samedi 9 septembre 2017

L'idéal , Louis Ménard



Je ne voudrais rien des choses possibles;
Il n'est rien à mes yeux qui mérite un désir
Mon ciel est plus loin que les cieux invisibles,
Et mon coeur est plus mort que le coeur d'un fakir..

Je ne puis  aimer  les femmes réelles :
L'idéal entre nous ouvre ses profondeurs.
L'abîme  infini  me  sépare  d'elles,
Et  j'adore des  Dieux  qui  ne sont pas  les leurs.

Il faudrait avoir sa vierge  sculptée
Comme  Pygmalion, et retrouver le  feu  
Qu'au char  du  soleil ravit  Prométhée :
Pour  incarner  son  rêve,   il  faudrait être un  Dieu.

Dans  les gais  printemps,  la jeunesse  dore
Les  plus  âpre sentiers de ses ardents  rayons ;
Mais  plus tard, qui  peut rallumer  encore
Le soleil   éclipsé de ses  illusions ?

Les rêves  s'en  vont  avec l'espérance ;
N'importe   :  marchons  seul , commme  il convient  aux forts.
Sans  peur, sans regrets, montons en  silence
Vers la sphère sereine  et   calme   où sont   les  morts.

Grande  Nuit,  principe et  terme  des choses,
Béni soit ton  sommeil  où  tout  va s'engloutir ;
Ô Nuit ! sauve-moi  des  métempsychoses,
Reprends-moi dans ton  sein ,  j'ai  mal  fait  d'en  sortir.
 

(Louis Ménard :L'idéal , dans Rêveries d'un païen mystique)

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