mercredi 5 novembre 2025

LAMB

 


Film  islandais de Valdimar Jóhannsson (2021)

Avec  Noomi Rapace ( Maria) et  Hilmir Snaer Gudnason  (Ingmar)

Musique Toti Guonason (et  Sarabande  de  Haendel)

Isolés dans une vallée d’Islande balayée par le vent, au sein d’une  nature  hostile et  magnifique, Maria  et  Ingvar s’occupent de leur ferme d’ovins. Un jour une brebis  de leur troupeau  donne  naissance  dans des conditions difficiles, à  une créature  mi-humaine mi agnelle. Le couple éprouvé  par  la  mort récente  d’un enfant, vit  cette naissance monstrueuse comme  un  moyen  d’apaiser leur  chagrin, « un don du ciel », un substitut au bonheur dont la  nature  les a cruellement privés.

Dès lors, le film bascule dans cette zone trouble où l’amour devient transgression. La créature  prend le  nom de l‘enfant perdue,Ada , est élevée au sein du foyer,et la vie semble  reprendre  son cours  normal  et  apaisé.  Enfin presque…

Ce “presque” est tout le film. Il emplit l’air, le silence, les visages. Lamb hypnotise par ce non-dit permanent : on ne sait plus s’il s’agit d’un conte, d’une parabole ou d’une hallucination. L’étrangeté s’installe sans fracas, avec la lenteur implacable du réel. Cependant des signes  troublent  imperceptiblement le quotidien , venant nous rappeler  la transgression qui  nie la frontière entre l’humain et l’animal, la vie sauvage  et  la vie domestique.

Ce film ne condamne ni ne moralise. Il nous laisse dans ce malaise où s’affrontent, l’ordre conventionnel et l’absurde, l’irrationnel et la compassion . Le spectateur, comme María et Ingvar, ne sait plus où se situe la justice : entre le droit de la nature et celui du chagrin.

Lamb agit comme un rêve lent qui s’effiloche au réveil. Il ne cherche pas à convaincre, mais à hanter. Sa beauté naît de ce conflit silencieux entre l’amour et la loi du monde — là où la douleur humaine tente, un instant, d’imposer un miracle à la nature, avant de se soumettre au silence des montagnes.



samedi 1 novembre 2025

Le patient anglais

 




Le Patient anglais (The English Patient)

Réalisateur :Anthony Minghella

Année de sortie : 1996

Scénario : Anthony Minghella, d’après le roman éponyme de  Michael Ondaatie 

Musique  : Gabriel Yared avec variations sur les  variatins Goldberg  de JS Bach

Photographie : John Seale, montage : Walter  Munch, production : Saul Zaentz.

Distribution principale

Ralph Fiennes: comte László Almasy ( Le  patient  anglais”)

Juliette Binoche : Hana l’infirmière canadienne

Kristin Scott Thomas : Katharine  Clinton

Colin  Firth :  Geoffrey Clifton

Willem Dafoe : Caravaggio

Naveen Andrews : Kip Singh

Synopsis

Pendant la seconde  guerre  mondiale, une jeune infirmière, Hana, soigne un homme grièvement brûlé, connu seulement sous le nom de “patient anglais”, dans un monastère en ruines en Italie.

À mesure qu’il se remémore son passé, se révèle une histoire d’amour tragique entre Almásy, explorateur  hongrois et Katharine Clifton, femme d’un cartographe britannique, dans les sables du désert du Sahara avant la guerre.

Les souvenirs entrecroisent passion, trahison et guerre — et l’amour devient, littéralement, une blessure incurable.

Deux intrigues en miroir

Anthony Minghella orchestre deux récits qui se croisent sans jamais se confondre. L’un, flamboyant, raconte la passion interdite d’Almásy et de Katharine, sous le soleil du désert. L’autre, plus discret, accompagne l’infirmière Hana dans sa résilience au milieu des ruines de la guerre. Entre ces deux univers — le sable et la pierre, la mémoire et le présent — se joue une méditation sur l’amour, la perte et la possibilité de survivre.

La romance entre Almásy et Katharine, magnifiée par la photographie de John Seale, semble venir d’un autre monde : dunes dorées, vent infini, lumière qui efface tout. L’amour y est total, tyrannique. Mais il finit par se confondre avec la mort. Le désert, splendide et indifférent, devient le miroir d’un absolu impossible à vivre. Ralph Fiennes et Kristin Scott Thomas incarnent deux êtres qui ne supportent pas les limites : ni celles de la morale, ni celles de la guerre. Leur beauté se paie de solitude et de cendres.

À l’opposé, dans le monastère italien où le « patient anglais » agonise, Hana elle aussi  meurtrie  par  la guerre trouve  sa force  dans  le soin qu’elle  apporte  aux vivants. Elle représente la vie après la fièvre, la lumière qui revient timidement. Juliette Binoche lui prête une douceur énergique, presque enfantine, qui résiste à la laideur du monde. Sa relation avec Kip, le démineur sikh, n’a rien d’épique : c’est un amour suspendu, attentif, conscient de sa fragilité. Là où la passion d’Almásy et Katharine dévore, Hana et Kip réparent — non pas en oubliant, mais en apprivoisant la douleur.

La musique de Gabriel Yared tisse cette dualité avec une précision émotionnelle rare. Les envolées orchestrales accompagnent la tragédie du désert, tandis que le thème des  variations  Goldberg de  JS Bach, introduit un souffle spirituel, une clarté apaisée. C’est tout le film qui respire à ce rythme. 

Le génie de Minghella est d’avoir lié ces deux mondes dans un seul corps, celui du patient : Almásy brûlé, défiguré, réduit à une voix. À travers lui, les deux amours communiquent — l’un désespéré, l’autre encore possible. 

Ainsi, derrière l’apparente hégémonie des images somptueuses du désert, n'est-ce pas l’histoire d’Hana qui illumine le film. Car si la passion sublime et détruit, la compassion, elle, reconstruit. Le Patient anglais n’est pas seulement un poème sur l’amour perdu : c’est une élégie pour la tendresse qui survit à la guerre.