(1887 du recueil "les soirs")
Les arbres
Quand les terreaux, déjà roussis
et purpurins,
Flamboient, sous les couchants mortuaires d’automne,
Flamboient, sous les couchants mortuaires d’automne,
On voit, d’un carrefour livide et
monotone,
Partir pour l’infini les arbres pèlerins ;
Les pèlerins s’en
vont, grands de mélancolie,
Pensifs, pieux et lents, par les
routes du soir,
Les pèlerins géants et lourds et laissant choir
Leur feuillage de pleurs de
tristesse et de lie ;
Les pèlerins marchands
invariablement,
Toujours, sur double rang, depuis
combien d‘années ?
Toujours, vers l’horizon et
ses gloires fanées
Et son insurmontable et despotique aimant ;
Les pèlerins, dont les
manteaux tout en lumière,
Mordus par le soleil vespéral qui s’endort,
Apparaissent ainsi que des vêtements d’or,
Trainés, dans un chemin d’encens
et de poussière ;
Les pèlerins, aux vieux
sommets houleux et fous,
Que regardent passer, le long
de leurs sillages,
De mystiques hameaux et de
fervents villages,
Courbés dans la prière et jetés à genoux.