Victor Segalen
En 1999 La BNF a organisé une exposition qui lui était consacrée "Victor Segalen , Voyageur et visionnaire "
Breton comme Gauguin dont il va suivre les traces en Polynésie , il n'abandonna jamais sa carrière de médecin ,mais vécu sa passion pour l'exotisme des habitants d e ces contrées chantés dans les immémoriaux.
" .... il fouille, dessine, photographie , compose publie puis dirige une collection en parcourant des milliers de kilométrés lors de plusieurs expéditions archéologiques, notamment en Chine. Il ne parviendra toutefois jamais à atteindre le Tibet (*)dont la quête inaccessible est le symbole de tout ce qu'il aura recherché sa vie durant, avant de mourir épuisé à quarante et un ans dans la forêt du Huelgoat, un volume de Shakespeare à la main .
Ultime combat entre le rêve et l'imaginaire, ultime scène évoquée par son ami Jean Lartigue : "Le seuil de la chambre aux porcelaines, était devenu un col inaccessible, et c'est tout au pied du chemin que le voyageur s'étendit pour attendre le sommeil , couché sur l'herbe douce, aux bruits des eaux fuyant fuyant les cimes trop inhumaines" . J.P. Angremy, président de la BNF
Thibet (*)
Ce
grand poème inachevé que Victor Segalen a consacré au Tibet est composé
de cinquante-huit séquences dont chacune se compose en général de
dix-huit vers.
Le texte donné ici est tel qu’établi par Michael Taylor et repris par Henry Bouillier pour la collection « Bouquins ». Nous avons conservé la ponctuation ainsi que l’orthographe variable des noms propres telles que laissées par le poète.
Régis Poulet
Le texte donné ici est tel qu’établi par Michael Taylor et repris par Henry Bouillier pour la collection « Bouquins ». Nous avons conservé la ponctuation ainsi que l’orthographe variable des noms propres telles que laissées par le poète.
Régis Poulet
Extrait du poème dont l'intégrale figure ici , dans la revue des deux sources
[...]
PO-YOUL
XLVIII
Et c’est ainsi, Thibet nombreux que se rythment et se dénombrent tes apothéoses ...Comme des cloches, tes grands noms battent ... Comme des marques dans le temps ...
J’entends les fantômes de To-Bod, Haut Thibet, le mont inaccessible ; celui vers lequel on se hausse et qui vous porte et vous grandit ...
To-Bod, et Lha-Ssa, Lha-Ssa, la ville où l’on n’arrivait pas, où l’on arrive ...
Le nom du lieu et le château, la terre et sa ville maîtresse,
Lhassa, maintenant qui dépassera ? -
Les hommes liges et les bêtes, les dieux fourmillants rayonnants, tous les êtres et créatures ...
Les Hommes ont nommé le nom de Bod.
Et Lha-Ssa, terre des esprits, - voici le lieu des créatures, Les hommes nommant, l’Esprit vaguant ...
Et bêtes, dieux et dieux et hommes tous ensemble ont fait ces domaines - ces deux chants d’un seul livre inhumain. Moines régnant et habitant, voyageurs montant à la peine ... - Tous ont atteint au moins la mort ... au moins le linceul dans la neige ...
- Mais plus lointaine que Bod et Ssa, plus hautaine que l’espoir des Bod-Pa ...
Règne la contrée Thibétaine... - Celle qu’en marche on n’atteint pas, celle qui ...
Poyoul ! Poyoul, objet des monts ! Ainsi se bâtit et hausse un poème :
Objet - Maléfice - et renonçant ...
To-Bod, Lha-Ssa et le territoire ineffable
Ainsi se partage le Poème.
XLIX
On est allé en ces lieux-là ! On a mis le pied dans le thrène... - Voici qu’un dieu n’y a pas suffi...Voici déjà les deux chants dits : To-Bod et Lhassa... To-Bod même...
L’un sonne la trompe des on-dit...
Des hommes ayant couru haut ont surmonté l’investiture
Investissant ton mont de leur mont
To-Bod - Lhassa ! Lhassa To-Bod, cloche sonant - hymne hymnant
Voici le grand ciel de nonciature
Mais le territoire inconnu ! le pays maître d’où ne naît
Pas même un regard ou...
Celui qu’on sait être tout blanc, tout chaud et vierge en ordination
Celui d’où les...
L
Tu es plus haut que ta légende, château de l’âme exaltée,Plus haut que ce qu’on pense de toi.
Ces beaux récits se dépassant... Cette arabesque surmontée...
N’atteignent pas le bord de ton toit.
On te découvre, on se promène découvrant des néo-royaumes
Coupant ton pays à leur empan
Et le premier, ce Phrygien, Hérodote, nombreur des nômes,
Vieux Grec souriant en oegipan !
Il te croyait tout possédé par la Fourmilière géante
Ton miel métallique était de l’Or !
Aussitôt volé, emporté par des peuplades bien courantes
Et depuis son temps, et depuis lors,
Ibn Batoutah s’en fut tout seul, de l’Afrique à la mer démente
Citant seulement ton Tengri-Noor !
« Pays de la Gazelle oeuvrant le musc en rut odorant et sans trêve... »
- Tous ! Tous, de ta neige à tes névés,
En toi, en toi, mettaient leur foi, te dédiant leurs plus hauts rêves,
Que peut-être tu avais bien rêvés.
LI
Je suis comblé je suis si haut, tout en mon corps d’homme respire- Mais qui me tord et pénètre et renie...
Devant tes monts, au haut de toi, étreignant ton investiture
- Mais quoi me conjure et me parjure...
Je t’ai vaincu Thibet superbe, ô mon poème ! o mon émoi
- Je t’ai embrassé dans ta superbe
Autant qu’un homme peut jouir je me suis fondu dans ta glace
- Mais quoi me reste inquiétant à fuir...
Je suis très haut, je n’ai plus peur ; je suis devenu Prince même, Lama, et yak et neige et pic...
- Mais l’Autre qui me reste lointaine...
Te surmontant, te pénétrant, j’avais dessein, o diadème
De me couronner du monde-roi...
Je te saisis et je te tiens... J’étais dominé par ton être
- Mais qui se rebelle et se démet
J’avais conçu par ton amour de parvenir à la connaître
L’Autre, la joie ou l’avenir...
Je te possède, o mon objet ! Je t’ai vaincu o mon poème
Et l’autre s’enfuit et me sourit
De ce regard et de ce feu dans tout ce visage suprême
- Mais où la trouver désormais
C’est fait, tout est fait, et j’attends, - j’ai dit tout est dit, et je meurs
- Mais qui songerait à la tuer...
Celle qu’on chasse et qu’on poursuit, celle qu’on désire et qu’on pleure,
- Mais qui la saurait accoutumer ?
[...]
(*)Tibet est parfois orthographié « Thibet », notamment dans les récits de l'exploratrice et orientaliste Alexandra David-Néel et ceux du missionnaire catholique Nicolas Krick
et donc également par Victor Segalem......
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