dimanche 12 février 2017

Tristan Corbière

La pipe au  poète

Je suis  la pipe d'un poète,
Sa  nourrice, et  ; j'endors la  bête

Quand  ses chimères éborgnées
Viennent se  heurter  à  son  front,
Je fume...Et  lui , dans son  plafond,
Ne peut  plus voir  les araignées.


... je lui fais un ciel,  des nuages,
La Mer, le  désert, des mirages;
_ Il  laisse errer là son  oeil  mort...

Et,   quand lourde devient  la nue,
Il croit voir  une ombre connue,
_ Et je sens  mon tuyau qu'il  mord...

_ Un autre  tourbillon délie
son  âme, son  carcan, sa vie  !
... Et je  me sens  m'éteindre, _ Il dort...
.............
Dors encor : la bête  est calmée,
File ton  rêve jusqu'au bout...
Mon  pauvre ! ...La fumée est tout.
_ S'il  est  vrai  que tout est  fumée ...

Du  recueil  Les Amours jaunes 

Le crapaud

Un chant dans une nuit sans air...
_La lune plaque  en  métal  clair
Les découpures du  vert sombre.

Un chant ; comme un  écho , tout vif
enterré,  là  sous le  massif...
_ ça se tait : Viens, c'est  là,  dans l'ombre...

Un crapaud !  Pourquoi  cette peur,
Près de moi,  ton soldat   fidèle ?
Vois- le ,  poète tondu , sans aile,
Rossignol de la boue... Horreur! ..

_Il chante. _Horreur ! ! _ Horreur  Pourquoi ?
Vois-tu pas son  oeil de lumière...
Non :  il  s'en va, froid , sous la pierre.
..............
Bonsoir _ ce crapaud-là  c'est  moi  .

 Du  recueil  Les Amours jaunes




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