samedi 15 août 2015

Henry Bauchau : le corsaire

Eugène  Isabey: barques échouées sur une  plage  de   Normandie


Le Corsaire 

Je fais  la guerre  à Dieu, tout seul. Je suis corsaire
Dans ce temps sans  blason.
J’ai  le poème  dans  les bras
Et je me  bats  pour  le  tumulte
Et la folie des villes sombres.
J’ai dans  la tête
l’éclair  masqué. Quel  contre
Peut  encore me toucher ? Quel jeu  de  jambes
suivre celui du  cœur  qui ne veut plus danser.
Au ciel femelle
Mon nom s’est érigé et fait  feu  dans  la foule.
Je l’ai voulu , j’ai eu
Le monde en corps  à  corps
J’ai frappé son  visage  et sculpté son  délire
Faisant je ne sais quoi d’obscur  en  sa  manière.
Quel  dur  travail  le jour  pour  voir  finir  le  jour
Et la nuit pour mourir et  naître  à  la fureur.
Et quel  acharnement à profaner la face
Quelle honte d’avoir
canaille  fait jouir en la  frappant  d’amour.
Plus nu que   Dieu  à  l’aube
Je m’en allais, suivant mon  âme
pour voir de grands poissons  morts à  l’état sauvage.
Et nous  demeurions là longtemps,  par  les narines
Aimant le sel, suivant l’iode, le  sillage
Imprimé très  profond. Bien  plus  profond que  cœur  de  sable
D’amour extrême  quand  je  fus
Sur le bord de tuer
J’ai entendu  la voix  dans  la nuit la  plus basse
Qui disait : il est temps de demander  la  paix.
J’ai demandé. J’ai quitté  les colonnes
En  papier des journaux, du temps, du compte en  banque.
Le soir au  Large en remontant
Je retrouve le  sel.
Bonheur d’être soutier tout au fond du navire.




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