Echo et Narcisse de John William Waterhouse |
Fragments du NARCISSE
Te voici, mon doux corps de lune et de rosée,
O forme obéissante à mes voeux opposée !
Qu'ils sont beaux, de mes bras les dons vastes et vains !
Mes lentes mains, dans l'or adorable se lassent
D'appeler ce captif que les feuilles enlacent ;
Mon coeur jette aux échos l'éclat des noms divins !....
Mais que ta bouche est belle en ce muet blasphème !
O semblable ! ... Et pourtant plus parfait que moi-même,
Ephémère immortel, si clair devant mes yeux,
Pâles membres de perle, et ces cheveux soyeux,
Faut-il qu'à peine aimés, l'ombre les obscurcisse ,
Et que la nuit déjà nous divise, ô Narcisse ,
Et glisse entre nous deux le fer qui coupe un fruit !
Qu'as-tu ?
Ma plainte même est funeste ?...
Le bruit
Du souffle que j'enseigne à tes lèvres, mon double ,
Sur la limpide lame a fait courir un trouble !...
Tu trembles... Mais ces mots que j'expire à genoux
Ne sont pourtant qu'une âme hésitante entre nous,
Entre ce front si pur et ma lourde mémoire...
Je suis si près de toi que je pourrais te boire ,
O visage !... Ma soif est un esclave nu...
Jusqu'à ce temps charmant, je m'étais inconnu,
Et je ne savais pas me chérir et me joindre !
Mais te voir, cher esclave, obéir à la moindre
Des ombres dans mon coeur se fuyant à regret ,
Voir sur mon front l'orage et les feux d'un secret ,
Voir , ô merveille , voir ! ma bouche nuancée
Trahir... peindre sur l'onde une fleur de pensée,
Et quels événements étinceler dans l'oeil !
J'y trouve un tel trésor d'impuissance et d'orgueil,
Que nulle vierge enfant échappée au satyre,
Nulle ! aux fuites habiles, aux chutes sans émoi,
Nulle des nymphes, nulle amie, ne m'attire
Comme tu fais sur l'onde, inépuisable Moi ! ...
Paul Valéry
O forme obéissante à mes voeux opposée !
Qu'ils sont beaux, de mes bras les dons vastes et vains !
Mes lentes mains, dans l'or adorable se lassent
D'appeler ce captif que les feuilles enlacent ;
Mon coeur jette aux échos l'éclat des noms divins !....
Mais que ta bouche est belle en ce muet blasphème !
O semblable ! ... Et pourtant plus parfait que moi-même,
Ephémère immortel, si clair devant mes yeux,
Pâles membres de perle, et ces cheveux soyeux,
Faut-il qu'à peine aimés, l'ombre les obscurcisse ,
Et que la nuit déjà nous divise, ô Narcisse ,
Et glisse entre nous deux le fer qui coupe un fruit !
Qu'as-tu ?
Ma plainte même est funeste ?...
Le bruit
Du souffle que j'enseigne à tes lèvres, mon double ,
Sur la limpide lame a fait courir un trouble !...
Tu trembles... Mais ces mots que j'expire à genoux
Ne sont pourtant qu'une âme hésitante entre nous,
Entre ce front si pur et ma lourde mémoire...
Je suis si près de toi que je pourrais te boire ,
O visage !... Ma soif est un esclave nu...
Jusqu'à ce temps charmant, je m'étais inconnu,
Et je ne savais pas me chérir et me joindre !
Mais te voir, cher esclave, obéir à la moindre
Des ombres dans mon coeur se fuyant à regret ,
Voir sur mon front l'orage et les feux d'un secret ,
Voir , ô merveille , voir ! ma bouche nuancée
Trahir... peindre sur l'onde une fleur de pensée,
Et quels événements étinceler dans l'oeil !
J'y trouve un tel trésor d'impuissance et d'orgueil,
Que nulle vierge enfant échappée au satyre,
Nulle ! aux fuites habiles, aux chutes sans émoi,
Nulle des nymphes, nulle amie, ne m'attire
Comme tu fais sur l'onde, inépuisable Moi ! ...
Paul Valéry
superbeau poème! on en trouve une interprétation maise en scène par Louis Latourre ici:
RépondreSupprimerhttp://www.youtube.com/watch?v=atGnLULgbmQ
Merci pour le lien . Beaux talents ! C'est "la parole vivante " rendue à Valéry !
RépondreSupprimerBonjour
RépondreSupprimerMerci ! je connaissais ce Narcisse extrait de "Charmes" il est unique de musicalité, et merci pour la mise en scène, ce sont deux raretés puisque apparemment les Fragments 1-2-3 sont mis en scène et aussi la "Cantate du Narcisse". Mais qui sont les acteurs? nulle part on ne dit leurs noms?
http://www.youtube.com/watch?v=89jqHmzCyxo
Cette actrice dit exceptionnellement bien, j'en ai des frissons ! Un musicien pourrait prendre sa voix en dictée musicale
Formons, toi sur ma lèvre, et moi, dans mon silence,
RépondreSupprimerUne prière aux dieux qu’émus de tant d’amour
Sur sa pente de pourpre ils arrêtent le jour !...
Faites, Maîtres heureux, Pères des justes fraudes,
Dites qu’une lueur de rose ou d’émeraudes
Que des songes du soir votre sceptre reprit,
Pure, et toute pareille au plus pur de l’esprit,
Attende, au sein des cieux, que tu vives et veuilles,
Près de moi, mon amour, choisir un lit de feuilles,
Sortir tremblant du flanc de la nymphe au cœur froid,
Et sans quitter mes yeux, sans cesser d’être moi,
Tendre ta forme fraîche, et cette claire écorce...
Oh ! te saisir enfin !... Prendre ce calme torse
Plus pur que d’une femme et non formé de fruits...
Mais, d’une pierre simple est le temple où je suis,
Où je vis… Car je vis sur tes lèvres avares !...
http://www.youtube.com/watch?v=H5wvfpFCqKA
Je n'ai pas la réponse pour les noms des artistes .. mais peut être par le fil du Théâtre Dejazet ? Par le fil de Louis Latourre :
RépondreSupprimerhttp://theatreartproject.com/theatre.html
Je crois que je vais explorer aussi de mon côté à partir de ce lien ....
Et merci Zoé pour ce nouveau fragment !
Retrouver Narcisse sur ce blog m'amuse. J'aime d'autant plus les alexandrins de Valéry que je connais bien le metteur en scène des Fragments du Narcisse mais plutôt comme un sympathique faussaire, un farceur, témoin Du Bellay ces quatre "inédits" tellement inédits que je demanderais si Du Bellay peut seulement écrire ça! le 4eme est un aveu que non certainement, pas :-)
RépondreSupprimerhttp://www.youtube.com/playlist?list=PLw_bOW3oZG0EMmUnEx5Qxa3d5BVyu_4oj