Acte IV, scène VII (extrait)
Le roi. - ......Qu'est-ce donc ma douce reine?
La reine. - Un malheur marche sur les talons d'un autre, tant ils se suivent de près. Votre soeur est noyée Laërte.
Laërte. - Noyée ? Où donc ?
La reine. - Il y a au bord d'un ruisseau un saule qui mire ses feuilles argentées dans l'onde transparente. C'est là qu'elle s'en vint portant de folles guirlandes, de renoncules, d'orties, de pâquerettes et de ces longues fleurs pourpres que nos bergers rustauds appellent pattes- de- loup. Là tandis qu'elle grimpait pour suspendre aux rameaux inclinés sa couronne de fleurs, une branche envieuse s'est cassée, et ses trophées champêtres, comme elle-même, tombèrent dans le ruisseau en pleurs. Ses vêtements se sont étalés, et un moment ils la soutinrent telle une sirène, cependant qu'elle chantait des bribes de vieux airs, comme insensible à sa détresse ou comme une créature née et faite pour cet élément. Mais cela ne put durer longtemps. Ses vêtements enfin, lourds de ce qu'ils avaient bu, entraînèrent la pauvrette de son doux chant à une mort fangeuse.
Laërte. - Hélas ! Elle est donc noyée?
La reine. - Noyée, noyée.
Laërte. - Tu n'as que trop d'eau , pauvre Ophélie, et je retiens mes larmes. Et pourtant nous sommes ainsi faits, la nature suit son cours quoi qu'en dise la pudeur. Quand ces pleurs auront coulé, ce qui est femme en moi sera satisfait. Adieu, monseigneur. J'ai des paroles de feu qui jetteraient des flammes, mais cette folle douleur les éteint.
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