vendredi 8 mars 2013

Chinh Phu Ngam (Plaintes d'une femme dont le mari est parti pour la guerre)

Quand   sur  le monde  épouvanté
Se  déchaîne  la fureur  des tempêtes,
Sous le poids  du  malheur se  fanent nos  joues roses !
Dites-nous, Ciel  lointain, Ciel bleu  d'indifférence,
Ces épreuves  sans  nom,  qui  donc  en  est l'auteur .
....


Ces vers sont  extraits d'un  des plus purs joyaux de la  poésie  vietnamienne.(poème  de 477 vers  libres).
Ecrit  à  l'origine en  caractrères  chinois par Dang Trân Côn vers le milieu  du   XVIII ème siècle,  il serait passé inaperçu s'il  n'avait  eu  la chance  d'être  traduit   par  la plus  grande poétesse  de l'époque,  Doan Thi Diêm (1705-1748). 
Les deux poètes vivaient  l'une  des   époques les plus  troublées du  Viet  Nam,  celle  de   la décadence  des  rois  Lê qui  devaient   subir  au  nord  la  tutelle des  seigneurs   Trinh et   accepter  au  sud  la secession  des   seigneurs  Nguyen.  Depuis le  début  du   XVII ème s , les deux  clans  rivaux  se livraient   une lutte  fratricide qui  devait  durer  deux  cents  ans. Leurs expéditions fréquentes  , jointes  aux  incessantes repressions, plongeaient  le pays  dans la misère  et la désolation .
...
L'eau qui  coule ne peut  emporter ma  tristesse,
Ni cette herbe embaumée dissiper ma  douleur.
Je lui dis  et  redis les plus douces paroles,
Et ma main  cherche  en  vain  à  retenir sa  main
A  peine   nus séparons-nous  d'un pas, 
que  me voilà  de   nouveau  arrrêtée.

Partout  où vous irez  seigneur,
Mon  âme  vous  suivra  comme un  rayon  de  lune!
Mais  votre  esprit  déjà  s'envole  loin de  moi
Rechercher sur les monts   les  exploits  et la  gloire!
Notre coupe  d'adieu n'est pas  encore  vidée
Qu'on  vous  voit   brandir  votre  épée,
Et  pointer  votre pique  vers les  antres  des  fauves .
...
Au  loin  il  est parti, vers les pluies  et les  vents,
Je reviens  toute  seule à  la  couche nuptiale !
Je le  cherche  des yeux, et mes yeux  ne le  voient !
Devant moi  se  déroule
Le ciel  d'azur immense au  dessus  des monts bleus.
...
Ensemble on  se  retourne, ensemble  on  ne se  voit !
Qui  a  mis  entre nous cette  mer   de  verdure,
Ces  mûriers  frémissants nous cachant l'un  à  l'autre ?
Votre  coeur   ou  le  mien,
Lequel  des  deux  seigneur,  est le plus  affligé ?  
...

Depuis qu'il  est parti vers les  vents  et le  sable,
Où  se  repose-t-il   par  ces  belles nuits  claires?
Tous les  champs  de  bataille n'ont jamais  été
Que de  vastes   déserts, grands  de mille  lis,
Où  l'on doit  s'exposer  aux extrêmes  rigueurs..

Le vent y est  glacial; les  troupes sans  ardeur,
Et  les  courants profonds   rebutent aux  chevaux .
Les hommes sont  lassés  de dormir  sur leur  selle,
D'avoir pour oreiller un simple  tambourin,
Lassés  de  se  coucher  sur le  sable  des  dunes,
De  toujours  s'étendre à  même   la  mousse  humide.

...
Le vent   hurle  et  gémit sur les mânes  des morts.
De ses  rayons  blafards, la  lune   éclaire  
Les  masques livides des  combattants.
Combien  donc  êtes-vous , ô morts  qu'on dit  glorieux !
Qui  peint  votre  visage, évoque  vos  esprits ? 

Sur la terre de la patrie
La  guerre  a fait  tant  de  ravages !
Comment peut-on les  voir sans  que  le  coeur  se  serre  ?  
Vieillir  au champ  d'honneur  est  le  sort  des héros,
Et   Ban Siei ne  rentra qu'avec  des  chevaux  blancs  .


Nous sommes  tous  les  deux  au  printemps  de  la  vie,
Heureux  de nous  aimer d'un amour partagé.
Notre couple est  si  jeune et si  bien  assorti,
Pourquoi  donc  entre nous a-t-on mis  ces distances,
Pourquoi  nous  empêcher  de partager
Chaque  jour  de la vie  nos soucis et  nos joies ?

 Souvenez-vous, le jour   de notre adieu,
Le  loriot n'était  pas  venu   siffler  sur  le  saule.
Je vous  ai  demandé quand  vous reviendriez,
Vous m'avez  répondu :  quand  chante le  do   Quien 
Aujourd'hui  le  Loriot,  le   do  quyen  ont  vieilli ,
Devant  notre  maison  gazouille  une  hirondelle.

Souvenez-vous, lors  de  votre   départ,
L'abricotier n'avait  ps ouvert  ses  fleurs au  vent  d'est.
 Je  vous  ai  demandé  quel  jour  vous  rentreriez,
Vous m'avez  bien promis :  quand  fleurit  le pêcher.
Aujourd'hui  les  fleurs  de pêchers au  vent  sont  envolées,
Et  déjà  les  ketmies  fanées jonchent   les  berges  .

Vous  m'aviez  donné rendez-vous près du  mont  de  Lung Tay ,
Je ne  vous  ai pas  vu  quand j'y vins le matin !
Sur  la tresse  de mes cheveux  tombaient  des  feuilles mortes
Des  oiseaux dans le  bois  s'appelaient  en  chantant  

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(Traduction  en  français de  Le Van  Chat )

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