadrà altra neve sui camposanti.
Sale la nebbia sui prati bianchi
come un cipresso nei camposanti
un campanile che non sembra vero
segna il confine fra la terra e il cielo.
Ma tu che vai, ma tu rimani
vedrai la neve se ne andrà domani
rifioriranno le gioie passate
col vento caldo di un’altra estate.
Anche la luce sembra morire
nell’ombra incerta di un divenire
dove anche l’alba diventa sera
e i volti sembrano teschi di cera.
Ma tu che vai, ma tu rimani
anche la neve morirà domani
l’amore ancora ci passerà vicino
nella stagione del biancospino.
La terra stanca sotto la neve
dorme il silenzio di un sonno greve
l’inverno raccoglie la sua fatica
di mille secoli, da un’alba antica.
Ma tu che stai, perché rimani?
Un altro inverno tornerà domani
cadrà altra neve a consolare i campi
cadrà altra neve sui camposanti.
samedi 5 novembre 2016
Pavese : Dialoghi con Leuco
Extraits des Cahiers d'études romanes : Les Dialoghi con Leucò de Cesare Pavese,une mythologie fondée sur l’homme
Résumé:Les Dialoghi con Leucò sont un exemple significatif de la façon de Cesare Pavese d’entendre le mythe et de s’y rapporter. Rédigés entre 1945 et 1947, année de publication, ces dialogues représentent la proposition de la part de l’auteur d’une mythologie fondée sur l’homme, le seul être qui, gardant en soi la force primordiale du germe mythique, est capable de lutter pour gagner des marges de liberté au-deçà du cercle opprimant du destin. Dans l’intention de créer un antidote aux ravages de la Seconde Guerre mondiale, Pavese parvient à la fois à l’exorcisation de ses propres mythes personnels, en les encadrant dans la Mythologie (grecque et pré-grecque), et à la création d’une allégorie des capacités intrinsèques de l’homme de réaliser sa liberté à travers le souvenir, moyen de connaissance, et la parole. Ainsi la forme dialogique devient l’expression formelle de la philosophie sous-tendue au contenu de Leucò qui promeut le pouvoir salvateur du discours de l’homme vers l’homme.
[...] L’acceptation de fond de la fabula du mythe est aussi révélée par les brèves notes qui introduisent chaque dialogue : le narrateur, qui est vraisemblablement Pavese lui-même, car il n’y a pas d’éléments qui nous amènent à considérer l’auteur et le narrateur comme deux figures distinctes, esquisse le mythe auquel le dialogue fait référence, en faisant des remarques généralement ironiques et de nature métalittéraire, suivies parfois par des observations montrant qu’il croit vraiment aux événements décrits : par exemple, on peut lire à propos du dialogue qui a pour protagonistes Achille et Patrocle (I due), « Superfluo rifare Omero. » (« Inutile de réécrire Homère. »). Mais juste après, considérant la matière du récit – le dialogue en question – comme un événement réellement advenu, le narrateur ajoute : « Noi abbiamo voluto semplicemente riferire un colloquio che ebbe luogo la vigilia della morte di Patroclo. » (« Nous avons simplement voulu rapporter un dialogue qui eut lieu la veille de la mort de Patrocle. »). On se rend donc bien compte que Pavese voulait représenter sur la page écrite sa propre croyance dans les mythes, sa propre aspiration à créer un rapport authentique avec le mythe (à la façon grecque) qui correspondait à l’ambition formelle de créer des “rapports imaginatifs” entre les objets de l’écriture et la réalité proprement dite qu’il choisit de représenter, en éliminant toute ornementation gratuite et tous jeux rhétoriques. Ainsi le choix de s’occuper du mythe s’est présenté comme inévitable : c’était l’initiative nécessaire en ce qu’elle lui a fourni le moyen d’expression idéal pour aboutir à une poétique du symbole..[...]
____
Parlano Achille e Patroclo
N'ayant pas trouvé d'édition bilingue, la traduction est très approximative mais j'aime particulièrement ce passage ou Cesare Pavese , joue avec la nature du souvenir mise en abîme dans sa narration du mythe homérique .
Achille : Patroclo, perché noi uomini diciamo sempre per farci coraggio : "Ne ho visto di peggio" quando dovremmo dire : "il peggio verrà. Verrà un giorno che saremo cadaveri" [...] Stasera so che dopotutto non c'è differenza tra noialtri e gli uomini vile. E questo peggio vien per ultimo, viene doppo ogni cosa , e tu tappa la bocca come un pugno di terra. E sempre bello ricordarsi : "Ho visto questo , ho patito quels'altro" ma non è iniquo che propiri la cosa più dura non la potremo ricordare ?
Patrocle , pourquoi nous les hommes, disons-nous toujours pour nous donner du courage "N'en n'avons -nous pas connu de pire" quand nous devrions dire "Le pire est à venir, viendra un jour où nous serons des cadavres" . [...] Ce soir je sais que après tout , il n'y a pas de différence entre nous autres et les homes lâches .
Pour tous, il est quelque chose de pire . Et ce pire vient à la
fin , vient après toute chose et te jette face contre terre .Et il est toujours bon de se rappeler : "J'ai vu ceci , j'ai enduré cela" mais ,'est-il pas injuste que précisément la chose la plus dure nous ne puissions nous en souvenir ?
[...]
Patroclo :[...]Achille, quando torneremo in campo ?
[...] Achille quand retournerons nous au combat?
[...] Achille quand retournerons nous au combat?
Achille :Torneremo, sta' certo. Un destino ci aspetta. Quando vedrai le navi in fiamme, sarà l'ora.
Nous y retournerons sois -en certain. Le destin nous attend. Quand tu verras les bateaux en flammes , ce sera l'heure
Nous y retournerons sois -en certain. Le destin nous attend. Quand tu verras les bateaux en flammes , ce sera l'heure
Patroclo : A questo punto?
A ce moment ?
A ce moment ?
Achille : Perche ? Ti spavetta ? Non ne hai visto di peggio?
Pourquoi ? Tu as peur ? N'en as-tu pas vu de pire ?
Pourquoi ? Tu as peur ? N'en as-tu pas vu de pire ?
Patroclo: Mi mette la smania. Siamo qui per finirla. Magari domani .
Je suis impatient Nous sommes ici pour en finir .Demain peut-être .
Je suis impatient Nous sommes ici pour en finir .Demain peut-être .
Achille: Non aver fretta , Patroclo. Lascia dire "domani" agli dei. Solamente per loro quel che è stato sarà.
Ne sois pas pressé Patrocle.Laisse dire aux dieux "demain" . Seulement pour eux ce qui a été sera.
Ne sois pas pressé Patrocle.Laisse dire aux dieux "demain" . Seulement pour eux ce qui a été sera.
[...]
lundi 17 octobre 2016
Leopardi : La quiete dopo la tempesta
Giacomo Leopardi: "LA QUIETE DOPO LA TEMPESTA" - Le videopoesie di Gianni Caputo
Le calme après l'orage
(Traduction Michel Orcel)
L'orage s'en est allé:
J'entends les oiseaux s'égayer, et la poule reparue sur la route
Qui répète son cri . Voilà que la lumière
Perce, au couchant, là-bas, vers la montagne;
S'éclaircit la campagne,
Et dans le val soudain brille le fleuve.
Tout cœur s'allège , de tout côté
resurgit la rumeur
Et reprend le travail familier
L'artisan pour contempler l'humide ciel
Chantonnant son ouvrage à la main
Se montre sur le seuil; en hâte sort
La paysanne pour puiser l'eau
De la nouvelle pluie;
Le maraîcher renouvelle
De chemin en chemin
J'entends les oiseaux s'égayer, et la poule reparue sur la route
Qui répète son cri . Voilà que la lumière
Perce, au couchant, là-bas, vers la montagne;
S'éclaircit la campagne,
Et dans le val soudain brille le fleuve.
Tout cœur s'allège , de tout côté
resurgit la rumeur
Et reprend le travail familier
L'artisan pour contempler l'humide ciel
Chantonnant son ouvrage à la main
Se montre sur le seuil; en hâte sort
La paysanne pour puiser l'eau
De la nouvelle pluie;
Le maraîcher renouvelle
De chemin en chemin
Son appel journalier
Voilà le soleil reparu, voilà qu'il brille
Par les collines, les hameaux. les serviteurs
Ouvrent volets fenêtres et terrasses
Du fond de la grand-rue,on entend au lointain
Des sonnailles tinter ; Le char grince
Du voyageur qui reprend son chemin.
S'allègent tous les cœurs.
Quand est si chère si précieuse,
Comme à présent, la vie?
Quand avec tant d'amour
L'homme s'applique à ses travaux,
Reprend son œuvre, s'attelle à quelque tâche :
Quand de ses maux il perd un peu le souvenir.
Plaisir fils de souffrance;
Joie vaine car il est fruit
De la frayeur enfuie, par qui s'est ranimé,
A redouté la mort,
Qui abhorrait la vie ;
Par qui d'un long tourment,
Pâles,glacés, sans mots,
Suaient et palpitaient les êtres,
Voyant levés à notre assaut
Nuages, foudre et vents.
Quand est si chère si précieuse,
Comme à présent, la vie?
Quand avec tant d'amour
L'homme s'applique à ses travaux,
Reprend son œuvre, s'attelle à quelque tâche :
Quand de ses maux il perd un peu le souvenir.
Plaisir fils de souffrance;
Joie vaine car il est fruit
De la frayeur enfuie, par qui s'est ranimé,
A redouté la mort,
Qui abhorrait la vie ;
Par qui d'un long tourment,
Pâles,glacés, sans mots,
Suaient et palpitaient les êtres,
Voyant levés à notre assaut
Nuages, foudre et vents.
O
affable nature,
Ce sont là tes présents,
Tels sont donc les plaisirs
Que tu offres aux mortels. Sortir de peine
est plaisir pour nous.
Les peines tu répands à pleines mains; le deuil
Est là spontanément; et de plaisir, ce peu
Qui par prodige quelquefois
Naît de souffrance, est un grand gain. O peuple
Humain, si cher aux éternels ! heureux assez
s'il t'est permis de respirer
D'une douleur, mais bienheureux
Si de douleur Mort te guérit.
Ce sont là tes présents,
Tels sont donc les plaisirs
Que tu offres aux mortels. Sortir de peine
est plaisir pour nous.
Les peines tu répands à pleines mains; le deuil
Est là spontanément; et de plaisir, ce peu
Qui par prodige quelquefois
Naît de souffrance, est un grand gain. O peuple
Humain, si cher aux éternels ! heureux assez
s'il t'est permis de respirer
D'une douleur, mais bienheureux
Si de douleur Mort te guérit.
samedi 15 octobre 2016
Cesare Pavese, Tu as un sang, une haleine....
Cesare Pavese Hai un sangue, un respiro
Tu as un sang, une haleine,
Tu es faite de chair
de cheveux de regards
toi aussi. Terre et arbres,
ciel de mars et lumière,vibrent et te ressemblent -
Ton rire et ta démarche
sont des eaux qui tressaillent -
la ride entre tes yeux
des nuages amassés -
ton tendre corps rappelle
un coteau au soleil.
Tu as un sang ,une haleine
Tu vis sur cette terre.
Tu en connais les saveurs
les saisons , les éveils,
tu as joué au soleil,
tu as parlé avec nous.
Rejeton du printemps,
eau transparente, terre,
silence qui bourgeonne,
tu as joué enfant
sous un ciel différent,
dans tes yeux il y a son silence,
un nuage qui jaillit
comme du fond la source.
Maintenant tu tressailles
et ris sur ce silence.
Tendre fruit qui vis
sous le ciel transparent,
qui respires et qui vis
notre saison commune,
dans ton secret silence
est ta force.Comme l'herbe qui s'anime sous le vent,
tu frissonnes et tu ris ,
mais toi, tu es terre.
Tu es racine féroce,
Tu es la terre qui attend.
21 mars 1950
Du recueil "La mort viendra et elle aura tes yeux"
Traduction de Gilles de Van
mercredi 12 octobre 2016
Cesare Pavese : You, wind of March
Cesare Pavese You, wind of March
Sei la vita
e la morte
Sei venuta di marzo
sulla terra nuda -
il tuo brivido dura.
Sangue di primavera
- anemone o nube -
il tuo passo leggero
ha violato la terra.
Ricomincia il dolore.
Il tuo passo leggero
ha riaperto il dolore.
Era fredda la terra
sotto povero cielo,
era immobile e chiusa
in un torpido sogno,
come chi più non soffre.
Anche il gelo era dolce
dentro il cuore profondo.
Tra la vita e la morte
la speranza taceva.
Ora ha una voce e un sangue
ogni cosa che vive.
Ora la terra e il cielo
sono un brivido forte,
la speranza li torce,
li sconvolge il mattino,
li sommerge il tuo passo,
il tuo fiato d'aurora.
Sangue di primavera,
tutta la tetra trema
di un antico tremore.
Hai riaperto il dolore.
Sei la vita e la morte.
Sopra la terra nuda
sei passata leggera
come rondine o nube,
e il torrente del cuore
si è ridestato e irrompe
e si specchia nel cielo
e rispecchia le cose -
e le cose, nel cielo e nel cuore
soffrono e si contorcono
nell'attesa di te.
E', il mattino, è l'aurora,
sangue di primavera,
tu hai violato la terra.
La speranza si torce,
e ti attende ti chiama.
Sei la vita e la morte.
Il tuo passo è leggero.
Sei venuta di marzo
sulla terra nuda -
il tuo brivido dura.
Sangue di primavera
- anemone o nube -
il tuo passo leggero
ha violato la terra.
Ricomincia il dolore.
Il tuo passo leggero
ha riaperto il dolore.
Era fredda la terra
sotto povero cielo,
era immobile e chiusa
in un torpido sogno,
come chi più non soffre.
Anche il gelo era dolce
dentro il cuore profondo.
Tra la vita e la morte
la speranza taceva.
Ora ha una voce e un sangue
ogni cosa che vive.
Ora la terra e il cielo
sono un brivido forte,
la speranza li torce,
li sconvolge il mattino,
li sommerge il tuo passo,
il tuo fiato d'aurora.
Sangue di primavera,
tutta la tetra trema
di un antico tremore.
Hai riaperto il dolore.
Sei la vita e la morte.
Sopra la terra nuda
sei passata leggera
come rondine o nube,
e il torrente del cuore
si è ridestato e irrompe
e si specchia nel cielo
e rispecchia le cose -
e le cose, nel cielo e nel cuore
soffrono e si contorcono
nell'attesa di te.
E', il mattino, è l'aurora,
sangue di primavera,
tu hai violato la terra.
La speranza si torce,
e ti attende ti chiama.
Sei la vita e la morte.
Il tuo passo è leggero.
En français par Gilles-Claude Thériault
PAVESE, Cesare - You, Wind of March.
Tu es la vie
et la mort.
Tu es venue en mars
sur la terre nue -
et ton frisson dure.
Sang de printemps
- anémone ou nuage -
ton pas léger
a violé la terre.
La douleur recommence.
Ton pas léger
a rouvert la douleur.
La terre était froide
sous un pauvre ciel
immobile et fermée
comme dans la torpeur d'un rêve,
comme après la souffrance.
Et la glace était douce
dans le cœur profond.
Entre vie et mort
l'espoir se taisait.
Maintenant ce qui vit
a une voix et un sang.
Maintenant terre et ciel
sont un frisson puissant,
l'espérance les tord,
le matin les bouleverse,
ton pas et ton haleine
d'aurore les submergent.
Sang de printemps,
toute la terre tremble
d'un ancien tremblement.
Tu as rouvert la douleur.
Tu es la vie et la mort.
Sur la terre nue,
tu es passée légère,
hirondelle ou nuage,
et le torrent du cœur
s'est réveillé, déferle,
se reflète dans le ciel
et reflète les choses -
et les choses, dans le ciel, dans le cœur,
souffrent et se tordent
dans l'attente de toi.
C'est le matin, l'aurore,
sang de printemps,
tu as violé la terre.
L'espérance se tord,
et t'attend et t'appelle.
Tu es la vie et la mort.
Ton pas est léger.
25 mars 1950
Cesare Pavese (1908-1950)
Tu es venue en mars
sur la terre nue -
et ton frisson dure.
Sang de printemps
- anémone ou nuage -
ton pas léger
a violé la terre.
La douleur recommence.
Ton pas léger
a rouvert la douleur.
La terre était froide
sous un pauvre ciel
immobile et fermée
comme dans la torpeur d'un rêve,
comme après la souffrance.
Et la glace était douce
dans le cœur profond.
Entre vie et mort
l'espoir se taisait.
Maintenant ce qui vit
a une voix et un sang.
Maintenant terre et ciel
sont un frisson puissant,
l'espérance les tord,
le matin les bouleverse,
ton pas et ton haleine
d'aurore les submergent.
Sang de printemps,
toute la terre tremble
d'un ancien tremblement.
Tu as rouvert la douleur.
Tu es la vie et la mort.
Sur la terre nue,
tu es passée légère,
hirondelle ou nuage,
et le torrent du cœur
s'est réveillé, déferle,
se reflète dans le ciel
et reflète les choses -
et les choses, dans le ciel, dans le cœur,
souffrent et se tordent
dans l'attente de toi.
C'est le matin, l'aurore,
sang de printemps,
tu as violé la terre.
L'espérance se tord,
et t'attend et t'appelle.
Tu es la vie et la mort.
Ton pas est léger.
25 mars 1950
Cesare Pavese (1908-1950)
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