vendredi 8 mai 2015

Daphnis et Chloé , Maurice Ravel




Maurice Ravel (1875–1937)
Daphnis et Chloé

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Né en 1875 dans le petit village côtier de Ciboure au Pays basque, Maurice Ravel passa la majeure partie de son enfance et de son adolescence à Paris, commençant à prendre des leçons de piano à sept ans et, à partir de quatorze ans, étudiant le piano dans la classe préparatoire du Conservatoire. En 1895, il quitta le Conservatoire, faute d’avoir obtenu les prix nécessaires pour progresser, mais il y reprit ses études trois ans plus tard sous l’égide de Gabriel Fauré. Il ne parvint pas à remporter le prestigieux Prix de Rome, même une fois sa réputation de compositeur assez bien assise – il se vit disqualifier lors de sa cinquième tentative en 1905 –, ce qui provoqua un scandale et entraîna des bouleversements au Conservatoire, dont Fauré devint le directeur.
La carrière de Ravel se poursuivit avec succès jusqu’en 1914, avec une série d’œuvres singulières, dont d’importants apports au répertoire de piano, au domaine de la mélodie française et avec des commandes de ballets. En 1915, il s’engagea comme chauffeur et les années de guerre lui laissèrent relativement peu de temps ou de motivation pour composer, notamment lorsque sa mère mourut en 1917. Mais dès 1920, il avait commencé à se reprendre et il se remit au travail, avec plusieurs compositions dont une orchestration de son poème chorégraphique La valse, rejetée par l’imprésario russe Diaghilev, ce qui mit fin à leurs relations. Il s’attela à une série d’engagements comme pianiste et chef d’orchestre pour des concerts de ses propres œuvres, en France et à l’étranger. Sa dernière maladie prolongée, attribuée à un accident de taxi en 1932, mit fin à ses activités, et il finit par s’éteindre en 1937.
La symphonie chorégraphique Daphnis et Chloé de Ravel s’inspire du récit amoureux pastoral gréco-romain de Longus, écrivain du IIè siècle dont on ignore à peu près tout. Intitulée Les amours pastorales de Daphnis et Chloé, cette histoire d’amour se déroule sur l’île de Lesbos où, après diverses mésaventures, les amants du titre finissent par être réunis. L’idée du ballet venait du chorégraphe russe Michel Fokine, et ce fut sa dernière collaboration avec les Ballets Russes de Diaghilev, montée au Théâtre du Châtelet de Paris dans des conditions difficiles. Fokine caressait depuis plusieurs années le projet d’un ballet grec sur ce sujet et présenta son synopsis au Théâtre Mariinsky de Saint- Pétersbourg, où il était danseur-étoile, en 1904. En 1909, il avait rejoint Diaghilev à Paris en qualité de chorégraphe et voyait là l’occasion de créer son plus grand chef-d’œuvre. Dès 1910, Diaghilev avait commandé la musique de Daphnis et Chloé à Ravel, mais la composition connut des retards. Le scénario de Fokine fut adapté par Ravel, qui d’ailleurs voyait le récit à travers le prisme de la traduction de Longus effectuée par Amyot au XVIè siècle et celui des conventions pastorales du XVIIIè siècle telles que les imaginaient, avec une certaine nostalgie d’un passé inaccessible, des contemporains de Ravel comme Verlaine, Mallarmé et d’autres. Finalement, le nouveau ballet clôtura la saison parisienne de 1912, mais fut quelque peu éclipsé par le succès de scandale rencontré par L’après-midi d’un faune, présenté quelques jours auparavant, chorégraphié et dansé par la nouvelle coqueluche de Diaghilev, Nijinski, dont les gestes érotiques pendant les derniers instants du ballet en choqua certains et provoqua le type de controverse qui est aussi une excellente publicité.
En fin de compte, Daphnis et Chloé, qui faisait appel à de bien plus vastes effectifs, danseurs, instrumentistes et chanteurs, fut seulement représenté deux fois. Alors qu’il n’allait plus tarder à quitter Diaghilev, Fokine s’était ouvertement disputé avec l’imprésario, lui reprochant notamment sa relation avec Nijinski et les conséquences néfastes qu’elle risquait d’avoir pour la troupe. Diaghilev, quant à lui, essaya de faire retirer l’ouvrage, qui était pourtant déjà annoncé, de l’affiche, puis tenta de modifier l’ordre des ballets, ouvrant le théâtre une demi-heure plus tôt afin de faire danser Daphnis et Chloé devant une salle vide. Fokine parvint à l’en empêcher, et son ballet fut dûment présenté au public parisien le 8 juin, figurant en seconde place au programme ; il devait être donné à nouveau le dernier jour de la saison, le 10 juin, et le fait qu’il connaisse seulement deux représentations au lieu des quatre coutumières pour toute création contraria beaucoup le compositeur. Pour l’unique fois de sa carrière, Daphnis fut dansé par Nijinski, et Chloé par Karsavina, Adolph Bolm dansant Dorcon, le rival de Daphnis, tandis que le rôle du vieux berger était confié au vétéran Cecchetti. Les décors étaient de Léon Bakst et Pierre Monteux dirigeait l’orchestre. En dépit de toutes les menées et manigances souterraines, les amis de Fokine prenant tous parti contre les défenseurs de Diaghilev et de Nijinski, l’ouvrage fut bien interprété et assez bien reçu.
[Track 1] La scène d’ouverture se déroule dans une prairie, non loin d’un bois sacré. A l’arrière-plan se trouvent des collines, et à droite une grotte à l’entrée de laquelle, taillées dans la même roche, se dressent trois figures archaïques représentant des nymphes. A gauche, un peu plus en retrait, se trouve un grand rocher évoquant vaguement la forme du dieu Pan. Au second plan, des moutons paissent. C’est un bel après-midi de printemps. Au lever du rideau, la scène est déserte. Un accord est peu à peu formé par les cordes avec sourdine, et une flûte joue un thème nostalgique, accompagnée par un chœur à bouche fermée en coulisse. On entend le son d’un hautbois, et le rythme de la musique s’accélère, tandis qu’apparaissent des jeunes gens et des jeunes filles, portant des paniers d’offrandes pour les nymphes. La scène s’emplit peu à peu et les jeunes gens s’inclinent devant les nymphes tandis que les jeunes filles déposent des guirlandes de fleurs au pied des statues. Les cordes et la harpe entament une danse religieuse, rejointes par les bois. Le berger Daphnis paraît, suivant son troupeau. Chloé se joint à lui et ils s’approchent de l’autel, disparaissant dans un coin. La danse se poursuit et Daphnis et Chloé reparaissent au premier plan, s’inclinant devant les nymphes. En voyant le couple, les danseurs s’interrompent.
[2] Un solo de violon introduit une danse plus vive. Les jeunes filles attirent l’attention de Daphnis et dansent autour de lui tandis que Chloé éprouve les premières morsures de la jalousie. Elle est entraînée dans la danse par les jeunes gens. Le vacher Dorcon montre son intérêt. Daphnis manifeste sa colère avant que tous entrent dans la danse. Alors que celle-ci est près de se conclure, Dorcon essaie d’embrasser Chloé, qui tourne innocemment la joue vers lui, mais Daphnis le repousse.
[3] Daphnis s’approche tendrement de Chloé. Les jeunes gens interviennent, se tenant devant Chloé et écartant doucement Daphnis. L’un d’eux propose un concours de danse entre Daphnis et Dorcon dont le gagnant sera récompensé d’un baiser de Chloé. La danse grotesque de Dorcon, avec son accompagnement de cuivres, suscite l’amusement, et les jeunes gens imitent les mouvements maladroits du vacher. Tous rient aux éclats pendant que s’achève la danse de Dorcon. Daphnis répond par une danse gracieuse, et est déclaré vainqueur à l’unanimité. Dorcon s’avance lui aussi, mais il est chassé par la foule hilare.
[4] Les rires cessent et Daphnis et Chloé s’enlacent. Les jeunes gens s’éloignent, entraînant Chloé. Daphnis se tient immobile, comme extatique. On entend des voix en coulisse qui s’évanouissent doucement au lointain. Daphnis s’allonge dans l’herbe, le visage dans les mains. Lycéion, une femme plus expérimentée, entre et voit le jeune berger, lui relève la tête, lui cachant les yeux de ses mains. Daphnis pense qu’il s’agit de Chloé. C’est alors qu’il reconnaît Lycéion et tente de lui échapper, mais celle-ci danse, laissant tomber l’un de ses voiles comme par accident. Daphnis le ramasse et l’enroule autour d’elle. Elle continue sa danse, qui devient de plus en plus impétueuse. Elle laisse tomber un autre voile, que Daphnis ramasse à nouveau, avant de prendre la fuite en se moquant du jeune berger. On entend le fracas des armes et des cris de guerre qui se rapprochent. Au second plan, on voit s’enfuir des jeunes filles, poursuivies par des pirates. Daphnis s’inquiète pour Chloé, qui est peut-être en danger, et part à son secours. Chloé entre en courant, bouleversée, cherchant à s’échapper. Elle se prosterne devant l’autel des nymphes, implorant leur protection. Une bande de pirates fait irruption sur scène et l’entraîne. Daphnis revient, cherchant toujours Chloé, et trouve une sandale qu’elle a perdue. Fou de désespoir, il maudit les dieux qui n’ont pas su la protéger et s’évanouit devant l’entrée de la grotte.
[5] La campagne est nimbée d’une étrange lumière. Une petite flamme brûle sur la tête de l’une des statues. La nymphe prend vie et descend de son piédestal, suivie de la deuxième nymphe et de la troisième. Elles jouent ensemble, initiant une danse lente et mystérieuse. Elles voient Daphnis et, se penchant sur lui, elles sèchent ses larmes. Elles le raniment et le mènent jusqu’au rocher, appelant Pan. La silhouette du dieu se profile peu à peu, et Daphnis se prosterne pour le conjurer. La scène s’efface.
[6] On entend à nouveau des voix dans le lointain, en coulisse, pendant que le décor se transforme.
[7] Une morne lumière baigne la scène et on découvre le camp des pirates sur un rivage accidenté. Les pirates s’affairent autour de leur butin. Des torches apportent plus de lumière à la scène. Les pirates dansent, d’abord sur un accompagnement sommaire. Un interlude plus paisible est suivi d’une danse plus agitée, après quoi les hommes s’effondrent, épuisés.
[8] Bryaxis, leur chef, demande à voir la prisonnière. Deux pirates amènent Chloé, les mains liées. Bryaxis lui ordonne de danser. Elle exécute une danse de supplication, accompagnée par le cor anglais. Elle tente de s’échapper, mais est brutalement reprise. Désespérée, elle reprend sa danse. Elle essaie une nouvelle fois de s’enfuir, mais elle est à nouveau ramenée, désespérée à la pensée de Daphnis. Bryaxis veut l’emmener et il la porte triomphalement. Soudain, l’atmosphère change. De petites flammes apparaissent, allumées par d’invisibles mains, et on voit ramper et sauter des créatures fantastiques. Des satyres surgissent de tous côtés et encerclent les pirates. La terre s’ouvre. On aperçoit l’ombre de Pan au fond, surplombant les montagnes, menaçante. Epouvantés, tous les pirates s’enfuient.
[9] On retrouve le premier décor alors que la nuit s’achève. Le seul bruit est celui de la rosée qui coule sur les rochers. Daphnis est toujours prostré devant la grotte des nymphes. Peu à peu, l’aube se lève. Des oiseaux chantent et à l’horizon, un berger passe avec son troupeau. On voit un autre berger à l’arrière-plan. Un groupe de gardiens de troupeaux paraît, cherchant Daphnis et Chloé. Ils découvrent Daphnis et le réveillent. Désemparé, il cherche Chloé. Enfin elle apparaît, entourée de bergères. Les deux amoureux s’étreignent. Daphnis voit la couronne de Chloé : son rêve était prophétique, Pan est bel et bien intervenu.
[10] Le vieux berger Lammon explique que Chloé a été sauvée parce que Pan s’est souvenu de la nymphe Syrinx, qu’il avait aimée. Daphnis et Chloé miment l’aventure de Pan et Syrinx. Chloé représente la jeune nymphe flânant dans les prés. Daphnis, personnifiant Pan, apparaît et déclare sa flamme. La nymphe le rejette, mais le dieu se fait plus insistant. Elle disparaît parmi les joncs. Désespéré, il saisit quelques roseaux et fabrique une flûte, sur laquelle il joue une mélodie mélancolique. Chloé reparaît et représente, par sa danse, le son de la flûte de Pan. Sa danse devient de plus en plus animée jusqu’à ce qu’elle tombe, épuisée, dans les bras de Daphnis.
[11] Enfin, devant l’autel des nymphes, Daphnis lui jure sa foi, sacrifiant deux brebis. Un groupe de jeunes filles fait son entrée ; elles sont habillées en bacchantes et portent des tambourins. Daphnis et Chloé s’étreignent tendrement. Des jeunes gens les rejoignent et ils dansent une joyeuse bacchanale qui conclut le ballet.
Keith Anderson
Traduction : David Ylla-Somers

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