Yo-Yo Ma The Swan Saint-Saens
Jean Louis David La mort de Socrate |
Le chant du Cygne
L'expression "le chant du cygne", qui nous vient de la plus haute Antiquité grecque, est toujours utilisée pour désigner, par exemple, un discours ou un récital d'adieu. Dans la bouche de Socrate, elle prend une valeur sacrée. Représentons-nous ce sage dans sa prison d'Athènes, où il vient d'apprendre qu'il est condamné à mort pour impiété. Les amis qui l'entourent aimeraient bien l'entendre une dernière fois parler de la connaissance de soi et de l'immortalité de l'âme, mais ils n'osent pas le lui demander, de peur de l'importuner dans ses derniers instants. Voici l'aimable reproche que leur adresse Socrate:
Le Phedon
(la mort de Socrate)
" Après que Socrate eut ainsi parlé, il se fit un long silence. Socrate paraissait tout occupé de ce qu'il venait de dire ; nous l'étions aussi pour la plupart, et Cébès et Simmias parlaient un peu ensemble. Enfin, Socrate les apercevant : De quoi parlez-vous ? leur dit-il ; ne vous paraît-il point manquer quelque chose à mes preuves ? Car il me semble qu'elles donnent lieu à beaucoup de doutes et d'objections, si on vient à les examiner en détail. Si vous parlez d'autre chose, je n'ai rien à dire; mais si c'est sur cela que vous avez des doutes, ne faites pas difficulté de prendre la parole à votre tour, et d'exposer franchement votre opinion, si la mienne ne vous satisfait pas ; et associez-moi à votre recherche, si vous croyez en venir plus facilement à bout avec moi.
Je te dirai là vérité, Socrate ; répondit Simmias. Il y a longtemps que chacun de nous
deux a des doutes, et pousse l'autre pour qu'il te les propose, car nous désirerions bien t'en- tendre les résoudre; mais nous ne voudrions pas être importuns, et nous craignons que cela ne te soit désagréable dans ta situation.
deux a des doutes, et pousse l'autre pour qu'il te les propose, car nous désirerions bien t'en- tendre les résoudre; mais nous ne voudrions pas être importuns, et nous craignons que cela ne te soit désagréable dans ta situation.
Eh ! mon cher Simmias, reprit Socrate en souriant doucement, à grande peine persuaderais-je aux autres hommes que je ne prends point pour un malheur l'état où je me trouve, puisque je ne saurais vous le persuader à vous-mêmes, et que vous craignez que je ne sois plus difficile à vivre maintenant qu'auparavant. Vous me croyez donc, à ce qu'il paraît, bien inférieur aux cygnes, pour ce qui regarde le pressentiment et la divination. Les cygnes, quand ils sentent qu'ils vont mourir, chantent encore mieux ce jour-là qu'ils n'ont jamais fait, dans leur joie d'aller trouver le dieu qu'ils servent. Mais la crainte que les hommes ont eux-mêmes de la mort leur fait calomnier ces cygnes, en disant qu'ils pleurent leur mort, et qu'ils chantent de tristesse ; et ils ne font pas cette réflexion qu'il n'y a point d'oiseau qui chante quand il a faim ou froid, ou quand il souffre de quelque autre manière, non pas même le rossignol, l'hirondelle ou la huppe, dont on dit que le chant est une complainte. Mais je ne crois pas que ces oiseaux chantent de tristesse, ni les cygnes non plus; je crois plutôt qu'étant consacrés à Apollon, ils sont devins, et que, prévoyant le bonheur dont on jouit au sortir de la vie, ils chantent et se réjouissent ce jour-là plus qu'ils n'ont jamais fait. Et moi, je pense que je sers Apollon aussi bien qu'eux, que je suis consacré au même dieu, que je n'ai pas moins reçu qu'eux de notre commun maître l'art de la divination, et que je ne suis pas plus fâché de sortir de cette vie; c'est pourquoi, à cet égard, vous n'avez qu'à parler tant qu'il vous plaira, et m'interroger aussi longtemps que les onze voudront le permettre.
(Page 248 et suite )
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