mardi 27 décembre 2016

Odyssée, Odisseo , Odysseus ...

Un faisceau  de liens tissés dans l'errance selon  la fantaisie  des dieux qui préside au destin  des mortels ...

 

Chopin pour un anniversaire

Chopin concerto pour piano n°1 en mi mineur opus 11 mvt 2 Romanze, larghetto

lundi 28 novembre 2016

Cesare Pavese : Ulysse et Calypso (Odisseo e Calipso)



Un  autre  des dialogues  « Dialoghi  con  Leuco ».
Ici, Calypso demande à Ulysse de choisir entre l'éternité avec elle et son retour à Ithaque.

Attention : On ne peut pas dire qu'il s'agisse d'une traduction, je n'ai pas assez la maîtrise de la langue italienne mais c'est plutôt ce que la lecture de ce texte m'a inspiré, le sens que je lui ai donné. J'ai essayé de restituer les images qui sont nées de cette lecture, en cherchant le reflet d'une langue dans une langue différente, l'insistance particulière de formes poétiques, comme l'horizon, le silence, le destin, l'île cernée par l'horizon qui l'isole du reste du monde, les barrières que dressent les rochers pour séparer le réel et les songes. L'image aussi du temps qui fuit, figuré par son ensevelissement dans la terre où fond le souvenir de tout ce qui a été et ne reviendra pas car c'est la loi naturelle à laquelle même les dieux sont soumis et qu'ils acceptent dans un instant d'éternité.


Calypso : Ulysse, ce n'est pas si différent. Toi comme moi tu veux t'arrêter sur une île. Tu as vu et souffert toute chose. Je te dirai peut-être un jour ce que j'ai enduré. Tous deux nous sommes las d'un grand destin. Pourquoi continuer ? Que t'importe que cette île ne soit pas celle que tu cherchais ? Ici il n'arrive jamais rien. C'est un peu de terre et un horizon. Tu peux vivre ici toujours.

Ulysse : Une vie immortelle ?

Calypso : Immortelle, qui accepte l'instant présent. Qui ignore demain. Si cette idée te plaît, dis-le. Si seulement tu en es là.

Ulysse : Je croyais immortel celui qui ne craint pas la mort.

Calypso : Plutôt celui qui n'espère pas vivre. Certes, presque comme toi. J'ai beaucoup souffert comme toi. Mais pourquoi cette impatience de t'en retourner chez toi ? Tu es encore inquiet. Pourquoi les discours te poussent-ils à braver tout seul les écueils ?

Ulysse : Si demain je partais, serais-tu heureuse ?

Calypso : Tu veux en savoir trop mon cher. Nous parlons d'une vie immortelle. Mais si tu ne renonces pas à tes souvenirs et à tes rêves, si tu ne renonces pas à l'impatience et si tu n’acceptes pas les limites de l'horizon, tu n'échapperas pas au destin qui t'est réservé.

Ulysse : On parle toujours d’accepter un horizon. À quelle fin ?

Calypso : Se poser et ne plus questionner, Ulysse.
Mais t'es-tu jamais demandé pourquoi nous aussi nous cherchons le sommeil ? T'es-tu jamais demandé où vont les anciens dieux  que le monde a oubliés ? Pourquoi s'enfoncent-ils dans le  temps  comme les pierres dans la terre ? Eux aussi pourtant sont éternels. Et qui suis-je, moi ? Qui est Calypso ?

Ulysse : Je t'ai demandé si tu es heureuse ?

Calypso : Ce n'est pas la question. Jusqu'à l'air de cette île déserte, qui maintenant vibre des rugissements de la mer et des cris des oiseaux, est trop vide. Dans ce vide il n'y a pas de place pour le regret. Mais sens-tu aussi certains jours, dans le silence en suspension, comme l'empreinte d'anciennes existences et de présences disparues ?

Ulysse : Donc toi aussi tu parles d'écueils à braver ?

Calypso : C'est une sorte de silence. Une chose lointaine et pratiquement effacée. Ce qui a été ne sera jamais plus. Dans le vieux monde des dieux, quand ma volonté présidait au destin, on m'a donné des noms effrayants, Ulysse. La terre et la mer m'ont obéi, puis je me suis fatiguée ; le temps a passé, j'ai voulu ne plus évoluer. Certains d'entre nous ont résisté à de nouveaux dieux tandis que d'autres se sont éloignés dans le temps ; tout évoluait mais aboutissait à la même chose ; ça ne valait pas la peine de vouloir à nouveau contester le destin. Alors j'ai connu mon horizon et compris pourquoi les anciens dieux s'étaient résignés devant nous.

Ulysse : Mais n'étaient-ils pas immortels ?

Calypso : Et je le suis Ulysse. Je n'espère pas vivre et je n'espère pas mourir. J'accepte l'instant, le présent. [Vous mortels, vous attendez quelque chose de pareil, la vieillesse et le regret.] Pourquoi ne veux-tu pas te poser avec moi sur cette île ?

Ulysse : Je le ferais, si je croyais que tu étais résignée. Mais toi aussi qui a été la maîtresse de toutes ces choses, tu as besoin de moi, d'un mortel qui t'aide à supporter.

Calypso : C'est un bien réciproque Ulysse. Il n'y a pas de vrai silence si on ne le partage pas.

Ulysse : N'en n'as-tu pas assez que je sois avec toi depuis tous ces jours ?

Calypso : Tu n'es pas comme moi Ulysse. Tu n'acceptes pas l'horizon de cette île. Et tu n'échappes pas au regret.

Ulysse : Ce que je regrette est cette part de moi-même, comme toi ton silence. Qu'as-tu perdu de toi le jour où la terre et la mer ont cessé de t'obéir. Tu t'es sentie seule et fatiguée et tu as renoncé à tes pouvoirs. Rien ne t'a été enlevé. Ce que tu es, c'est toi qui l'as voulu.

Calypso : Ce que je suis est presque rien. Presque mortelle, presque une ombre, comme toi. C'est un long sommeil commencé, on ne sait quand et tu es entré dans mon sommeil comme un rêve. Je crains l'aube, le réveil ; si tu t'en vas c'est le réveil.

Ulysse : C'est toi la déesse qui parles ?

Calypso : Je crains le réveil comme tu crains la mort. Voilà, alors j'étais morte, maintenant je le sais. Il ne restait de moi sur cette île que la voix de la mer et du vent. Oh ! Ce n'était pas souffrance. Je dormais. Mais quand tu es entré dans mon rêve tu portais une île en toi.

Ulysse : Depuis trop de temps je la cherche. Tu ne sais pas ce que c'est que d'apercevoir une terre, de scruter de tous ses yeux et chaque fois d'être déçu. Je ne peux pas accepter et ne plus chercher.

Calypso : Et pourtant Ulysse, vous les hommes vous dites qu'il ne faut pas chercher à retrouver ce qui a été perdu. Le passé ne revient jamais. Rien n’arrête la marche du temps. Toi qui as vu l'Océan, les monstres, l'Élysée, crois-tu que tu pourras reconnaitre les maisons, tes maisons ?

Ulysse : Toi-même tu as dit que je portais l'île en moi.

Calypso : Oh oui ! Mais changée, perdue, un silence. L'écho de la mer dans les rochers, un peu de fumée. Avec toi personne ne pourra partager. Les maisons seront pareilles au visage d'un vieillard. Tes paroles auront un sens différent des leurs. Tu seras plus seul qu'en mer.

Ulysse : Au moins je saurai que je dois m’arrêter.

Calypso : Ça n'en vaut pas la peine Ulysse. Celui qui ne s’arrête pas maintenant, immédiatement ne s'arrêtera jamais plus. Ce que tu fais, tu le feras toujours. Tu dois briser une fois le destin. Tu dois sortir du chemin et te laisser fondre dans le temps.

Ulysse : Je ne suis pas un immortel.

Calypso : Tu le seras si tu m'écoutes. Qu'est-ce que la vie éternelle sinon accepter l'instant qui vient, l'instant qui va. L'ivresse, le plaisir et la mort n'ont pas d'autre but. N'est-ce pas jusqu'à présent ce que fut ton errance inquiète.

Ulysse : Si je le savais je me serais déjà arrêté. Mais tu oublies une chose.

Calypso : Dis-moi.

Ulysse : Ce que je cherche, je l'ai dans le cœur, comme toi.

04/12/2016

mardi 15 novembre 2016

Inverno Fabrizio de Andre




Ma tu  che  vai   ma tu  rimani 
Ma  tu  che  fai  perche  rimani

Sale la nebbia sui prati bianchi
come un cipresso nei camposanti
un campanile che non sembra vero
segna il confine fra la terra e il cielo.

Ma tu che vai, ma tu rimani
vedrai la neve se ne andrà domani
rifioriranno le gioie passate
col vento caldo di un’altra estate.

Anche la luce sembra morire
nell’ombra incerta di un divenire
dove anche l’alba diventa sera
e i volti sembrano teschi di cera.

Ma tu che vai, ma tu rimani
anche la neve morirà domani
l’amore ancora ci passerà vicino
nella stagione del biancospino.

La terra stanca sotto la neve
dorme il silenzio di un sonno greve
l’inverno raccoglie la sua fatica
di mille secoli, da un’alba antica.

Ma tu che stai, perché rimani?
Un altro inverno tornerà domani
cadrà altra neve a consolare i campi
cadrà altra neve sui camposanti.

samedi 5 novembre 2016

Pavese : Dialoghi con Leuco


Extraits des Cahiers d'études  romanes  : Les Dialoghi con Leucò de Cesare Pavese,une mythologie fondée sur l’homme

Résumé: 
Les Dialoghi con Leucò sont un exemple significatif de la façon de Cesare Pavese d’entendre le mythe et de s’y rapporter. Rédigés entre 1945 et 1947, année de publication, ces dialogues représentent la proposition de la part de l’auteur d’une mythologie fondée sur l’homme, le seul être qui, gardant en soi la force primordiale du germe mythique, est capable de lutter pour gagner des marges de liberté au-deçà du cercle opprimant du destin. Dans l’intention de créer un antidote aux ravages de la Seconde Guerre mondiale, Pavese parvient à la fois à l’exorcisation de ses propres mythes personnels, en les encadrant dans la Mythologie (grecque et pré-grecque), et à la création d’une allégorie des capacités intrinsèques de l’homme de réaliser sa liberté à travers le souvenir, moyen de connaissance, et la parole. Ainsi la forme dialogique devient l’expression formelle de la philosophie sous-tendue au contenu de Leucò qui promeut le pouvoir salvateur du discours de l’homme vers l’homme.

[...] L’acceptation de fond de la fabula du mythe est aussi révélée par les brèves notes qui introduisent chaque dialogue : le narrateur, qui est vraisemblablement Pavese lui-même, car il n’y a pas d’éléments qui nous amènent à considérer l’auteur et le narrateur comme deux figures distinctes, esquisse le mythe auquel le dialogue fait référence, en faisant des remarques généralement ironiques et de nature métalittéraire, suivies parfois par des observations montrant qu’il croit vraiment aux événements décrits : par exemple, on peut lire à propos du dialogue qui a pour protagonistes Achille et Patrocle (I due), « Superfluo rifare Omero. » (« Inutile de réécrire Homère. »). Mais juste après, considérant la matière du récit – le dialogue en question – comme un événement réellement advenu, le narrateur ajoute : « Noi abbiamo voluto semplicemente riferire un colloquio che ebbe luogo la vigilia della morte di Patroclo. » (« Nous avons simplement voulu rapporter un dialogue qui eut lieu la veille de la mort de Patrocle. »). On se rend donc bien compte que Pavese voulait représenter sur la page écrite sa propre croyance dans les mythes, sa propre aspiration à créer un rapport authentique avec le mythe (à la façon grecque) qui correspondait à l’ambition formelle de créer des “rapports imaginatifs” entre les objets de l’écriture et la réalité proprement dite qu’il choisit de représenter, en éliminant toute ornementation gratuite et tous jeux rhétoriques. Ainsi le choix de s’occuper du mythe s’est présenté comme inévitable : c’était l’initiative nécessaire en ce qu’elle lui a fourni le moyen d’expression idéal pour aboutir à une poétique du symbole..[...]

____

Parlano  Achille  e Patroclo 

N'ayant pas trouvé   d'édition  bilingue, la  traduction est  très approximative  mais j'aime  particulièrement  ce  passage   ou  Cesare  Pavese ,   joue  avec  la  nature  du souvenir mise  en  abîme  dans  sa narration du  mythe homérique .

Achille : Patroclo,  perché noi uomini diciamo  sempre  per farci  coraggio : "Ne  ho  visto di  peggio" quando dovremmo dire : "il  peggio verrà. Verrà un  giorno  che  saremo cadaveri" [...] Stasera so  che dopotutto non c'è differenza tra noialtri e  gli  uomini  vile. E questo  peggio  vien  per  ultimo, viene  doppo  ogni cosa , e tu  tappa la bocca come un  pugno  di  terra. E sempre bello  ricordarsi : "Ho visto  questo ,  ho  patito quels'altro" ma  non  è  iniquo che propiri la cosa  più dura non  la  potremo ricordare ?    
Patrocle , pourquoi  nous  les  hommes, disons-nous  toujours  pour nous donner du  courage "N'en  n'avons -nous  pas  connu de pire" quand  nous devrions  dire  "Le  pire est  à  venir, viendra  un  jour où nous serons des cadavres"  . [...] Ce soir   je sais que  après tout  ,  il  n'y a pas de différence entre nous autres   et  les homes lâches . Pour  tous,  il  est quelque  chose de pire  . Et ce pire  vient   à la fin , vient   après toute  chose et te jette   face contre  terre .Et   il  est toujours  bon  de se  rappeler : "J'ai  vu  ceci , j'ai  enduré cela" mais  ,'est-il   pas injuste  que précisément  la chose   la plus dure  nous  ne   puissions  nous en  souvenir ?    
[...]
Patroclo :[...]Achille, quando torneremo in campo ?
[...] Achille  quand  retournerons  nous  au combat?
Achille :Torneremo, sta' certo. Un  destino  ci  aspetta. Quando   vedrai   le  navi   in  fiamme, sarà l'ora.
Nous  y  retournerons sois -en  certain. Le destin  nous  attend. Quand  tu  verras les bateaux en  flammes , ce sera l'heure
Patroclo :   A questo   punto?
A ce moment  ? 
Achille   :  Perche ? Ti  spavetta ?   Non ne hai   visto   di  peggio?
Pourquoi   ?  Tu  as peur  ?   N'en  as-tu  pas  vu  de  pire   ?
Patroclo: Mi mette  la smania. Siamo  qui  per  finirla. Magari   domani .
Je suis impatient Nous sommes ici   pour  en  finir .Demain   peut-être .
Achille: Non  aver  fretta  , Patroclo. Lascia  dire  "domani" agli  dei. Solamente  per  loro   quel  che   è  stato  sarà.
Ne sois pas pressé Patrocle.Laisse  dire  aux dieux "demain" . Seulement pour eux  ce qui  a été sera.
[...]

lundi 17 octobre 2016

Leopardi : La quiete dopo la tempesta

 Giacomo Leopardi: "LA QUIETE DOPO LA TEMPESTA" - Le videopoesie di Gianni Caputo 

Le calme après l'orage

(Traduction  Michel  Orcel)

    L'orage s'en est allé:
J'entends les oiseaux s'égayer, et la poule reparue sur la route
Qui répète son cri . Voilà que la lumière
Perce, au couchant,  là-bas, vers la montagne;
S'éclaircit  la campagne,
Et dans le  val  soudain brille  le  fleuve.
Tout cœur  s'allège  , de  tout côté
resurgit la rumeur
Et reprend le  travail  familier
L'artisan pour contempler  l'humide ciel
Chantonnant son ouvrage  à la main
Se  montre sur le seuil; en  hâte sort
La  paysanne  pour  puiser  l'eau
De la nouvelle  pluie;
Le maraîcher  renouvelle
De chemin  en  chemin

Son appel  journalier
Voilà  le soleil  reparu, voilà  qu'il  brille
Par les collines, les  hameaux. les serviteurs
Ouvrent volets fenêtres et terrasses
Du fond  de la grand-rue,on  entend au  lointain
Des sonnailles  tinter ; Le  char  grince
Du voyageur qui  reprend son  chemin. 
    S'allègent  tous  les cœurs.
Quand  est si chère  si précieuse,
Comme  à présent,  la vie?
Quand  avec tant d'amour
L'homme s'applique   à ses travaux,
Reprend son œuvre, s'attelle à quelque tâche :
Quand de  ses maux  il  perd  un  peu  le souvenir.
Plaisir  fils de  souffrance;
Joie vaine  car  il est fruit
De la frayeur enfuie, par qui  s'est ranimé,
A redouté  la  mort,
Qui  abhorrait la vie ;
Par qui  d'un  long  tourment,
Pâles,glacés, sans  mots,
Suaient  et  palpitaient les  êtres,
Voyant levés à  notre  assaut
Nuages, foudre et  vents.

    O affable  nature,
Ce sont là  tes  présents,
Tels sont donc  les  plaisirs
Que tu  offres aux  mortels. Sortir  de  peine
est plaisir pour nous.
Les  peines tu  répands  à  pleines  mains; le deuil
Est là  spontanément; et de plaisir, ce peu
Qui par prodige  quelquefois
Naît de  souffrance, est un grand gain.  O  peuple
Humain, si  cher  aux éternels ! heureux  assez
s'il  t'est  permis de respirer
D'une douleur, mais bienheureux
Si  de   douleur  Mort  te  guérit.

 

samedi 15 octobre 2016

Cesare Pavese, Tu as un sang, une haleine....

Cesare Pavese Hai un sangue, un respiro 


Tu as un sang, une haleine,
Tu es  faite  de chair
de cheveux de regards
toi  aussi. Terre et arbres,
ciel  de  mars et lumière,vibrent et  te ressemblent -
Ton rire  et ta démarche
sont des eaux qui  tressaillent -
la ride entre  tes  yeux
des  nuages amassés -
ton  tendre corps rappelle
un coteau  au  soleil.

Tu as  un  sang  ,une haleine
Tu vis sur cette terre.
Tu en connais  les saveurs
les saisons  ,  les éveils,
tu as joué  au soleil,
tu as  parlé avec  nous.
Rejeton  du printemps,
eau  transparente,  terre,
silence qui  bourgeonne,
tu as joué enfant
sous un  ciel  différent,
dans tes  yeux  il  y a son  silence,
un nuage qui  jaillit
comme  du  fond  la source.
Maintenant tu  tressailles
et ris sur  ce silence.

Tendre  fruit  qui  vis
sous  le  ciel  transparent,
qui  respires et qui  vis
notre saison  commune,
dans ton  secret  silence
est ta force.Comme l'herbe  qui  s'anime sous le  vent,
tu frissonnes et  tu ris ,
mais toi,  tu es  terre.
Tu es  racine féroce,
Tu es  la terre  qui  attend.

21 mars  1950
Du recueil "La mort  viendra et  elle  aura tes yeux" 
Traduction de   Gilles de   Van

 

mercredi 12 octobre 2016

Cesare Pavese : You, wind of March


Cesare Pavese You, wind of March

Sei la vita e la morte
Sei venuta di marzo
sulla terra nuda -
il tuo brivido dura.
Sangue di primavera
- anemone o nube -
il tuo passo leggero
ha violato la terra.
Ricomincia il dolore.

Il tuo passo leggero
ha riaperto il dolore.
Era fredda la terra
sotto povero cielo,
era immobile e chiusa
in un torpido sogno,
come chi più non soffre.
Anche il gelo era dolce
dentro il cuore profondo.
Tra la vita e la morte
la speranza taceva.

Ora ha una voce e un sangue
ogni cosa che vive.
Ora la terra e il cielo
sono un brivido forte,
la speranza li torce,
li sconvolge il mattino,
li sommerge il tuo passo,
il tuo fiato d'aurora.
Sangue di primavera,
tutta la tetra trema
di un antico tremore.

Hai riaperto il dolore.
Sei la vita e la morte.
Sopra la terra nuda
sei passata leggera
come rondine o nube,
e il torrente del cuore
si è ridestato e irrompe
e si specchia nel cielo
e rispecchia le cose -
e le cose, nel cielo e nel cuore
soffrono e si contorcono
nell'attesa di te.
E', il mattino, è l'aurora,
sangue di primavera,
tu hai violato la terra.

La speranza si torce,
e ti attende ti chiama.
Sei la vita e la morte.
Il tuo passo è leggero.

 

En français par Gilles-Claude  Thériault

 PAVESE, Cesare - You, Wind of March.

Tu es la vie et la mort.
Tu es venue en mars
sur la terre nue -
et ton frisson dure.
Sang de printemps
- anémone ou nuage -
ton pas léger
a violé la terre.
La douleur recommence.

Ton pas léger
a rouvert la douleur.
La terre était froide
sous un pauvre ciel
immobile et fermée
comme dans la torpeur d'un rêve,
comme après la souffrance.
Et la glace était douce
dans le cœur profond.
Entre vie et mort
l'espoir se taisait.

Maintenant ce qui vit
a une voix et un sang.
Maintenant terre et ciel
sont un frisson puissant,
l'espérance les tord,
le matin les bouleverse,
ton pas et ton haleine
d'aurore les submergent.
Sang de printemps,
toute la terre tremble
d'un ancien tremblement.

Tu as rouvert la douleur.
Tu es la vie et la mort.
Sur la terre nue,
tu es passée légère,
hirondelle ou nuage,
et le torrent du cœur
s'est réveillé, déferle,
se reflète dans le ciel
et reflète les choses -
et les choses, dans le ciel, dans le cœur,
souffrent et se tordent
dans l'attente de toi.
C'est le matin, l'aurore,
sang de printemps,
tu as violé la terre.

L'espérance se tord,
et t'attend et t'appelle.
Tu es la vie et la mort.
Ton pas est léger.

25 mars 1950
Cesare Pavese (1908-1950)