Tommaso Albinoni - Oboe Concerto / Andante
J'ai perdu de vue un temps Elena et j'éprouve un profond sentiment de tristesse au souvenir de cet épisode .
J'aimais beaucoup Elena. Ses défauts n'étaient pour moi que séduction et j'étais habitué à ses fantaisies que je décryptais si facilement sur son visage aussi mouvant que ses émotions !
Elle avait gardé des attitudes de "gamine" qui m'attendrissaient parce que ses espiègleries nous faisaient douter du sérieux de l'existence :" La vie est trop courte pour qu'on la prenne au sérieux " aimait-elle à dire dans ces moments d'euphorie.
C'était alors un papillon butinant de fleurs en fleurs les plus petites joies de l'existence où même, vie et mort s'y entremêlaient joyeusement.
Instants privilégiés où tout était possible , y compris les rêves les plus fous , où les opinions étaient tranchées sans nuances , où rouge et noir s'acceptaient sans se confondre . C'était aussi les heures d'effort, des défis , des grands engagements .
Puis tout à coup tout s'effondrait , brutalement sapé par une légère déception , un chagrin ordinaire , une trahison banale
C'était si brutal qu'il était inutile de lui tendre la main . Le souvenir de la petite fille des instants précédents vous donnait envie de la pendre dans vos bras pour la consoler , mais vous n'étreigniez plus qu'un être en loques arrogant et inaccessible.
Elle vous avait quitté, pris un autre chemin et ... un nouveau masque. Il aurait fallu beaucoup d'amour pour la suivre et même moi , parfois je perdais le fil ..et c'est ce qui se passa sur le parking d'un Centre Commercial de banlieue . Dans la laideur la plus absolue , d'un univers de béton , de plastique et de tôle , vagues de carcasses métalliques répétées à l'infini, je l'avais perdue .
Nous nous étions un peu chamaillés . Je supportais de plus en plus difficilement de la voir se morfondre dans cette aventure onirique.qu'elle prolongeait jusque dans les situations les plus prosaiques de la vie quotidienne ; je la sentais qui m'échappait.
Nous n'étions plus deux mais trois constamment et je ressentais comme une intrusion la présence fantasmée d' Emiliano . Je trouvais qu'il fallait mettre un terme à cette folie. Elena semblait s'y épanouir et cet épanouissement m'effrayait !
Quand j'abordai le problème, elle rit et nous avons continué longtemps encore sur le ton enjoué de la plaisanterie . On aurait pu croire qu'elle me narguait .
Et puis , débouchant sur le parking au grand jour, Elena subitement s'arrêta.
Je la vois encore interrompant un geste banal pour mieux me regarder et enfin me voir. Elle n'ajouta rien et silencieux nous reprîmes le chemin de la maison . Je la quittai et elle ne répondit plus à mes appels ou mes invitations.,m'ignorant ostensiblement.
Je revois encore son visage sur le parking , je sais que là-bas quelque chose s'est brisé comme si j'avais sorti brutalement un somnambule de son sommeil.
Elle devait partir pour Vienne un voyage prévu de longue ..... , et je ne l'ai pas revue avant son départ .
J'espérais que la capitale autrichienne recouvrirait Venise comme Venise avait recouvert d'autres vieux démons . mais Vienne pouvait-elle réserver autant de charmes pour Elena ? Ses illustres fantômes ne lui appartiennent pas exclusivement : ils habitent chaque salle de concert , voyagent de Musées en Musées , d'expositions en expositions . Le Danube peut il rivaliser avec la Lagune ? Shönbrunn avec la Place Saint Marc ?
C'est possible ... pour celui dont la valeur des choses ne se mesure pas exclusivement à l'aune sentimentale...
Image bleue (aquarelle Mj 2006) |
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