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C'est propre la tragédie. C'est reposant, c'est sûr..
Dans le drame , avec ces traîtres, avec ces méchants acharnés, cette innocence persécutée, ces vengeurs, ces terre-neuve, ces lueurs d'espoirs, cela devient épouvantable de mourir, comme un accident. On aurait peut être pu les sauver, le bon jeune homme aurait pu arriver à temps avec les gendarmes. Dans la tragédie on est tranquille. D'abord , on est entre soi. On est tous innocents en somme ! Ce n'est pas parce qu'il y en a un qui tue et l'autre qui est tué. C'est une question de distribution . Et puis surtout, c'est reposant, la tragédie, parce qu'on sait qu'il n'y a plus d'espoir, le sale espoir; qu'on est pris, qu'on est enfin pris comme un rat, avec tout le ciel sur son dos, et qu'on n'a plus qu'à prier, - pas à gémir, non, pas à se plaindre,- à gueuler à pleine voix ce qu'on avait à dire, qu'on n'avait jamais dit et qu'on ne savait peut-être même pas encore. Et pour rien : pour se le dire à soi , pour l'apprendre, soi. Dans le drame, on se débat, parce qu'on espère en sortir. C'est ignoble, c'est utilitaire. Là c'est gratuit. C'est pour les rois. Il n'y a plus rien à tenter ,enfin !"
Antigone , Jean Anouilh
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